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MARIE, VERTUS ET DONS DU SAINT ESPRIT

fut-elle augmentée par les sacrements qu’elle reçut, notamment par le sacrement d’eucharistie qu’elle reçut très fréquemment pendant les années qu’elle passa mit la terre après l’ascension de son divin Fils ? On ne peut donner que cette réponse générale : Marie, à causes des dispositions très parfaites qu’elle y apporta constamment, dut puiser, dans ces sacrements, des trésors de grâces, en quelque sorte illimités. N’est-ce pas une vérité théologique communément admise que l’effet des sacrements de la Nouvelle Loi n’a d’autre limite que les dispositions imparfaites du sujet qui les reçoit ?

Outre l’augmentation de la grâce sanctifiante produite par les sacrements, y eut-il, en Marie une augmentation provenant immédiatement de Dieu lui-même, dans quelques circonstances de la vie de Marie, notamment dans les moments où elle fut en contact immédiat avec la chair adorable de son divin Fils, comme dans la conception virginale, dans l’enfantement virginal, dans la période qui s’écoula entre l’une et l’autre, et dans les nombreuses occasions où Marie donna à Jésus enfant ses soins maternels ? Dans ces heureuses circonstances, y eut-il, pour Marie, un accroissement de grâce sanctifiante, donné par Dieu quasi ex opere operato et ultra meritum propriæ dispositionis, s’adjoignant à la grâce due a ses dispositions actuelles ? Bien qu’il n’y ait aucune preuve positive de cette libéralité divine, elle apparaît bien probable, soit pour l’instant de la conception virginale et pour plusieurs autres circonstances, selon Suarez, In IIIam, t. ii, disp. XVIII, sec t. iii. n. 8, soit pour tout contact immédiat de Marie avec la sainte humanité de Jésus Christ, principe de toute grâce pour toute l’humanité. Contenson, Theologia mentis et cordis, l. X. dissert. VI, c. i, spec. 2, Paris. 1875. t. iii, p. 264; P. Hugon, Tract, de B. Virgine Deipara, Tractatus dogmatici. Paris, 1920, t. iii. p. 156.

Nous pouvons donc conclure qu’en Marie la grâce éminente reçue au premier instant de sa conception incessamment augmentée, pendant tout son pèlerinage terrestre, par la double cause que nous venons d’analyser, dut, au terme de sa vie mortelle, atteindre un degré de perfection qui échappe à toute estimation humaine. En elle fut alors pleinement réalisé ce que Pie IX, au début de l’encyclique Ineffabilis Deus du 8 décembre 1854, indique déjà dès sa conception immaculée : que bien au-dessus de tous les tous les esprits angéliques, bien au-dessus de tous les saints. Dieu la combla de l’abondance de toutes les grâces célestes, et l’enrichit avec une profusion merveilleuse, de telle sorte qu’elle fût dans une telle plénitude d’innocence et de sainteté qu’on ne peut. au-dessous de Dieu, en concevoir une plus grande et qu’aucune autre pensée que celle de Dieu même ne peut en mesurer la grandeur : Ut ipsa tam innocentia et sanctitatis plenitudinem præ se ferret, qua major sub Deo nullatenus intelligitur, et quam, præter Deum, nemo assequi cogitando potest.

IV. Vertus et dons du Saint-Esprit en Marie pendant sa vie terrestre.

Vertus et dons du Saint-Esprit considérés d’une manière générale en Marie.

Les principes exposés a l’art. Immaculée Conception conduisent aux conclusions suivantes :

1. Marie ayant possédés le premier instant de sa conception, une grâce sanctifiante très parfaite, a dès lors possédé aussi, avec une très éminente perfection, toutes les vertus surnaturelles infuses, soit théologales, soit morales, qui, selon l’enseignement théologique, accompagnent toujours la grâce sanctifiante, S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. lxii, a. 1, q. lxviii, a. 3 ; q. cx, a. 3 sq.

