Page:Allatini - Sur talons rouges, contes, 1929.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
123
LE SALUT DU MAL

Au dehors, la lumière frappait les fenêtres closes sans pouvoir pénétrer jusqu’au sombre boudoir, tandis que la chaleur provoquait une syncope à la vie extérieure. Rien ne bougeait, les rues et les jardins étaient déserts. Pas la moindre brise ne se jouait dans les arbres. Seuls les rires persifleurs des jets d’eau taquinaient les vasques éblouies de soleil.

Il faisait très chaud. Et cette chaleur pour Doña Rosario était insupportable. Aussi la pauvre duègne exaspérée ne pouvait-elle davantage se contenir. Loin de la subir immobilement patiente, comme toute personne sensée, elle s’agitait désespérément, s’asseyait sur chaque siège, sur chaque fauteuil, se relevait aussitôt, se jetait sur tous les coussins et, s’éventant furieusement jusqu’à ruisseler de sueur, elle soupirait en gémissements navrés.

José Maria… que calor !… que calor !…

Mais Doña Juana, dans une demi-torpeur, semblait goûter la voluptueuse ivresse de ceux que délectent la lourdeur langoureuse et l’empreinte lascive d’un printemps qui sourd. Pour que cette joie fût complète, il eût fallu distraire la duègne, l’emprisonner dans une occupation qui pût la contraindre au silence et à l’immobilité. Ce ne fut pas long.

— Rosario, soupira Doña Juana, d’une voix dolente.

La duègne sursauta, bouleversée d’anxiété et d’angoisse.

Alma mia ! Corazon de my Alma ! Qu’avez-vous ? Ah ! Dios Señor del Mundo ?