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MARIAGE DANS L'ÉGLISE GRÉCO-RUSSE


125. La liberté avec laquelle le hiéromoine eu question a parlé du septénaire sacramentel en général, et du sacrement de mariage, en particulier, prouve que dans l’orthodoxie orientale toute doctrine qui n’a pas été explicitement définie par les sept premiers conciles œcuméniques, n’a acquis qu’un droit de cité précaire dans la dogmatique de l'Église grécorusse.

IU. Le double rite liturgique des fiançailles

ET DV COURONNEMENT, ET I.A MANIFESTATION PUBLIQUE DU CONSENTEMENT DES ÉPOUX, ].'cuihohif/ir

du mariage dans le rite byzantin est, nous l’avons dit, beaucoup plus développée que dans le rite latin. Celte euchologie remonte au moins au viiie siècle, et certains éléments en sont plus anciens. Elle est constituée par une double cérémonie ou office, celle des fiançailles, àxoXouOîa èm |i.v7 ; a-rpoi< ; ïjyouv toû àppoc6â>voç, et celle du couronnement. àxouXooOla toû aTs^avcôfxaToç (ou <jTe9âvcoaiç). Cf. Goar, EùyoXôy'.ov siue rituule Grœcorum, éd. de Venise, 1730, p. 310-325 ; EùyoXôyi.ov tô p : Éyot, édition de la Propagande, Rome, 1873, p. 102-180. Anciennement, suivant la coutume des Églises, l’une et l’autre cérémonie avaient lieu soit avant, soit pendant, soit après la messe, et les époux communiaient, preuve que le mariage était considéré comme un sacrement des vivants. C’est du reste ce que déclare positivement Siméon de Thessalonique : « Il faut que ceux qui se marient soient dignes de la communion. » Dialogus contra hæreses, c. cclxxxii, /'. G., t. clv, col. 512. Tout en étant recommandées aux fidèles par l'Église, ces cérémonies ne paraissent pas avoir été regardées par elle comme absolument nécessaires pour la validité du contrat, avant la fin du ixe siècle, c’est-à-dire avant que Léon le Sage, par les novelles lxxiv et lxxxix (vers 895), les eût rendues obligatoires devant l’autorité civile. Alexis Comnène, par deux autres novelles portées en 1084 et en 1092, confirma, en les étendant au mariage des esclaves et des rerfs, les prescriptions de Léon le Sage. A partir de cette époque, la bénédiction de l'Église, aussi bien pour les fiançailles que pour le mariage proprement dit, est considérée comme une condition de validité à la fois par l'Église et par l'État, et la clandestinité devient un empêchement dirimant.

Consacrées par un rite religieux, les fiançailles, assimilées déjà au mariage par le concile in Trullo (canon 98), acquièrent devant la loi civile et la discipline ecclésiastique la même solidité que le mariage lui-même. Les mêmes prescriptions, les mêmes empêchements régissent l’un et l’autre contrat ; ou plutôt, il n’y a, aux yeux de l'Église, qu’un seul contrat considéré à deux moments différents ; de sorte que, si l’un des fiancés meurt avant la cérémonie du couronnement, l’autre est considéré comme bigame, lorsqu’il contracte une nouvelle union. Cette législation devait amener la fusion et la simultanéité des deux rites. C’est ce qui s’est établi un peu partout, ici par la force de la coutume, là par les prescriptions positives de l'Église ou de l'État. En Russie, après une tentative de Pierre le Grand d’enlever aux fiançailles la valeur canonique qu’elles possédaient jusque-là dans l'Église russe comme dans les autres Églises du groupe byzantin, l’union des deux cérémonies fut ordonnée par un décret synodal daté de 1775. Lue décision analogue fut prise par le synode de Grèce, en 1834 : si bien qu’en ces derniers temps, la séparation de la cérémonie des fiançailles de celle du couronnement n’existait que pour les mariages princiers.

