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MARIE MÉDIATRICE : OBTENTION DE LA GRACE


aucune opposition ; et avec Léon XIII, Pie X, et Benoît XV elle eut l’approbation de l'Église.

Au début île la première encyclique de Léon XIII sur le rosaire, du 1° septembre 1883. Marie est appelée cœlestium administra gratiarum. L’encyclique Jucunda semper du 8 septembre 1894 rappelle cette loi providentielle déjà exprimée par saint Bernardin de Sienne : Omnis gratia quæ huic sseculo communicatur, Iriplicem habet procession. Nam a Deo in Christum, a Christo in Virginem, a V rgine in nos ordinatissime dispensatur. A la fin de cette même encyclique, le pape lait siennse ces deux phrases de saint Bernard, que Dieu, flans sa très bienveillante miséricorde, a établi.Marie noire médiatrice, et qu’il a voulu que tout nous vienne par elle. Le même enseignement se rencontre encore au début de la lettre Diuturni lemporis du 5 septembre 1898. La même doctrine se retrouve dans l’encyclique Ad diem illum, de Pie X, du 2 février 1904. Marie y est appelée universorurn munerum dispensairix quie nobis Jésus nece et sanguine comparavit. I ! est vrai que la distribution de tous ces dons appartient en propre à Jésus-Christ, et que Jésus-Christe ; t la fontaine, de la plénitude de laquelle nous avons tout reçu. Mais Marie est l’aqueduc transmettant toutes ces grâces, ou le cou mystique de notre chef, par lequel tous les dons spirituels sont communiques à son corps : Ipsa est collum capitis nostri, per quod omnia spirilualia dona eorpori ejus mystico communicantur. Benoît XV consacra cet enseignement en approuvant pour l'Église universelle, la messe et l’office liturgique de Marie médiatrice de toutes les grâces, où la vérité que nous venons d'étudier est très explicitement affirmée.

Conclusions doctrinales.

1° "conclusion, concernant l’existence et la nature de la médiation uninerselle

de Marie pour la distribution de toutes les grimes. — a) C’est un enseignement approuvé par l'Église, que, dans le plan actuel de la Providence, toutes les grâces surnaturelles sont obtenues par l’intercession de Marie. Implicitement contenue, jusqu’au viiie siècle, dans l’affirmation générale de la médiation universelle de Marie, puis affirmée plus explicitement, du vine au xve siècle, dans cette proposition encore générale que tous les dons de Dieu nous viennent par l’intermédiaire de Marie, cette vérité reçut, depuis la fin du xvie siècle jusqu'à l'époque actuelle, un nouveau perfectionnement dans sa démonstration et dans son exposition théologique.

b) La conclusion est vraie de toutes les grâces surnaturelles provenant de la rédemption de JésusChrist. La conclusion, ne comportant aucune restriction, doit s’appliquer même aux grâces conférées par les sacrements, en ce sens, que les dispositions que l’on doit apporter à leur réception, et desquelles dépend la production sacramentelle de la grâce, sont obtenues par l’intercession de Marie.

Il s’agit seulement des grâces surnaturelles provenant de la rédemption de Jésus-Christ. La conclusion ne s’applique donc pas aux biens naturels qui nous sont départis par la Providence, du moins si l’on considère ces biens en eux-mêmes, et non l’usage surnaturel que l’on en fait. La conclusion s’applique avec rigueur seulement à la période qui a suivi l’entrée de Marie au ciel. C’est seulement depuis ce moment que l’on est assuré de la parfaite connaissance possédée par Marie, de tous les besoins et de toutes les prières de chacun des membres de l’humanité. On doit cependant admettre que l’intercession de Marie, pendant sa vie terrestre, fut très puissante pour attirer les dons du ciel sur les apôtres et sur les premiers fidèles. Quant aux siècles qui ont précédé l’incarnation, si l’on peut dire avec raison que la grâce divine y a été donnée à

cause des mérites futurs de Jésus, et secondairement à cause des mérites prévus de.Marie, il est clair qu’il ne peut y être question d’une médiation d’intercession exercée par.Marie.

