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SUR TALONS ROUGES

Les boutiques de la Merceria étalaient les toilettes de la dernière mode. Les élégantes suivies de leurs amies, de leurs sigisbées, de leurs duègnes et de leurs nègres nains, admiraient les derniers modèles des robes de Paris. Elles discutaient la hardiesse des paniers fleuris et des hautes coiffures.

Un homme entre deux âges traînassait, oisif et solitaire, entre les essaims de jeunesses féminines. Il errait, les mains derrière le dos d’où pendait un jonc à pommeau d’ivoire. Dentelles et broderies, volants et falbalas semblaient l’intéresser incommensurablement. Son regard guilleret souriait d’aise à tant de nouvelles variétés. Une main lourde et large s’abattit sur son épaule ; il sursauta, comme réveillé d’un songe. Un très noble seigneur, d’allure étrangère, l’accosta familièrement.

— Hé ! Bonjour, Goldoni, que faites-vous ici ?

— Ce que je fais ?

Et Goldoni, un peu gêné, comme s’il venait d’être pris en flagrant délit, balbutia piteusement :

— Vous voyez ce corsage damassé ? Eh bien ! il m’inspirait toute une pièce de théâtre.

— Allons, laissez cela et venez avec moi !

Le très noble seigneur l’entraîna sur le Ponte di Rialto. Ils s’appuyèrent contre une colonne des arcades