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SUR TALONS ROUGES

une main sous le menton. Cette familiarité sembla la froisser. Elle lui tourna le dos avec dédain et s’assit tout contre les barreaux de la cage. Était-ce de la coquetterie ?… Toutefois, Vespasien prouva qu’il n’y voyait aucun inconvénient.

La journée semblait s’annoncer très belle et les rayons du soleil biaisaient sur les quais et les berges du fleuve.

On vit sortir de la boutique, une vieille femme, assez échevelée, très en chair mais non pas en chair de toute première qualité. Elle apparut avec un balai à la main et un torchon sous le bras pour nettoyer un peu la marchandise de sa devanture. Dès qu’elle vit Vespasien, elle se jeta sur lui croyant à un pensionnaire évadé. Elle le poursuivit, avec grand fracas, et renversa plusieurs cages. Les oiseaux affolés volaient en tous sens, meurtrissant contre les barreaux leurs ailes hérissées. Et c’étaient des cris désordonnés et discordants. Les perroquets du haut de leurs perchoirs vociféraient comme des forcenés. Les singes pirouettaient comme des énergumènes désarticulés de Satan. Vespasien eut une peur effroyable, et instinctivement se réfugia d’un bond sur la dernière branche d’un arbre. Dans tout ce tintamarre, il fut un moment attiré par des appels poignants dont les supplications lui allèrent au cœur. Il se retourna. Celle qui fut sa petite amie d’un instant se lamentait avec désolation. Ses grands yeux bruns remplis de désir et de nostalgie étaient rivés sur son amant enfui. Mais Vespasien, plus captivé