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LE SALUT DU MAL

l’Enfer éternel pour qu’elles pussent s’envoler au Ciel, car elles sont innocentes ! Elles étaient coupables, parce qu’elles ont cru à de noirs mensonges. Mais maintenant, telles qu’elles le méritent, parce qu’elles sont bonnes, elles goûteront les joies du Ciel et moi, parce que je suis une infâme créature, indigne de la clémence de Dieu, je m’abîmerai toute seule dans les profondeurs infinies des tortures sataniques.

Le Père Diego la regarda avec dégoût. Juana, en proie à la jouissance de la confession offrait tout son être dans une attitude de corps abandonné.

— Qu’as-tu fait encore, criminelle ? vociféra le moine…

Elle hésita un instant, sa respiration haletante lui coupait la parole.

— Voilà !… Vous savez, mon Père, vous savez ce qui advint du Marquis Loñogo. C’était ma mille et unième victime. Il m’en fallait encore deux, je compris que ses deux seuls héritiers, c’était Dieu qui me les envoyait pour que j’y trouvasse mon compte. Je me procurais ces vêtements de gitane et je me mis à mendier et à danser sur la route d’Alcalã. Quelques voyageurs passaient. Je leur disais la bonne aventure, car je suis chiromancienne, cartomancienne et orinomancienne. Je sais tout cela par ma nourrice qui était sorcière. Je sais que je suis belle, désirable et que chaque voyageur me jetait un regard coupable, mais je n’en voulais pas ; il m’en fallait encore deux et je voulais Don Gonzago et Don Gonzales, pas un de plus. J’attendais… car j’étais