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L’ÂME DES MAINS

s’y méprendre. Lorsque je ferme les yeux, il me semble l’entendre. Vous interprétez tout son répertoire et l’on dirait même que vous l’interprétez avec son toucher et son âme. Vraiment Walther, vous me donnez tant de joie ! Vous m’en avez rarement donné autant !

Étourdi par ces paroles et par la griserie de cette musique qui faisait plus encore chavirer son cœur d’amour, le Chevalier se jeta aux pieds de la Baronne.

— Waltrude ! Votre joie est bien peu de chose à côté de celle que vous me consentez.

La musique avait troublé leurs esprits et leurs lèvres se réunirent le plus simplement du monde. La main de la Baronne écarta nerveusement le visage du Chevalier.

— Ah ! soupira-t-elle, je suis folle. Je me sens amoureuse ce soir… la musique m’enivre plus encore que le meilleur Liebfrauenmilch.

Walther mit un genou en terre.

— Alors ?… Alors ?… Oh ! tout ce bonheur qui bondit si violemment sur moi !… Je ne sais plus ce que je sens… Est-ce vrai que vous m’aimez ? Votre main accepte-t-elle enfin de demeurer dans la mienne ?

La Baronne tâcha de se dégager. Le bras du Chevalier la ceignit à la taille. Elle chercha à s’en défaire. Il crut qu’elle souffrait là d’un instinctif sentiment de pudeur féminine.

— Restez près de moi encore.

Il fit un mouvement brusque vers elle pour mieux