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MAGIE, RÉALITÉ


col. 1030 et not. 1 12. Il n’empêche que ce texte reflète L’opinion qui a régne dans l'Église pendant plusieurs siècles. On y lit : « Les évêques et les prêtres places sous leur autorité, doivent travailler de toutes leurs forces à extirper de leurs diocèses la sorcellerie, ci le bonne aventure, puisque, le diable en est l’instigateur. < Plus loin, le canon décrit les sabbats des sorciers et des sorcières. Évidemment, il croit ceux-ci sous l’influence du démon, mais il n’admet pas la réalité des phénomènes : elles (les sorcières) sont « trompées par les îuses et les illusions du démon… Quantité de malheureux se sont laissé séduire par les extravagants récits de ces femmes, et les tiennent pour très véritables… Ces pauvres abusés se séparent de la vraie foi et retournent aux erreurs des païens, puisqu’ils attribuent au démon un pouvoir divin, ou prennent pour l’effet de sa puissance ce qui n’est qu’illusion, erreur et mensonge. »

Quelques autres canons du Décret de Gratien décernent des peines contre les clercs ou contre les laïcs qui s’adonnent à la magie : les clercs doivent être déposés, enfermés dans un monastère, emprisonnés ; les laïcs de condition servile, condamnés à des châtiments corporels ; les laïcs de condition libre, punis de prison, d’excommunication. Cf. caus. XXVI, q. v, c. 4, 5, 6, 10 ; q. vii, c. 15 ; Ferraris, Bibliotheca, art. Superslilin. n. 40-45.

Dans les autres parties du Corpus, il y a peu de chose. Dans les Décrétâtes, collection de Grégoire IX, authentique celle-là, le titre xxi, du livre V est consacré aux sortilèges. On n’y trouve presque rien qui éclaire la question présente. Au c. 2, on lit un décret d’Alexandre III recommandant au patriarche de Grado que l’on punisse avec indulgence — le pape parle d’une suspense de moins de deux ans — un prêtre qui a consulté l’astrolabe pour retrouver des objets volés dans une église. Éd. Friedberg, t. ii, col. 822.

b) Les documents pontificaux. — Les souverains pontifes ont lancé contre la magie et la sorcellerie plusieurs bulles célèbres : Innocent VIII, Summis desideranles af/ectibus, 5 déc. 1484 ; Léon X, Supernse, 5 mai 1514, § 41 ; Honestis, 15 fév. 1521 ; Adrien VI, Dudum, 20 juil. 1522 ; SixteV, Cœli et terræ, 5 jan. 1586 ; Grégoire XV, Omnipotentis Dei, 20 mars 1623 ; Urbain VIII, Inscrutabilis, 1° avril 1631. Bullarium, édit. Coquelines, t. iii, part. 3, p. 191 ; 400, 499 ; t. iv, part. 1, p. 16 ; part. 4, p. 176 ; t. v, part. 5, p. 97 ; t. vi, part. 1, p. 268. L’historien B. Duhr dans Die Slellung der Jesuilen in den deutschen Hexenprozessen, Cologne 1900, a pu écrire contre l'écrivain protestant Riezler, qui rend l'Église romaine responsable en partie de la croyance à la sorcellerie : « L’argumention de Riezler pèche par un point essentiel : elle confond les doctrines particulières des théologiens avec les décrets dogmatiques de l'Église catholique. L’assistance au sabbat, le commerce amoureux avec le démon, constituent les points essentiels des accusations portées contre les sorcières. Or, toutes ces choses sont complètement étrangères au dogme. Aucune bulle n’a jamais fait mention ni des voyages aériens, ni des danses des sorcières. Et quand bien même il en serait autrement, de telles imaginations ne pourraient jamais entrer dans le système doctrinal de l'Église. » Dans la bulle Summis dèsideranles, Innocent VIII cite le commerce amoureux avec le démon comme un des crimes signalés par les inquisiteurs d’Allemagne. Nous reviendrons sur cette bulle un peu plus bas. « Ce dont il faut convenir, poursuit Duhr, c’est que bien des théologiens catholiques eussent mieux fait d'écrire avec plus de prudence et de circonspection ; mais ce reproche pourrait s’adresser avec plus de justice encore aux juristes. » Cf. Janssen, La Civilisation en Allemagne, t. viii, p. 515 note.

c) Lis décisions conciliaires. — Les conciles particuliers, eux aussi, se sont occupés bien des fois de la magie.