2. Marie ayant possédé, dès le premier instant de sa conception, une parfaite exemption de tout mouvement de la concupiscence, non seulement en fait mais même en droit, on est autorisé a admettre qu’elle a, dès ce moment, possédé, d’une manière infuse, toutes les vertus morales surnaturelles par lesquelles était normalement assurée cette pleine exemption, sans qu’il soi nécessaire de recourir à une constante et extraordinaire intervention de la divine Providence. D’ailleurs, puisque ces vertus ont été en Adam d’une manière infuse dès le premier moment de sa création, S. Thomas, Sum. theol.. Ia, q. xcv, a. 1, 3, on doit les attribuer aussi à Marie dès sa première sanctification. Suivant les principes précédemment établis, relativement aux privilèges et dons divins en Marie, on ne peut admettre que Marie, au point de vue de la perfection morale, ait été inférieure a Adam.

Dès le premier moment de sa conception. Marie posséda aussi tous les dons du Saint Esprit d’une manière très éminente. C’est une vérité certaine que ces dons accompagnent habituellement les vertus surnaturelles et qu’ils les complètent en perfectionnant, dans l’intelligence et dans la volonté, la disposition de parfaite obéissance aux motions spéciales du Saint Esprit. S. Thomas, Sum. theol.. Ia-IIæ, q. lxviii, a. 1. 2. 5. Voir Dons du Saint-Esprit, t. iv, col. 1735 sq.

Conclusions concernant en Marie la possession particulière de quelques vertus ou dons du Saint-Esprit.

1. La vertu de foi en Marie.

a) La vertu de foi est exclue seulement par la pleine et stable possession de la vision béatifique, S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ. q. v, a. 1. Cette vertu n’était donc point incompatible en Marie avec l’acte transitoire de vision béatifique qui lui fut parfois concédé, il y avait alors visio Dei secundum essentiam per actum, non secundum habitum gloriæ. S. Thomas, Quæst. disp. De veritate, q. xii, a. 2. ad 5um.

b) L’acte de foi en Marie n’était point opposé a la parfaite évidence de crédibilité qu’elle eut du mystère de l’incarnation par le témoignage immédiat de l’archange Gabriel et par l’expérience directe qu’elle eut en elle-même des merveilles de la conception virginale et de l’enfantement virginal. Malgré tout l’éclat de cette évidence extrinsèque, la nature intime du mystère de l’union hypostatique restait en elle-même inaccessible a son intelligence et était pour elle objet de foi, selon l’enseignement déjà cité de saint Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. v, a. 2.

c) En Marie, l’acte de foi n’était point non plus empêché par les révélations ou illuminations divines dont elle fut fréquemment favorisée dans l’état mystique très parfait auquel elle fut habituellement élevée. Dans ces illuminations divines, comme on l’a dit précédemment avec saint Thomas, il n’y a point perception immédiate de Dieu, mais seulement connaissance analogique, quoique très sublime, des attributs divins.

d) Constamment exemple de toute faute vénielle, selon l’enseignement du concile de Trente, Marie n’eut jamais, dans sa foi, aucune défaillance. L’opinion contraire, émise par quelques auteurs dans les premiers siècles et par les novateurs du xvie siècle, doit donc être rejetée. Lépicier, op. cit.. p. 298 sq. La foi très parfaite de Marie, particulièrement au moment de l’annonciation et a celui de la passion et de la mort de son divin Fils, a été souvent louée par les Pères et par les théologiens. Novato, op. cit., t. ii, p. 65 ; Vega, op. cit.. t. ii. p. 31 sq.; S. Alphonse de Liguori, Gloires de Marie, part. IV, 4 ; Terrien, La Mère de Dieu, t. ii, p. 222 sq.

2. La vertu de pénitence en Marie.

Impeccable, non de droit et ab intrinseco, mais par la faveur divine et par l’abondance des grâces de choix dont elle fut incessamment comblée. Marie pouvait posséder la