Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.2.djvu/89

Cette page n’a pas encore été corrigée

1583

    1. MAHOMÉTISME##


MAHOMÉTISME. LE CHIISME

! »,

fin du monde. Si l’imâm désigné vient à mourir, s ; i fonction sera dévolue à un autre. Mais de même qu'à la mort de Mahomet, certains crurent qu’il n’avait fait que disparaître provisoirement et qu’il allait revenir, de mime à la mort de chaque Imâm il y a un parti qui croit à son absence temporaire ghaï ba et attend patiemment son retour, radja'. Tout le mécanisme de l’imâmisme est dans celle formule quasi mathématique. L’imâm disparu est considéré comme le Malidî et son retour lié à la fin du monde. Si le procédé avait été constamment appliqué, il y aurait aujourd’hui une quantité prodigieuse de sectes imâmites ; mais, comme nous le verrons, il s’est arrêté avec le douzième imâm et personne n’a songé à aller au delà. Il n’y a donc, à tout prendre, qu’une douzaine de sectes imâmites ; encore quelques-unes sont-elles mort-nées, mais d’autres, ont donné naissance à des branches collatérales. Nous allons les étudier successivement.

1° Les 'Alides. — Le premier imâm est 'Alî, cousin et gendre de Mahomet. Les chiites affirment qu’il a été expressément désigné par le prophète arabe, et cette désignation expresse est de rigueur pour tout imâm. La nécessité d’un personnage désigné pour maintenir la continuité de la foi est également un dogme fondamental de l’imâmisme. Il a donc fallu que le prophète désignât le chef, ou imâm, digne de lui succéder à la tête de la communauté musulmane. Le sens du mot imâm, en arabe, n’est pas douteux ; il est tiré de la langue du désert : c’est celui qui marche en avant, le chef de file de la caravane, par extension, celui que tout le monde i uit, le modèle, mais, dans un sens général, le chef. Dans le Coran (xvii, 73), il est dit qu’au jugement dernier chaque peuple y sera avec son imâm : c’est donc à Mahomet lui-même que s’applique ce titre en ce qui concerne la communauté musulmane, et il contient la plénitude des pouvoirs temporel et spirituel exercés par Mahomet. L’imâm conduit dans la bonne voie, c’est-à-dire dans la voie de Dieu ; de là le titre complet, d’imâm al houdâ : le chef de la voie (religieuse). Mais s’il conduit, c’est à condition d'être lui-même dirigé par Dieu, mahdî. Le mot, de la même racine que houdâ, se retrouve encore sous une forme de même dérivation : mouhtadi « qui s’est donné un guide ». Il est aussi appelé hâdi « guide ». Le Mahdî est donc à la foi guidé, mouhtadi et guide, hâdi. Cette discussion de mots était nécessaire pour biens comprendre la valeur du terme : imâm mahdi, à la fois religieux et politique et sa liaison avec la fin du monde.

Le titre de mahdî paraît avoir été donné pour la première fois à un personnage fort obscur, mort en 104 de l’hégire « qu’on appelait en son temps le Mahdî ». C’est Mousà ibn Tahla que l’on compta aussi parmi les compagnons de Mahomet, et qui est inconnu en dehors de cette mention. Mais c’est à 'Alî qu’il a d’abord vraiment appartenu. Un nommé 'Abd Allah ibn Sabâ en a établi pour lui la théorie. C’est à cet 'Abd Allah qu’on attribue l’origine du chiïsme considéré par les sommités modernes comme une première atteinte à l’orthodoxie des compagnons de Mahomet, à laquelle ils se rattachent. Les chiites, de leur côté, reprochent à ces compagnons d’avoir méconnu les droits de 'Alî, le légataire de Mahomet, le wasi, comme ils l’appellent encore, en donnant le pouvoir à d’autres que lui, le seul digne. C’est seulement, en effet, comme quatrième successeur de Mahomet, après Aboù Bakr, 'Oumar, et 'Outhmàn que 'Alî fut proclamé chef de la communauté musulmane, non, d’ailleurs, sans soulever de violentes oppositions.

