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LE SALUT DU MAL

comba chez Doña Juana, on n’osa plus émettre un avis de peur de se compromettre aux yeux du public.

Était-ce possible ?

Une si grande dame, une señora si parfaite ! La justice du Roi fit une enquête. Les juges d’instruction apprirent qu’elle était partie précipitamment sur une hacquenée isabelle, sur la route d’Alcalã. Il n’y avait plus de doute possible. Elle avait tué Don Perez. L’effervescence de la ville, tourna à l’affolement général. On attendait les commentaires de l’Église, pour vite ensuite se ranger de son côté. Mais l’Église tardait à se prononcer. La ville était plongée dans le malaise le plus angoissant. À la cour, on tâchait de changer de conversation. C’était impossible. Tout le monde dans les coins et recoins chuchotaient de l’affaire Loñogo. Finalement, on vint à publier, dans toute l’Espagne, la teneur du testament de Don Perez. L’Église décréta que ce geste seul l’absolvait et qu’il goûtait au ciel les seules joies du Paradis. Elle fit en outre observer que le testament était daté du jour de sa mort et que par conséquent Doña Juana ne devait pas être étrangère à cette noble résolution. Peut-être l’y avait-elle encouragé. Il serait donc prudent de ne soupçonner à priori cette digne dame, cette pauvre femme, sans défense, qui toujours mit un zèle incomparable à louer et prier Notre-Seigneur.

Mais les héritiers du Marquis de Llerena Loñogo, Don Gonzago et Don Gonzales de Palombitas, qui virent ainsi leurs intérêts frustrés, allèrent au-devant