Page:Allais - Deux et deux font cinq (2+2=5).djvu/110

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Pour la farcir, donc !

— Et quand ils sont sur la route ?

— Quand ils sont sur la route, on amène un énorme rouleau qui pèse je ne sais combien de mille kilos, et on le fait passer dessus. Et ça écrase mes cailloux comme des miettes !

Devant cette déclaration inattendue, mon ami Oger demeura, paraît-il, sans voix.

Au bout de quelques minutes, il recouvrait l’usage de cet organe pour s’écrier :

— Mais alors, vos ingénieurs sont bêtes comme des bégonias !

— Oui, monsieur, comme des bégonias ! Et aussi laids que des bégonias ! Et aussi prétentieux !

Trier soigneusement des cailloux, les séparer des trop petits et des trop gros, pour, finalement, les réduire en miettes, non, tout ça n’était pas fait pour réconcilier Oger avec cette administration des ponts et chaussées que l’Europe ne nous envie que bien relativement.

Et pendant que mon ami Raoul Oger tenait dans ses mains son crâne prêt à éclater, le cantonnier, froidement et avec une conscience digne de l’antique, persistait à faire passer ses cailloux dans son anneau de six centimètres.