La parti de 'Alî, qui l’avait porté au pouvoir après l’assassinat de 'Outhmân se recrutait spécialement dans la ville de Médine, la seconde capitale de

l’islam et tendant à éclipser la Mecque, que Mahomet avait maintenue au premier rang à cause de son temple « la maison d’Allah ». Les 'alides se eonsidéraient comme les vrais Croya ts, moumintn : par opposition avec les Croyants de seconde catégorie, lis mouslimtn ordinaires. Cette classification, faite déjà par le Coran (xlix, 15), est probablement l’origine du titre connu : Amîr al-moumînîn, qui, pour les chiites n’appartient qu'à 'Alî. La tradition sounnite dit bien que 'Oumar l’avait déjà porté, mais nous verrons que, bien souvent, les sounnites n’ont fait que plagier leurs adversaires. Aux électeurs de 'Alî, aux mouminîn, s’opposa le gros des musulmans qui refusa d’accepter une élection aussi restreinte. La guerre éclata. Vainqueur, 'Alî se vit frustré de sa victoire par l’astuce de ses adversaires et sa propre faiblesse de caractère. Il leur accorda un arbitrage pour décider de la légitimité de son élection ; mais les arbitres l’ayant déposé, il refusa d’accepter leur sentence. D’autre part, des musulmans trop zélés lui reprochèrent d’avoir accepté cet arbitrage, comme contraire à la loi coranique, et prirent les armes contre lui. Il fut vainqueur une fois de plus ; mais un de ces fanatiques l’assassina (Hég. 40 = 661 ap..J.C.). 'Abd Allah ibn Sabâ, en apprenant cette mort, répondit comme 'Oumar pour Mahomet qu’il n’en était rien et que 'Alî allait revenir. La secte appelée de son nom Sabaïte considéra 'Alî comme toujours vivant. « Il est dans les nuages ; l'éclair est son fouet, le tonnerre est sa voix ; il reviendra à l’heure dite pour rétablir sur la terre la justice et le bonheur universel. » C’est donc bien le premier imâm mahdî.

Les deuxième et troisième imâms sont ses deux fils Hasan et Houseïn. Aucune secte spéciale ne paraît s'être rattachée à eux. Le premier s’effaça volontairement devant l’adversaire de son père ; le second, ayant voulu faire valoir ses droits, périt misérablement avec presque toute sa famille à Kerbéla (Hég. 60 = 680). C’est le martyr du chiïsme ; la littérature, surtout persane, s’est emparée de ce cruel épisode des guerres civiles. Le théâtre persan le reproduit au jour anniversaire avec une émotion toujours renouvelée. Mais au point de vue historique, le rôle de Houseïn ne paraît pas être plus important que celui de Hasan.

Les Keïsânites.

Sa mort devait poser un curieux problème. Qui devait lui succéder comme

imâm ? Ici apparaît une première scission. Il semblait que l’imamat devait passer à un fils de Hasan ou de Houseïn, les seuls descendants de Mahomet par leur mère Fâtima. Effectivement les 'alides, du moins ceux qui, ne partageant pas les espérances des sabaïtes, s’attachaient à un autre imâm, choisirent 'Alî, fils de Houseïn. Mais d’autres déclarèrent que ce n'était pas la descendance de Mahomet, mais celle de 'Alî qui conférait l’imamat. En effet, quelques partisans ultrazélés de 'Alî prétendaient que c'était à lui que Dieu avait envoyé l’ange Gabriel et que c'était indûment que Mahomet s'était substitué à lui, ne lui laissant que le rôle de lieutenant. C’est probablement à cette conception étrange que se rattachaient plus ou moins ceux qui décidèrent que l’imamat devait aller à un troisième fils de 'Alî, Mohuammad, né d’une autre épouse, Khaoula, esclave de la tribu des Banoû Hanîfa, d’où son surnom de la Hanafiya. Mouhammad est connu sous le nom de fils de la Ha na fij' a - A lui se rattache la seconde secte mahdiste, appelée Keïsânite, du nom d’un personnage assez obscur qui se nommait Keïsan. Mais le fauteur de la secte fut Moukhtâr, que nous connaissons seulement par la tradition sounnite et, par conséquent, sous les plus tristes couleurs. A leur dire, le troisième fils de 'Alî, n’aurait jamais accepté le rôle qu’on voulait lui faire jouer ; mais des témoignages anciens prêtent à ce quatrièmejmâm^un lan-