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L’ÂME DES MAINS

sans même toucher la chair. Ceretti eut une sensation imprécise comme si la vitalité de ses mains s’en allait peu à peu. Cette impression lui fut assez pénible bien qu’il n’en éprouvât aucune douleur.

Il voulut parler. Les yeux du Chevalier dardaient leurs regards sur les siens. Il chercha des mots pour s’exprimer. Il ne les trouva plus dans son esprit. Il aurait voulu crier. Il ouvrit la bouche, aucun son ne put en sortir.

Le Chevalier parla encore :

— C’est fait ?

Le mystérieux apothicaire, pour toute réponse, fit disparaître ses énormes ciseaux.

— À présent, retrousse sur les miennes.

Le personnage inconnu prit les poignets de Ceretti et fit comme s’il voulait lui enlever à rebours une paire de gants imaginaires.

Et tandis que la tache lumineuse se déplaçait, les gants semblaient sortir des mains de Ceretti pour venir s’appliquer ensuite progressivement sur celles du Chevalier.

Et toujours ces yeux !

Ceretti ne comprenait plus rien. Sa pensée nonchalamment se brouillait. Il ne savait plus au juste si ces yeux prenaient ses yeux ou s’il devenait lui-même les yeux du Chevalier. Un contact établi produisait une fusion ; il y avait sûrement une fusion. En quoi consistait-elle ? Voilà ! D’ailleurs, peu lui importait de le savoir. Sa volonté était déjà lointaine.