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MARIE MÉDIATRICE : OBTENTION DE LA GRACE


2' période du VIII* au XVe siècle, caractérisée, surtout depuis le xii° siècle, par une affirmation explicite, quoique générale ! de cette vérité que toutes les grâces sont données à l’humanité tout entière par l’intermédiaire de Marie.

Du viii° au xii c siècle, cette affirmation explicite se rencontre seulement quelquefois, à côté de nombreux textes affirmant, d’une manière générale, la médiation universelle de Marie. Nous signalerons particulièrement, au vine siècle, saint Germain de Constantinople († 730), selon lequel personne n’est sauvé si ce n’est par la Mère de Dieu, personne n'échappe aux dangers, si ce n’est par elle, personne n’obtient miséricordieusement les dons de Dieu si ce n’est par celle qui a porté Dieu. In dormit. B. M., serin, ii, P. G., t. xcviii, col. 349.

Au xie siècle, Jean d’Euehaïtes (Mauropus) appelle Marie la dispensatrice de tous les biens que nous possédons. « Parelle nous vivons, nousnous mouvons et nous existons. » In SS. Deiparse dormit., P. G., t. cxx, col. 1109 sq. Vers la même époque, en Occident, saint Anselme († 1109) enseigne que Marie est la mère de tous ceux qui croient en Dieu, et que, sans elle, m’Aiï pielatis est nihilque bonitatis, Oral., xlvii, P. L., t. clviii, col. 945 ; que, si elle se tait, nullus orabit, nullus juvabit ; que, si elle prie, omnes orabunt, omnes juuabunt. Orat., xlvi, col. 941.

Au xiie siècle, saint Bernard enseigne, sans aucune restriction, cette loi générale de la divine Providence, qu’en ce qui concerne le salut de l’humanité chrétienne Dieu a voulu que tout ce qu’il donne passât par les mains de Marie. Serm., iii, in vigilia Nativitatis Domini, 10, P. I.., t. clxxxiii, col. 100. Dieu a posé en Marie la plénitude de tout bien, de telle sorte que tout ce qu’il y a en nous d’espérance, de grâce, de salut, nous sachions que c’est d’elle que tout cela provient. Serm. in nativit. B. V. M., de aqiiieductu, 6 sq., col. 441. Ce n’est point que Dieu ait été impuissant à nous communiquer sa grâce sans cet aqueduc, mais il a voulu nous la procurer par ce moyen. Nous devons donc tout offrir à Dieu par les mains si recommandables de Marie. Ideoque modieum istud quod ofjerre desideras, gratissimis illis et omni acceptione dignissimis Maria' manibus ofjerendum tradere cura, si non vis sustinere repulsam, col. 448.

Au xiiie siècle, Albert le Grand appelle Marie porte du ciel, quia per eam exivit quidquid gratis ; unquam creatum, vel increatum, in hune mundum venit vel venturum fuit. Mariale, q. cxlvii, Opéra omnia, Paris, 1898, t. xxxvii, p. 211. Selon Richard de Saint-Laurent, vers la même époque, Marie est le cou mystique de l'Église, par lequel Jésus, la médecine de nos âmes, vient à nous, De laudibus B. M. V., . t. V, c. ii, n. 39, dans les Opéra omnia d’Albert le Grand, Paris, 1898, t. xxxvi, p. 302. Marie est aussi l’aqueduc par lequel les dons célestes doivent constamment descendre de Dieu aux hommes, t. IX, c. xv, n. 2, p. 441. Vincent de Beauvais († 1264) reproduit la doctrine de saint Bernard. Opusculum laudum Virginis Mariée, c. cxxviii sq., Bàle, 1481, s. p. Selon saint Thomas, c’est un privilège propre à l’humanité de Jésus-Christ, d’avoir eu la plénitude de la grâce, de manière à la faire rejaillir sur l’humanité tout entière, selon la parole de saint Jean : de plenitudine ejus omnes nos accepimus. Mais Marie a obtenu une telle plénitude de grâce qu’elle a été propinquissima auctori graliæ ita quod eum qui est plenus omni gratia in se reciperet, et eum pariendo quodammodo gratiam ad omnes derivaret. Sum. theol., I II a, q. xxvii, a. 5, ad lum. Marie participant ainsi, à cause de sa maternité divine, à la double plénitude de grâce de Jésus-Christ, plus parfaitement qu’aucune autre créature, est donc vraiment média’trice de la grâce dans toutes les âmes. Saint Thomas

