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MARIE, MATERNITÉ DIVINE : CONCLUSIONS THÉOLOGIQUES


la conclusion de Biel uniquement parce que l’ordinalion divine, pour un tel mérite de condigno, faisait défaut. In Illam S. Thornæ, t. i, disp. XXIII, c. i.

— Pour la même raison, Suarez conclut qu’en fait .Marie n’a point mérité de condigno la maternité divine. Mais il ne lui paraissait point impossible que ce mérite existftt en Marie. Iiien que ses actions ne fussent point dirigées vers l’obtention de cette faveur, comme elles étaient dirigées vers la récompense éternelle, elles pouvaient cependant avoir une suffisante proportion avec cette dignité de la maternité divine, qui n’est point elle-même infinie comme l’union hypostatique, et qui, au jugement de plusieurs, est inférieure a la filiation divine adoptive : imo aliquibus vidctur minoris sestimationis moralis quam filialio adoptiva. In III*"* S. Thomæ, t. i, disp. X, sect. vii, n. 6 sq. — Les théologiens de Salamanque se rangèrent à l’opinion commune pour la question de fait, en admettant que Marie n’a point mérité de condigno la maternité divine, bien que l’opinion adverse, défendue par des hommes doctes, ne puisse être réputée improbable. Pouf la question de possibilité, ils donnent finalement la préférence à l’opinion de Suarez. Cursus theologicus, tr. XXI, disp. VII, dub. iii, n. 72 sq.

Malgré ces divergences, beaucoup de théologiens, depuis le milieu du xviii 8 siècle jusqu’à notre époque, continuèrent à enseigner qu’en fait Marie n’a point mérité de condigno la maternité divine et que, d’aucune manière, elle ne pouvait acquérir ce mérite. Ils en donnent cette raison fondamentale que la maternité divine, appartenant à l’ordre hypostatique, surpasse tout mérite surnaturel provenant d’une simple créature. Avec raison ils disent encore que Marie n’aurait pu mériter de condigno la maternité divine sans mériter aussi l’incarnation du Verbe, que suppose la maternité divine. Or n’est-il pas évident que l’incarnation, principe de toute grâce et racine de tout mérite, ne peut, en même temps, être l’objet du mérite ?

Sylvestre de Saavedra, op. cit., p. 494 sq. ; Justin de Miéchow, Discursus prædicabiles super lilanias lauretanas B. V. M., cxxiv, Paris, 1642, t. i, p. 275 sq. ; Raynaud, op. cit., t. vii, p. 130 ; Gonet, De incarnatione, disp. VII, a. 4, n. 106 sq. ; Contenson, op. cit., t. ii, p. 183 ; Gotti, Theologia scholastico-dogmatica, De Deo incarnato, q. iv, dub. ii, Venise, 1750, t. iii, p. 35 sq. ; Sedlmayr, op. cit., dans la Summa aurea, t. viii, col. 46 sq. ; H. Merkelbach, Étude sur la dignité de la mère de Dieu, Liège, 1913, p. 12 sq. ; P. Hugon, De Verbo incarnato, Paris, 1920, p. 85 sq.

3. Deux conclusions découlant de la maternité divine, qui ne sont que deux expressions différentes d’une même assertion. —

a) Marie, comme mère de Dieu, a dû posséder tous les privilèges qui sont possibles dans une créature et qui d’autre part convenaient à son rôle de mère de Dieu et de médiatrice universelle, tel qu’il a plu à Dieu de le réaliser ; —

b) tout privilège conféré à quelque créature, dès lors qu’il convient au rôle de la mère de Dieu, tel qu’il a plu à Dieu de le réaliser, a dû être également conféré à Marie.

a) La première assertion fut formulée d’une manière explicite, bien que générale encore, par saint Anselme dans les paroles précédemment citées : Decens eral ut ea puritate qua major sub Deo nequit intelligi, Virgo illa niteret. De conceptu virginali, 18, P. L., t. clxviii, col. 451. On remarquera toutefois que ce principe, si nettement formulé, ne fut pas appliqué par saint Anselme à la conception immaculée qu’il ne paraît pas avoir considérée comme possible. Cur Deus homo…, t. II, 16, col. 416 sq. L’assertion générale d’Anselme fut reproduite par Richard de Saint-Victor († 1173), De Emmanuele, t. II, 26, P. L., t. exevi, col. 660.

