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SUR TALONS ROUGES

— Relève-toi, fille du diable… Que me veux-tu ?

Juana tremblante s’agenouilla et voulut embrasser les genoux du moine.

— Arrière, ne me touche pas… Vade retro, Satanas.

Elle fut prise de sanglots convulsifs.

— Dieu de miséricorde, s’écria-t-elle, Dieu de tant de miséricordes, n’en aurez-vous donc jamais un peu pour moi qui me suis vouée à votre clémence infinie.

La grosse voix du moine gronda.

— Tais-toi, le nom de Notre-Seigneur jaillissant de tes lèvres corrompues est déjà un blasphème.

Doña Juana tressaillit, elle joignit ses mains avec frénésie.

— Père, Père, je suis heureuse ! Insultez-moi, insultez-moi encore ! Je suis une misérable ! Écrasez-moi d’un coup de talon, ainsi qu’un ver de terre ! Je suis heureuse, je puis maintenant m’adonner toute au repentir ; ma mission, mon horrible mission sur ce bas monde est terminée. Je suis transportée de joie ! La piété m’inonde.

Elle parlait avec la volubilité des éxaltés.

— J’ai vengé ces pauvres femmes, ces mille et trois chétives créatures. Elles sont vengées et bien qu’elles aient été de bonne foi, elles sont coupables parce qu’elles ont fauté par l’amour, volontairement. Parce qu’elles étaient innocentes, la rémission de leurs péchés leur a été accordée. Il fallait qu’une âme se dévouât, qu’une âme seule consentît à la damnation de