c) Pour l’exercice de cette médiation d’intercession, il n’est point nécessaire que l’on prie directement .Marie ni même que l’on prie effectivement : Il n’esl point nécessaire que l’on prie directement Marie. Les textes cités attestent que, par le fait que l’on prie les autres saints ou Dieu lui-même, cette prière est toujours accompagnée des prières de Marie. D’autre part, selon l'économie générale du plan divin, la grâce peut être libéralement accordée à une âme qui ne prie point. C’est un enseignement certain que, si la prière est le moyen ordinaire établi par Dieu pour la dispensation de ses grâces, elle n’est cependant point une condition strictement requise pour la concession de la grâce divine qui peut être accordée, et est, de fait, accordée par Dieu, selon les desseins de sa souveraine sagesse, sans la condition préalable de la prière : Deus nobis multa præstat ex sua liberulitute, etiam non petita. S. Thomas, Sum. theol., IIMF 6, q. lxxxjii, a. 2, ad 3um ji es t certain aussi que la prière laite à Marie, avec les dispositions voulues, donne une plus grande assurance d’obtenir la grâce divine, comme nous le montrerons bientôt en parlant de l’assurance de salut provenant d’une filiale dévotion à Marie.

d) Il s’agit uniquement d’une médiation d’intercession, par laquelle Marie obtient de Dieu, et dépendamment des mérites de Jésus-Christ, toutes les grâces surnaturelles. — a. — Le rôle d’intercession exercé par Marie ne diffère donc point en substance de celui des autres saints. Mais tandis que le rôle des autres saints est seulement d’obtenir de façon spéciale le secours divin pour quelques besoins déterminés, ou pour quelques catégories de personnes, la médiation de Marie, comme le fait observer saint Thomas dans son Commentaire sur la salutation angélique, s'étend universellement à tous les besoins de toute l’humanité régénérée. Il y a encore cette différence, comme on le montrera plus loin, que l’intercession de Marie est beaucoup plus puissante et plus efficace que celle de tous les autres saints, même joints ensemble.

b. — L T ne telle médiation d’intercession recevant toute son efficacité des mérites de Jésus-Christ, seul vrai médiateur et rédempteur, loin de nuire à sa médiation, sert, au contraire, à la glorifier et à la mettre en relief. Marie, selon la parole de Léon XIII dans l’encyclique Fidentem piumque du 20 septembre 1896, est en réalité mediatrix ad mediatorem.

Selon l’enseignement de Pie X, dans l’encyclique Ad diem illum du 2 février 1904, les grâces dont Marie a été établie la dispensatrice nous ont été acquises par la mort et le sang de Jésus-Christ. De droit, Jésus en est le dispensateur puisque ces grâces sont le fruit exclusif de sa mort : de droit, il est le médiateur principal entre Dieu et les hommes. Le Christ est la source et c’est de sa plénitude que nous avons tous reçu avec abondance. Marie est seulement l’aqueduc ou le cou mystique par lequel Notre-Seigneur communique à son corps mystique tous les dons spirituels. Elle est médiatrice auprès de son divin Fils et avocate du monde entier. Que l’on se rappelle aussi la parole de saint Thomas : Jésus-Christ est le seul médiateur parfait de Dieu et des hommes, mais rien ne s’oppose à ce que d’autres soient dits médiateurs secundum quid entre Dieu et les hommes, prout scilicet cooperantur ad unionem hominum cum Deo disposilive vel minislerialiter. Sum. theol., III », q. xxvi, a. 1. En fait, comme le montre Xewman, dans l'Église catholique la médiation de Marie ne voile aucunement celle de Notre-Seigneur. L’histoire atteste que ce sont précisément les nations qui ont perdu la foi en la divinité de Jésus-