Page:Allatini - Sur talons rouges, contes, 1929.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
SUR TALONS ROUGES

— Chère Rosario, il faudra nous séparer pour quelques jours.

Et la duègne ajouta :

— Ainsi soit-il, si telle est la volonté du Seigneur.

— Restez ici, reprit Juana, ne donnez aucun prix aux bruits qui pourraient courir sur mon compte. Je dois m’absenter. Je ne puis vous dire où j’irai. Je ne le sais pas moi-même, car je suivrai l’inspiration divine… Adieu… Je vous ferai dire plus tard où me rejoindre. Attendez mes instructions… Vivez en paix.

Elles s’embrassèrent.

Juana releva ses longs cheveux d’ébène, ses beaux cheveux luisants et soyeux. Elle les tordit vivement et les roula sous son grand sombrero. Elle jeta son tapabocas sur ses épaules et sortit. Ses pas se perdirent dans l’escalier. Rosario écoutait, haletante, oppressée.

— Que se passe-t-il ?

La mort mystérieuse du Marquis Perez de Llerena Loñogo fut un scandale. Tout Madrid ne pensait, ne parlait que de cette fin tragique. Les affaires d’État chômèrent, car tout le monde, jusqu’aux magistrats et aux ministres les plus influents, ne s’intéressaient qu’à cette question. Chose invraisemblable, le Marquis n’était pas mort chez lui, et certainement, il n’aura pas été muni des saints Sacrements de l’Église. C’était inimaginable, inconcevable ! Et lorsqu’on sut qu’il suc-