Saint Thomas affirme, comme saint Anselme, que Ja sainteté de la mère de Dieu a été maxima sub Christo, Suin. Iheol., III », q. xxxvii, a. 2, ad 2 un’, et qu’elle a reçu de Dieu prie céleris majorem gratix plenitudinem, q. xxvii, a. 5 ; et il fait bien ressortir les raisons de cette transcendante sainteté de Marie, a. 1, 4, 5. On notera cependant que saint Thomas, tout en affirmant nettement ce principe général, n’en fail point l’application à la conception immacul’Marie, estimant que ce privilège n’appartient qu’à Jésus-Christ, qui seul n’avait aucun besoin d’être racheté : Dicendum quod, si nunquum anima beatx Viiginis fuissei conlagione originalis peccati inquinalu, hoc derogaret diijnitati Christi, secundum quam est universalis omnium salvator, et ideo sub Christo qui salvari non indiguit, tanquam universalis Salvator, maxima fuit bealæ Virginis purilas. Q. xxvii, a. 2, ad 2um.

Un peu plus tard, Duns Scot fit à l’immaculée conception elle-même l’application du principe posé par saint Thomas. Après avoir émis et discuté les trois hypothèses possibles, que Marie n’a jamais été souillée par le péché originel, qu’elle n’y a été soumise qu’un seul instant, ou qu’elle y a été soumise un peu de temps, à la fin duquel seulement elle en fut délivrée, Duns Scot conclut : Quod autem horum trium quæ ostensa sunt esse possibilia faclum sil, Deus novit ; si auctoritati Ecclesiæ vel auctoritati Scripturæ non repugnet, videtur probabile quod excellenlius est attribuere Mariæ. In Sent., I. III, dist. III, q. i.

Cette conclusion fut, dans les siècles suivants, souvent appliquée aux privilèges de la mère de Dieu. Pour prévenir toute exagération, Gerson, au commencement du xv 8 siècle, crut nécessaire d’émettre quelques restrictions en s’appuyant sur ce principe général : Quod autem ex scripturis sanctis auctoritatem non habel, junge nec ex probabili ralione, eadem facililale contemnitur qua probatur. Tractatus seu epistola ad provincialem Cœlestinorum, 20, Opéra omnia, Anvers, 1706, 1. 1, col. 453. Mais n’y avait-il pas quelque exagération à ajouter, sans restriction ou distinction aucune, qu’il est téméraire d’affirmer, d’écrire ou de prêcher que Marie, dans sa conception et dans sa naissance, a joui de l’usage de la raison ? Loc. cit. Chez Pelbart de Temesvar, à la fin du xve siècle, Stellarium coronæ gloriosissimæ Virginis, Venise, 1586, p. 28, et saint Thomas de Villeneuve († 1555), De nativitate V. M., serm., iii, Opéra omnia, Augsbourg, 1757, col. 570, nous ne trouvons que cette affirmation générale, que Marie a possédé au plus haut degré toutes les grâces générales et spéciales de toutes les créatures, ou toutes les perfections dont une simple créature est capable.

Au xvii 8 siècle, on ajouta quelques précisions. Selon Novato, pour qu’une perfection soit attribuée à Marie il ne suffit point qu’elle soit possible à la toute-puissance divine, il faut encore qu’il soit convenable que Dieu la lui ait conférée. Op. cit., t. i, p. 226. Même indication chez Zamora († 1649), De eminentissima Deiparie Virginis perfectione, t. I, c. iv, Venise, 1679, p. 15. Sylvestre de Saavedra dit expressément que des privilèges particuliers doivent être attribués à la mère de Dieu, seulement quand ils sont fondés sur l’autorité de l’Écriture ou l’enseignement des Pères, ou sur d’excellentes raisons. En vertu de ce principe, il n’admet pas que Marie ait été la cause instrumentale physique ou morale de la production de la grâce sanctifiante dans le reste des fidèles. Sacra Deipara, Lyon, 1655, p. 160 sq. Christophe de Vega, en attribuant à Marie toute perfection possible, ex Dei omnipotentia et ex creaturie capacitate, met cette restriction : pourvu que ce ne soit point contraire à la sainte Écriture et que cela convienne à la Mère de Dieu. Op. cit., t. i, p. 378 sq. A la même époque. Petau