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MARIE, VŒU DE VIRGINITÉ


son égard. Cette manifestation ayant eu lieu, son vœu devint absolu après son union avec Joseph, contractée avec la certitude qu’il n’y aurait aucune dérogation

à son vœu. Sam theol., III », q. xxviii, a. 4, ad 1'"" ; q. xxix, a. 1, ad 1°"'. Malgré la distinction ainsi formulée par saint Thomas entre vœu conditionnel et absolu, on peut se demander si, dans sa pensée, le vœu de.Marie avant son union avec.Joseph, n'était pas en vérité un vœu absolu. La condition si Dec place ! n’est-elle pas une condition toujours implicitement contenue dans tout vœu, et qui n’empêche point sa nature absolue, dès lors que la volonté, pour ce qui la concerne, est fermement résolue, comme c'était le cas pour Marie, selon la parole formelle du saint docteur ? — Saint Bonaventurc affirme, sans autre détermination précise et sans aucune indication de condition, que Marie avait émis le vœu de virginité avant ses fiançailles avec saint Joseph. Marie connaissait d’une manière certaine, par inspiration divine ou par une révélation angélique, ou peut-être par Je témoignage de saint Joseph, que celui-ci serait le gardien de sa virginité. In IVum Sent., dist. XXVIII, q. vi ; dist. XXX, q. ii, Quarrachi, 1889, t. iv, p. 696, 710. Et s’il est vrai que le vœu de virginité appartient exclusivement au Nouveau Testament, on doit affirmer que Marie non pertinebat ad legem sed ad evangelium quod ab ipsa infantia in corde ipsius scripserat Dei digitus, ipse Spiritus Sanctus, p. 710. Paroles reproduites de saint Bernard et qui laissent entendre que le vœu absolu de virginité avait pu être émis dès l’enfance de Marie. Saint Bonaventure montre aussi que le vœu absolu de Marie n’empêchait aucunement la réalité du mariage avec Joseph : Marie avait vraiment consenti au contrat, avec l’assurance donnée par une révélation du Saint-Esprit ou par le témoignage de Josepli quod nunquam matrimonium consummaret, p. 696.

c) Du xive au xvie siècle, la formule de Pierre Lombard et de saint Thomas, relativement au vœu conditionnel fait par Marie avant son union avec saint Joseph, est suivie par beaucoup de théologiens, surtout parce qu’ils la jugent plus apte à expliquer le mariage réel entre Marie et Josepli ; voir particulièrement Caprreolus, Defensiones theologiæ divi Thomæ Aquinatis, t. IV, dist XXX, q. i, a. 1, 2, Tours, 1906, t. vi, p. 506 sq., 512 sq. ; Denys le Chartreux, InSententias, t. IV, dist. XXX, q. ii, Venise 1584, p. 371 sq. ; Cajétan, In III Am S. Thomæ, q.xxvin, a. 3 ; q. xxix, a. 1 ; Dominique Soto, In Sent., t. IV, dist. XXX, q. ii, a. 2, Venise, 1584, t. ii, p. 205 sq. — Après saint Bonaventure et Henri de Gand, Quodlib. ix, q. xi, le principal défenseur du vœu absolu avant l’union de.Marie et de Joseph, fut Duns Scot, In I V am Sent, dist. XXX, q. ii, n. 4 sq., Opéra omnia, Lyon 1639, t. ix, p. 654.

A partir du xvie siècle, surtout après Vasquez, In III*™ S. Thomæ, disp. CXXIV, c. iv, 66 sq., Lyon, 1631, t. ii, p. 94 sq. ; Suarez, In III* m S. Thomæ t. ii, disp. VI, sect. ii, 8 sq. ; Estius, In JVum Sent., dist. XXX, 4 sq., Paris 1596, t. ii, p. 381 sq. ; Sylvius In III am S. Thomæ, q. xxviii, a. 4, Anvers 1695, t. iv, p. 121, la plupart des théologiens se prononcent en faveur du vœu absolu de Marie même avant son union avec Joseph, et le reportent à l'époque de son enfance. Au xviiie siècle, Billuart, Tract, de mysteriis Christi, dissert. I, a. 4, constate que cette opinion est commune. Au xixe siècle presque tous les théologiens y adhèrent. P. Lépicier, op. cit., p. 449 sq.