Le concile d’Elvire, en 305, suppose nettement l’efficacité possible des maléfices. i Si un homme en a tué un autre par maléfice, comme il n’a pu accomplir pareil crime sans idolâtrie, il se verra refuser la communion même à la mort. » Can. 6, Mansi, Concil., t. ii, col. 6 ; Hefele, Hisl. des conciles, trad. Leclercq, t. i o, p. 225. Un synode de Riesbach et Freising, au diocèse de Salzbourg, en 799, prescrit d’enfermerles magiciens, sorcières, etc. < et l’archiprétre fera ce qu’il pourra pour les amener à faire des aveux. Néanmoins on n’attentera pas à leur vie. » Can. 15, Hefcle-Leclercq, t. m b, p. 1105.

On ne trouvera sans doute pas beaucoup d’autres textes exprimant la croyance de tel ou tel concile particulier, à l’efficacité des pratiques magiques. Le plus souvent ce qui est condamné, c’est la croyance même à cette efficacité, ce sont encore les pratiques, les tentatives de magie. Ainsi, le synode de Paderborn, tenu en 785, décrète : « Quiconque, aveuglé par le démon, croit, à la façon des païens, que telle personne est sorcière et mange des hommes, et pour ce motif brûle cette personne, en mange la chair ou la fait manger par d’autres, sera puni de mort. » Can. 6, HefeleLeclercq, t. m b, p. 993. Dans les canons du concile de Prague, tenu entre 1346 et 1349, il est décrété que les curés doivent répéter souvent à leurs paroissiens que les pratiques de la sorcellerie sont de pures superstitions, impuissantes contre les maladies des hommes et des bêtes, contre la stérilité de la terre et, de plus, sont défendues sous peine d’excommunication. Can. 56, Mansi, Concil., t. xxvi, col. 75. En 1355, nouveau synode de Prague, qui dans son canon 61 répète la même monition et la même défense. Ou bien les conciles portent des peines contre les magiciens : tels le 1 er synode d’Orléans en 511, can. 30, Mansi, t. viii, col. 356 ; le concile Quinisexte en 692, can. 61, Mansi, t. xi, col. 970 ; le synode d’Aix-laChapelle en 789, IIe série, can. 64, Hefele-Leclercq, t. m b, p. 1032 ; le synode de Grado en 1296, can. 23, Mansi, t.xxiv, col. 1169 ; le synode de Trêves en 1310, can. 81, Mansi, t. xxv, col. 268 : « Aucune femme ne doit feindre de sortir la nuit pour chevaucher avec la déesse païenne Diane ou avec Hérodiade, » cf. can. 79, 80 ; le synode de Salamanque en 1335, c. 15, Mansi, t. xxv, col. 1056.

d) La doctrine d'Églises particulières nous est aussi manifestée par les écrits de quelques grands évêques.

Au ixe siècle, Agobard, archevêque de Lyon, réprouve comme vaine, illusoire, la croyance aux tempestarii, ou faiseurs de tempêtes. Il a tout un traité « contre la sotte croyance du peuple sur la grêle et le tonnerre », contra insulsam vulgi opinionem de grandine et lonitruis. Liber de grandine et tonitruis, P. L.. t. civ, col. 147-158.

Au xe siècle, Burchard, éveque de Worms, publie un examen de conscience basé sur le canon episcopi. Il considère les phénomènes diaboliques du sabbat comme des illusions, tout en admettant que ces illusions ou hallucinations, sont causées par le démon, en punition del’impiété et de l’infidélité des sorcières. Décret., t. X, c. i, P. L., t. cxl, col. 831-833.

En somme, jusqu’au xine siècle, si l’on compare la tendance populaire à croire à l’efficacité des pratiques magiques et les actes officiels de l'Église enseignante, on constate à l'évidence que le rôle de celle-ci est nettement modérateur. Cf. Janssen, op. cit., t. viii. p. 522, n.3. L'Église combat surtout la foi à la réalité des prodiges. Janssen, p. 524, n. 3, 525. Pour un concile d’Elvire qui, vers 305, excommunie celui qui a tué son prochain par un maléfice, plusieurs condam-