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SUR TALONS ROUGES

C’étaient des soupirs alanguis et irritants, mais pour Vespasien, ils étaient suggestifs. La chatte était blottie au bord d’une gouttière et de sa queue qui se balançait en saccades, s’échappaient des étincelles crépitantes. Ses yeux perçaient les ténèbres comme deux dards d’or. Le chat rampait traîtreusement vers elle, en sanglotant le trop-plein de son amour. Et ses yeux scrutaient terriblement la nuit noire. C’était là un spectacle assez effrayant pour Vespasien, mais il était comme hypnotisé par ces quatre dards d’or qui tournaient en tous sens et il resta sur place, claquant des dents et secoué convulsivement de terreur. Mais le chat poussa un cri si déchirant et bondit sur la chatte de si furieuse façon, que le petit sapajou, comme secoué d’un rêve, grimpa haletant le long de la gouttière. Dès qu’il se vit sur les mansardes, il respira et passa sa main sur son front bas et fuyant.

La lune impassiblement parcourait avec flegme le vaste firmament. Qu’elle était sereine ! Rien de tout ce qu’avait vu Vespasien, rien de ce qui l’avait agité et terrorisé n’avait influencé sa sérénité. Vespasien la regardait. Sa lourde figure bouffie semblait se rire de ce qui se passait par cette nuit d’aventures.

Au loin les appels des chats s’interpellaient, se répondaient sur leurs notes traînardes et énervantes. Brrr !… qu’il faisait froid ! Il vit du haut de son promontoire un fleuve coulant monotonement entre deux quais raides et guindés. La lune faisait des zig-