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MARIE, EXEMPTION DE TOUT PÉCHÉ


Sain !, dit-il, venant en Marie, purifia son esprit, autant que la fragilité humaine en est susceptible, ab omni vitiorum sorde, a fin qu’elle fût digne de l’enfantement céleste. La vertu du Très-Haut couvrit la bienheureuse Vierge, parce que le Saint-Esprit, en remplissant son cœur, la libéra de toute ardeur de la concupiscence charnelle, la purifia des désirs temporels et consacra son esprit et son corps par tous les dons célestes. Ilomil., I, 1, /'. 1.., t. xciv, col. 12 sq.

Au IXe siècle, saint l’aschase Radbert affirme explicitement l’absence de la faute originelle en Marie, ainsi que sa sainteté au moment de sa naissance et au moment de l’annonciation. De purin Virginie, t. I, P. L.. t. cxx, col. 1371 sq. C’est donc de l’extinction de toute concupiscence, in actu primo, que doit s’entendre le passage concernant la purification de Marie au moment de l’incarnation Quando Spirilus Sancius in eam advenit, totam defsecavit a sordibus virginem et déco vit ut esset sanctior quam astra cseli, col. 1372. Selon Paschase, Marie fut donc, pendant toute sa vie, exempte de loute faute actuelle.

Au commencement du xii c siècle, Eadmer dit expressément, qu’il n’y a aucun doute, que le corps très chaste et l'âme très sainte de Marie ont toujours été protégés contre toute souillure du péché. Par la garde constante des anges, Marie a été protégée, comme le tabernacle que le Créateur devail habiter corporellement, et duquel il devait prendre sa nature humaine pour se l’associer in suæ persomv imitaient. De excellentia B. Mariée, iii, P. L., t. eux, col. 560. On doit attribuer à l’extinction complète de toute concupiscence, in uclu primo, à supposer qu’il en restât encore à ce moment, cette phrase subséquente du même chapitre : Tenemus fuie ab omni, si quidadhuc in illa originalis sive actualis peccati supererat, iia mundatum cor illius…, col. 561. Eadmer est lui-même d’avis que Marie n’a jamais été soumise à aucune concupiscence, même avant l’incarnation, puisque selon le texte cité, il admet qye le corps et l'âme de Marie ont toujours été protégés contre toute souillure du péché. Comme il y en a qui pensent différemment, et qu’Eadmer parle uniquement de ce qui est de foi, tenemus fuie, il se sert de l’expression dubitative si quid adhuc. C’est selon cette opinion qu’il ne fait point sienne, que l’entière extinction de la concupiscence aurait eu lieu au moment de l’incarnation. Comme Eadmer, Fulbert de Chartres († 1028) dit que l'âme de Marie et son corps choisi par la sagesse de Dieu le Père pour être le tabernacle de Dieu lui-même, ont été très purs de toute malice et de toute souillure, Serm., iv, P. L., t. cxli, col. 322.

Au xiie siècle, Hildebert du Mans († 1133), en comparant Marie Madeleine et la Mère de Dieu, dit expressément que, bien différente de Madeleine, Marie n’a jamais connu le péché, Serm., lxix, P. L., t. clxxi, col. 677. Saint Bernard, dans sa lettre aux chanoines de I.yon où il s’oppose à l’introduction, dans cette église, de la fête de l’immaculée conception et combat ce privilège, affirme comme une vérité certaine, que Marie sanctifiée avant sa naissance fut alors enrichie d’un privilège qui n’a été concédé à aucune autre créature : celui d'être exempte de toute faute pendant toute sa vie. Epist., clxxiv, 5, P. L., t. ci. xxxii, col. 334. Ce que le saint docteur enseigne aussi dans son deuxième sermon sur l’assomption. P. L., t. CLXxxiir, col. 420. Suivant Pierre Lombard († 1160) c’est à partir du moment de l’incarnation que Marie fut immunis ab omni peccato. Il parle non du fait de l’absence de tout péché, mais de l’impeccabilité. Nous le comprenons par une phrase précédente, où il affirme que Marie fut alors délivrée de la concupiscence, qui fut entièrement éteinte, ou tellement atïaiblie que, dans la suite, il n’y eut plus pour elle

aucune occasion de faute, /// Sent., dist. III, 2, P. L., t. CXCH, col. 761. A cause de ['autorité de Pierre Lombard, cette explication de l’impeccabilité de Marie, depuis l’incarnation, fut, dans les siècles suivants, admise par un assez grand nombre d’auteurs.

