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SUR TALONS ROUGES

son poignard dans le dos. Depuis lors, dit-on, les nuits de pleine lune, une forme blanche erre par les couloirs de Springfield. Le tout est de dormir bien tranquillement dans son lit. De mon vivant, personne ne l’a vue, si ce n’est ma femme qui en est morte.

Cette phrase jeta un froid. On parla de peinture et de musique, sujets chers entre tous dans la société anglaise.

Après les nombreux desserts, les dames se levèrent et laissèrent les messieurs tout à leurs conversations intimes, chevaux, voyages et à leurs petits verres qui se remplissaient volontiers de vin d’Espagne.

Au bout d’une demi-heure, ils rejoignirent les dames dans le hall. Marjorie observa ses invités ; ils étaient affairés et silencieux, parlant à voix basse, de sorte qu’elle ne sut pas au juste s’ils passaient une soirée agréable ou s’ils s’ennuyaient. Elle s’en soucia d’ailleurs fort peu, car la tradition voulait que les soirées de château se passassent ainsi. Les salons étaient fermés. On ne les ouvrait que pour les grandes réceptions. C’était beaucoup plus intime, ainsi le voulait l’usage, de recevoir dans le hall immense éclairé de torches et de chandelles, rempli de meubles confortables les plus divers disposés en petits clans. Les murs étaient encombrés de queues de renards, de bois de cerfs et de panoplies, et les panoplies à leur tour, étaient encombrées d’armes de toutes espèces. Une énorme cheminée en pierre bien patinée, encadrait sur de hauts landiers en fer forgé un feu de bois gigantesque qui