Page:Allatini - Sur talons rouges, contes, 1929.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
SUR TALONS ROUGES

Une dernière fois, il songea à ses mains. Il ne les sentait plus. Seule l’étreinte des mains du Chevalier persistait encore.

L’engourdissement le prit. Il allait s’assoupir. Son corps devenait toujours plus lourd… Une espèce d’ankylose le faisait descendre, descendre, comme s’il s’en allait progressivement sous terre… et puis il ne serait plus qu’une masse inerte.

Il ne pensait qu’à dormir, il ne pouvait que dormir. Qu’adviendrait-il après cela ?… Oh ! le sommeil… l’éternel sommeil… Qu’il ferait bon dormir toujours ! Est-ce le bonheur ?…

 

Une voix résonna mystérieusement dans l’espace.

— L’âme était dans ses mains.

Dans son boudoir azur, la Baronne de Minnengenuss se reposait. Elle souffrait de sa périodique migraine et passait, en conséquence, la soirée toute seule. Elle menait une vie si mondaine, si harassante qu’elle attendait toujours avec impatience sa migraine pour un peu se remettre de ses grandes fatigues. Ce soir-là, très intimement vêtue, elle s’était jetée désespérément sur sa chaise-longue, car la solitude la désolait. Le désœuvrement lui causait une impression de sécheresse et elle se sentait dessécher d’ennui. Sa main oisive erra sur une petite liseuse voisine qui contenait ses livres préférés. C’étaient d’ailleurs ceux qu’elle ne lisait jamais. Sans