nous montre ainsi le véritable principe théologiquc duquel procède l’universelle médiation de Marie dans la distribution de loutes les grâces. Dans son commentaire sur la salutation angélique, il explique cette plénitude de grâce en Marie, quantum ad refusionem in omnes hommes. Avoir la grâce autant qu’il suffit ad salutem mullorum est une grande chose pour le commun des saints. Mais, en Jésus et en Mari «  la plus grande perfection, qui est d’avoir la grâce en telle abondance qu’elle sulïise ad salutem omnium hominum de mundo. Saint Thomas parle ici non seulement de l’acquisition, mais aussi de la distribution des grâces. En tout danger, ajoute-t-il, nous pouvons, de cette glorieuse Vierge, obtenir le salut et nous pouvons, in omni opère nirlutis, avoir son secours. Expositio super salutat. angel.

Saint Bonaventure († 1274) explique, dans son commentaire sur saint Luc, en quel sens Marie est appelée porte du ciel, quia nullus potest jam cœlum intrare nisi per Mariam transeat tanquam per porlam. A elle nous devons donc avoir constamment recours, afin que par elle qui, au-dessus de toutes les femmes, a, devant Dieu, trouvé grâce et miséricorde, nous trouvions grâce et nous obtenions miséricorde in auxilio opporluno. Comment in Luc. c. i, n. 70 : c. ii, n. 37. Opéra omnia, Quaracchi, 1895, t. vii, p. 27, 52. Conrad de Saxe († 1279), dans son Spéculum B. M. V., souvent attribué à saint Bonaventure, affirme, à la suite de saint Bernard, que, par les mains de Marie, nous avons tout le bien que nous possédons. Et il demande, comme l’abbé de Clairvaux, que par les mains de cette auguste souveraine nous offrions à Dieu tout le bien que nous faisons. Spéculum B. M. V., lect. iii, Quaracchi, 1904, p. 40. Selon Jacques de Voragine († 1298), commme toute la nourriture descend dan ; le corps a capile mediante collo, ainsi c’est par Marie que tous les dons de Dieu nous viennent de Jésus-Christ. Mariale, serm. ix, Lyon, 1688, p. 90

Au xive siècle, Raymond Jordan mentionne la loi providentielle d’après laquelle Marie est notre avocate auprès du Fils, comme le Fils l’est auprès du Père, et il appelle Marie la trésorière des grâces de Dieu. Contemplationes de B. Virgine, prolog., dans la Summa aurea, t. iv, col. 851 sq.

Au xve siècle, le chancelier Gerson (j 1429) appelle Marie notre avocate, notre médiatrice, par les mains de laquelle, selon l’enseignement de saint Bernard, Dieu a résolu de donner tout ce qu’il donne à ses créatures. Serm. de annuntiatione B. M. Y., iv, Opéra omnia, Anvers, 1706, t. iii, col. 1366. Saint Bernardin de Sienne († 1444) proclame expressément que nulla gratia de cœlo nisi ea dispensante ad nos descendit. Sermones pro fest. SS. et V. M., serm. xiii, a. 3. c. m. Opéra omnia, Paris, 1635, t. iv. p. 165. Comme toutes les grâces communiquées au genre humain ont Dieu comme auteur, et Jésus-Christ comme médiateur général, elles ont aussi Marie pour dispensatrice générale. Nam ipsa est collum capilis noslri per quod omnia spiriiualia dona corpori ejus mi/stico communicantur. Sermones /"riales, serm. x, 3, t. i, p. 483. Bie 1 fait sienne la doctrine si explicite de saint Bernard. Sacri canonis missæ lucidissima expositio, lect. xxxii, Brescia, 1576, p. 226 sq. ; De festis divæ virginis Marin' varii atque eruditi sermones, serm. xv, Brescia, 1583, p. 82 sq. Même doctrine à cette époque chez Bernardin de Busti, op. cit., fol. 336, et Pelbart, op. cit., p. 198, 205, et au commencement du xvie siècle chez J. Viguier(† 1553), De annuntiatione dominica, Inslitutiones, Venise, 1560, n. 274.

3e période, de la fin du A’F/e siècle jusqu'à l'époque actuelle, caractérisée par un notable progrès théologique dans la démonstration et dans l’explication de cette vérité, que dans le plan actuel de la Providence,