3° Conclusions déduites de l’enseignement traditionnel relativement à l’enfantement virginal et au vœu de virginité émis par Marie. — 1. Concernant V enfantement virginal. — a) Suivant les documents précités, c’est une doctrine certaine, enseignée parle magistère ordinaire de l'Église, selon les symboles de foi et l’affir mation constante de la tradition catholique, que Marie dans l’enfantement divin, a gardé une virginité absolue. Nous avons constaté qu’a l’exception de Tertullicn, et peut-être d’Origène, qui d’ailleurs ne peuvent, à cause d’autres erreurs, être généralement considi comme des témoins autorisés, l’enseignement de toute la tradition catholique, sur ce point, a été constant. Nous avons constaté aussi que quelques expressions qui paraissent divergentes, chez plusieurs Pères du iv » siècle, signifient seulement le passage effectif et miraculeux du corps de N’otre-Seigneur, accompli par la toute-puissance divine avec un respect absolu de la parfaite virginité de Marie.

b) L’explication théologique de l’enfantement virginal, telle qu’elle est habituellement donnée dans l’enseignement traditionnel, ne présente aucune difficulté réelle. Bien ne s’oppose à ce que l’on admette, grâce à une intervention miraculeuse de la toute-puissance divine, la présence simultanée du corps de Noire-Seigneur et de l’organe parfaitement intègre de Marie, dans l’instant de la naissance miraculeux-. Ce que saint Thomas démontre ainsi. Deux corps ne peuvent être dans un même lieu à cause de leurs dimensions, parce que la matière corporelle est divisée selon ses dimensions, et les dimensions se distinguent d’après leur position dans le lieu. Or Dieu, qui est la cause première de toutes choses, peut conserver les effets dans leur être sans cause prochaine. Comme, dans la sainte eucharistie, il conserve les accidents sans sujet, il peut aussi, dans un corps étendu, conserver la distinction de la matière corporelle et des dimensions, sans la diversité de situation dans le lieu. Par miracle, il peut donc se faire que deux corps soient dans un même lieu : Unde corpori Christi attribuitur a sanctis quod exivit per clausum Virginis uterum, et quod intravit ianuis clausis per virtutem divinam. Quodlibet i, a. 22.

2. Concernant le vœu de virginité émis par Marie. — a) Bien que l’enseignement de l'Écriture ne prouve point directement, et par lui seul, que la ferme et perpétuelle résolution de Marie de garder la virginité ait été consacrée par un vœu, l’existence de ce vœu, dès avant l’annonciation, doit être tenue pour certaine, selon l’enseignement constant de la tradition catholique, au moins depuis saint Augustin au commencement du ve siècle. L’existence du vœu est d’ailleurs facilement déduite de l’enseignement scripturaire, si l’on admet, comme il a été dit plus haut, que la virginité de Marie a dû surpasser en perfection celle de tous les autres saints, et que cette perfection supérieure n’a pu lui être assurée que par un vœu perpétuel. Car, selon l’enseignement théologique commun, avec saint Thomas, Sum. theol., H-'-II*, q. lxxxvhi, a. 6, ce qui est consacré à Dieu par un vœu possède, par là-même, une perfection plus grande et est assuré, devant Dieu, d’un plus grand mérite.

b) Bien n’empêche d’admettre, de la part de Marie, un vœu absolu de virginité, à une époque bien antérieure à son mariage avec saint Joseph, ou même dès qu’elle eut l’usage de la raison. Il suffit d’admettre, avec les défenseurs de cette opinion, que cette volonté lui fut inspirée par la grâce divine. Cette grâce lui fit comprendre le prix de la parfaite virginité, et lui donna la ferme volonté de l’embrasser, avec une pleine confiance dans la divine Providence pour le parfait accomplissement de cette résolution.

c) Pour concilier, en Marie, le vœu absolu de virginité avec la validité et la licéité du mariage qui l’unissait à Joseph, il suffit d’admettre deux assertions bien fondées des partisans de cette opinion :

a. — La volonté de Dieu demandant ce mariage avait été manifestée à Marie. En même temps l’assurance lui avait été donnée que, Jtiseph ayant la même