Page:Allatini - Sur talons rouges, contes, 1929.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
34
SUR TALONS ROUGES

— Allons ! Mathias…

Mais le pupille sursauta brusquement.

— Je vous ai dit, et mille fois redit, que je trouve le nom de Mathias affreux. Appelez-moi donc Mattione ou Mattacchione. Un surnom équivaut à un prénom chez nous, en Italie.

L’Abbé un peu décontenancé s’excusa :

— Que voulez-vous, mon cher enfant, vos us ne sont point ceux de notre douce France ; bien que je sois au service de vos trente-six quartiers depuis près de quinze ans et que je vous aie connu tout bambin encore, je ne puis m’habituer à tant de subtilités… Tenez, versez-moi un petit verre d’alchermes de Sainte-Marie-Nouvelle !… Vous ne buvez pas avec moi ?… Mais qu’avez-vous donc, ce soir ? Je ne retrouve pas votre allure habituelle, enjouée et gaillarde.

— Ce que j’ai ? interrompit le jeune seigneur. J’ai du sang dans les veines, du sang florentin, et cela veut dire un sang qui n’oublie pas et qui venge les affronts passés. Tenez, lisez !

Et il lui montra un petit carnet relié en maroquin rouge.

— En 1350, le Marquis Bruto de Malafede assassina mon aïeul, le Comte Gianni Geminianesi. Voyez, son nom est biffé. L’année dernière, dans une ruelle sombre, je guettais son descendant, Francesco Malischicco, vous savez ce freluquet de Cecchino ; il passait chaque soir pour offrir une sérénade à sa belle, je me