Il est intéressant d’examiner comment se manifeste le consentement des époux dans les deux cas. L’euchologe édité par la Propagande pour les Grecs unis porte, en tête de Yacolouthie des fiançailles, une rubrique où il est dit, entre autres choses, que le prêtre demande

aux fiancés si c’est bien volontairement qu’ils désirent s’unir, et iv. 9eXJj|xaTOç kùtûv (îoûXovTai auvocçOrjvai. Cette rubrique se rencontre bien dans quelques euchologes manuscrits des xv « et xvr siècles, cf. Dmitrievskii, Ivjyo’Lôy '.-L, Kiev, 1901, p. 188, 033, etc., mais elle est absente de la plupart des euchologes manuscrit, nu imprimés. Cf. Goar, op. et loc. cit. Conformément au Trebnik ou rituel de Pierre Moghila, édité à Kiev, en 1646, l'Église russe a introduit en 1077, dans la cérémonie du couronnement, une interrogation directe aux époux semblable à celle de notre rituel latin. Cette interrogation vient avant le couronnement des deux conjoints par le prêtre. Les euchologes grecs sont restés conformes aux ancl exemplaires..Mais il n’y a pas à se demander si la manifestation du consentement mutuel est suffisante dans ces textes ; car aussi bien dans le rite des fiançailles que dans celui du couronnement, il y a abondance d’actes et de signes symboliques de ce consentement. Aux fiançailles, on trouve la remise et l'échange des anneaux, et aussi le baiser mutuel que se donnent les fiancés, d’après certains euchologes. Au couronnement, le célébrant couronne d’abord les conjoints ; puis il les livre l’un à l’autre en joignant leur main droite, y.py.-^a-xç -rf, ç Ss^-Ç yt'.pbç aÙTÛv, Z’xp’xS'.Sz^ àXX^Xoiç ; enfin, il les fait boire par trois fois à la coupe commune, tô y.oivôv rcoTrjplov. D’autres gestes et cérémonies se rencontrent dans certains manuscrits. Cf. Dmitrievskii, op. cit., passim. D’ailleurs, antérieurement à la cérémonie religieuse.il y a eu le contrat passé le plus souvent devant les représentants de l'Église et signé par les conjoints. Cf. Siméon de Thessalonique, op. cit., col. 505.

IV. Essence et ministre du sacrement de mariage.

On sait, d’après ce qui précède, col. 2293 sq.. où en est la question de l’essence du sacrement de mariage dans la théologie catholique moderne. La doctrine qui, de nos jours, est enseignée comme une certitude par l’ensemble de nos théologiens (inséparabilité du contrat et du sacrement, et par suite, matière et forme du sacrement placées dans le consentement mutuel des époux, qui sont les vrais ministres du sacrement), fut communément professée par les théologiens gréco-russes jusqu’au début du xix » siècle.

Siméon de Thessalonique, chez qui on ne rencontre pas encore la terminologie sacramentelle des scolastiques, laisse clairement entendre que le rite du couronnement n’appartient pas à l’essence du sacrement : « Rénir le mariage, dit-il, appartient à l'évêque : mais un simple prêtre peut le faire, parce qu’il s’agit d’un simple rite sans relation aver la communication de lagrâce, ôti teXety ; x6vr t, xal où -rc, jj.£TaSoTiXT)ç xipiTOÇ, op. cit., c. cclxxxi, col. 509 D. — Au xvp siècle, Gabriel Sévère, dans son court Traité des sacrements, souvent cité non seulement par les Grecs postérieurs mais aussi par nos théologiens du xvii 9 siècle dans leur polémique avec les protestants, voit la matière du mariage dans la promesse mutuelle que se font les époux, et la forme, dans la déclaration suivante faite par chacun d’eux, devant témoins : « Me veuxtu ? — Je te veux. » Chrysanthe de Jérusalem, op. cit., p. px-pxa'. — Le Petit-Russien Laurent Zizanii, dans son Grand catéchisme, imprimé à Moscou en 1027, après avoir subi les corrections des théologiens moscovites, enseigne également que la bénédiction rituelle est quelque chose d’accessoire à l’essence du sacrement, et que les époux s’administrent mutuellement celui-ci par leur consentement réciproque : i Dans ce contrat, chacun des contractants est à la fois le vendeur, la marchandise et l’acheteur. » Grand catéchisme, feuille 391. Cf. Th. Ilinskii, Le grand catéchisme de Laurent /izanii, dans les Trudij de l’Aca-