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SUR TALONS ROUGES

Et dans un accès de tendresse, elle le serra convulsivement dans ses bras en le couvrant de baisers. Vespasien se laissa faire et clignota des paupières avec ravissement.

— Mon petit chérubin.

Le cartel sonna 11 heures.

— Mon Dieu, qu’il est tard !… Allons, secouez-vous, fainéantes. Vite, mon saut de lit.

La Vicomtesse coucha le sapajou sur son oreiller et passa le large déshabillé que lui tendait Martine. Dorine avança un lourd fauteuil en bois massif. La Vicomtesse s’y laissa choir. Vespasien bondit sur la petite liseuse, souleva le couvercle d’une petite boîte en vernis Martin et s’y assit. C’était peut-être par esprit d’imitation. Bref, c’était son premier lancinant oubli de la journée.

La Vicomtesse trouva ce tour fort spirituel et passa dans son cabinet de toilette, suivie de Martine.

Dorine, furieuse, la main levée, s’élança vers le singe. Il eut juste le temps de grimper sur le baldaquin du lit, le long des rideaux de taffetas. La porte était fermée. Elle était sûre que sa maîtresse ne pouvait entendre le bruit de la bataille et les cris stridents de Vespasien.

— Polisson ! Ici, polisson, que je te batte… que je te roue de coups.

Et Vespasien courait, bondissait de meubles en tentures. Il sauta sur la tringle de la fenêtre et pour défier la servante, se suspendit par la queue en se balançant voluptueusement aux rayons du soleil.