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LE SALUT DU MAL

ton. Elle renversa sa main dans la paume de l’autre.

— Viens, dit-elle. C’est fou ! La chair est faible. Je ne puis davantage te résister. Mais pour mieux goûter l’amour, je veux m’offrir à lui dans toute ma nudité. Elle arracha sa mantille, puis comme prise d’une inconsciente pudeur féminine, elle passa sa main sur son corps, l’arrêtant plus longuement aux formes qui avivent plus particulièrement les désirs des mortels.

Don Perez éclata de rire, d’un rire bestial et discordant. Il se jeta sur elle et la serra brutalement dans ses bras, dans l’espoir vain d’une effluve de jeunesse. Ses bras s’acharnaient sur elle en labourant sa poitrine et ses hanches de ses doigts avides et furieux. Il poussa un rugissement de colère.

Juana ferma les yeux pour ne plus voir, mais le contact de ce vieux corps lui était abject.

— Juana, Juana, rends-moi ma jeunesse !

Il se prit à la couvrir de caresses sauvages et de baisers baveux quoique savants.

Elle était exténuée d’horreur.

— Assez ! Arrière… charogne… tu n’es que charogne !

Il lâcha prise. Un léger vertige… un étourdissement… Ses yeux chavirèrent… Il chancela.

— Prie, prie pour que la mort te surprenne avec le nom de Notre-Seigneur aux lèvres. Il te sera ainsi tout pardonné.

Elle se drapa dans une longue mante qui traînait sur un meuble et s’enfuit.