Vers la même époque, Richard de Saint-Victor († 1173) enseigne expressément que Marie, depuis sa naissance, ne commit jamais aucune faute, ni mortelle ni vénielle. Explicatio in Cant. cantic, xxvi, xxix, P. L., t. CXVT, col. 182, 516. La purification qu’elle reçut au moment de l’incarnation consista dans l’extinction de toute concupiscence ; seules subsistèrent la mortalité et la passibilité. !)< Emmanuele, t. II, c. xxvi sq., col. (60 sq..'usqu'à l’i carnation, Marie fut préservée de tout péché par l’action d( grâce divine ; après l’incarnation, elle fut confirmée par la puissance du Très-Haut et fortifiée de telle manière qu’elle ne pouvait plus commettre aucun péché, De Emmanuele, I. II, c. xxx sq., col. 663 sq. Gauthier de Saint-Victor, qui écrivit en 1180, affirme l’absence de tout péché en Marie, non seulement depuis l’incarnation de Notre-Seigneur, mais pendant toute la vie de Marie. Excerpta ex libris contra quatuor labgrinthos Francise, P. L., t. cxix, col. 1154 sq.

2. Interprétation plus exacte des textes scripluraires. — Les textes qui avaient présenté des difficultés pour plusieurs écrivains du iiie et du ive siècle sont désormais interprétés dans un sens favorable à la parfaite sainteté de Marie. Des paroles, Quid mihi et tibi est millier, nondum venit hora meu, Joa., ii, 14, saint Augustin donne cette interprétation : Jésus voulait affirmer que ce n'était point de Marie qu’il tenait son pouvoir d’accomplir des miracles ; mais de sa nature divine. L’heure viendra où. attaché à la croix, il montrera l’infirmité de la nature humaine qu’il tient de Marie. In Joa., tr. viii, 9, P. L., t. xxxv, col. 1456. (Nous n’examinerons point le texte des Quæsliones ex Noi’o Testamento. lxxiii, P. L., t. xxxv, col. 2267 sq. où les paroles. Et luam ipsius animam pertransibit gladius, Luc, ii, 35 sont entendues d’un doute de Marie au pied de la croix, puisqu’il est certain que ce texte n’est point d’Augustin.)

On a cité, comme contraire à la sainteté de Marie, le passage où saint Maxime de Turin expliquant les paroles : Quid mihi et tibi est mulier, dit que c’est une réponse indignée de Notre-Seigneur considérant comme inopportune la demande faite par Marie : Hsec verba indignantis esse quis dubitet ? Le contexte montre que, pour Maxime, la demande de Marie était seulement inopportune. D’ailleurs un blâme de NotreSeigneur ne pourrait se concilier avec la suite du texte : la vénérable Marie connaissant l’avenir et prévoyant la volonté du Seigneur, avertit avec soin les serviteurs en leur disant : « Faites tout ce qu’il vous dira », Ilomil., xxiii, P. L., t. lvii, col. 275. — Dans une explication des paroles de Notre-Seigneur, Matth., xii, 49 sq., saint Grégoire le Grand montre que, dans ce texte, la mère de Jésus, se tenant au dehors comme inconnue, est la figure de la synagogue qui ne reconnut pas Notre-Seigneur : Unde et mater ejus cum quasi non agnoscitur, loris slare perhibetur. In Evang., 1. I, hom. iii, 1, P. L., t. lxxvi, col. 1086. — Selon saint Bède, la mère et les frères de Jésus n'étaient point au dehors. C'était un piège que le questionneur voulait poser désireux de voir si le Maître préférait l’amour de sa mère à la fonction de la prédication. In Mattnsei evang. expos., t. II, c. xii, P. L., t. xcii, col. 64. Selon le même interprète, le glaive qui devait transpercer l'âme de Marie est la douleur que lui causa la passion de son divin Fils, In Lucse evang. expos., t. I, col. 346. Relativement au texte, Quid mihi et tibi est mulier ? Bède suit l’interprétation de saint Augustin, In Joa. evang. expos., ii, col. 657.