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MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, BILAN FINAL

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Milan, 1236, Florence dans tout ta cours du nne siècle - montrent que les prétentions des villes c'étaient point purement théoriques.

France, la législation royale n’a point, avant ta xvie siècle, réglementé le mariage. Bl les coutumes respectent le droit canonique au point de „e contenir aucune disposition sur ta lien de maOlivior Martin. Histoire de /<i coutume de /<i vicomte de Paris, t… Paris. 1922, p. 120 : l i „ nbe. Essai sur lu Coutume poitevine du maau début du XV siècle, d’après le rieux Coustumier de Poietou, Paris, 1910, p. 43. Même remarque i les nombreuses thèses publiées depuis 1900 sur le mariage en droit coutumier (cf. Grandin, Bi’Mfo„raphie générale des Sciences juridiques. 1. 1. Paris. 1926, i. Uea i manoir reconnaît explicitement la compétence des cours d Église. E. Plivard, Le régime matrimonial dans la coutume de Clermont-en-Beauooisis m Xiif siècle, d’après Philippe de Beaumanoir, Paris, 1901, p. 23 sq.

Cette compétence Jusqu’au xve siècle, n a pas été contestée. Elle était fort étendue, comme on peut la voir au Registre des causes ciriles de l’offlcialité ipiseopale de Pans (1384-1387), où les affaires se rattachant au mariage tiennent de beaucoup la plus grande place. Le tribunal de l'évêque sanctionne ou. le cas échéant, rompt les fiançailles, prononce annulation du mariage, la séparation de corps et même la séparation de biens, juge parfois les affaires de douaire, les relations illicites pendant la durée du mariage, op. cit.. p. xxm-xxvii. Mais à partir du iv siècle, on ramène peu à peu devant les tribunaux séculiers les procès où ne se pose point principalement et directement la question de validité ou de nullité du mariage : tout ce qui concerne le régime des biens, entre les époux, les séparations de biens, la légitimité des enfants, le délit d’adultère. » Esmein, op. cit.. t. i, p. 35. C’est le prélude de la grande dépossession de l'Église. Mais, en France, les causes matrimoniales proprement dites ne furent enlevées que plus tard aux ofncialités. Dans les pays latins, les seuls pouvoirs qui aient empiété parfois sur les droits de l'Éghse sont les communes.

L’attitude de l'Église était commandée par les dvonstances. Aux usurpations violentes, elle ne pouvait repondre que par l’affirmation de son droit et la fulmination des censures canoniques. Ces conllits locaux ne furent point l’occasion de grands conlits de doctrine.

- Dans l’Empire, en revanche, la lutte entre Louis de Bavière et Jean XXII donna aux publicistes l’occasion de présenter en quelque sorte les prolénes de la théorie du mariage civil. On se rappelle Tes faits : Louis de Bavière, voulant marier son fils à Marguerite Maultasch dont il convoite les riches espérances, prétend que l’union de cette héritière avec Jean Henri de Bohème n’a point été consommée et demande au pape de la rompre. Sur refus du pape, Louis de Bavière se déclara compétent ( 1312) pour juger cette affaire qui se termina conformément à ses vœux. L'Église protesta. Mais deux publicistes Guillaume Occam. dans son Tractahude jurisdiciione imperatoris in causis malrimonialibus, et Marsile de Padoue, dans une Consultation dont l’authenticité lujourd’hui hors de doute, entreprirent de démontrer la compétence de l’empereur en matière matrimoniale. Les deux œuvres ont été publiées par Goldast. Monarchia. t. i. p. 21, 29 ; t. n. p. 1383 sq.

Guillaume Occam appuie sa conclusion sur deux

faits : les empereurs romains ont exercé le pouvoir

latif et le pouvoir judiciaire en matière matrimo . le Saint-Fmpire romain-germanique continue

l’Empire romain. La fonction de l’Empire, ajoute-t-il,

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est de sauvegarder le bien public : toutes les (ois que l’observation des prescriptions ecclésiastiques aurait pour conséquence le dommage de l'État, l’empereur peut s’en libérer,-ans prendre l’avis du pape. ! « cas particulier île Marguerite de Carlnthie été correctement juge car l’inexistence de son mariage a été

prouvée : donc, de droit divin, Marguerite est libre

et son nouveau mariage peut être autorise par l’empereur qui, si l’intérêt public l’exige, passerait outre aUS empêchements positifs établis par les lois impériales ou pontificales. Comme l’observe Brandileone,

le principe développe par Occam. c’est que l’empereur n’est lié que par la loi divine et que, cette loi sauve, il peut exercer son pouvoir législatif et judiciaire en matière matrimoniale toutes les fois que l’utilité publique l’exige. Si l'Église revendique pour elle seule l’administration des sacrements et le jugement des causes qui s’y rattachent, on lui répondra : le baptême ne peut-il être administre par des laïques ? Et les Décrétâtes ne reconnaissent-elles point que le sacrement de mariage existe chez les Infidèles, qui ne relèvent que du pouvoir séculier ? Aux fidèles euxmêmes. l’Eglise ne peut appliquer que les dispositions de la loi divine.

Ces dispositions mêmes, Marsile de Padoue lui reconnaît seulement le droit de les définir. Tout pouvoir coercitif appartient à l’empereur. L’Eglise fixera donc les règles du droit divin et la juridiction impériale qui, seule, connaît des faits, les appliquera à tous les cas particuliers. Les transgressions de la loi divine, c’est Dieu qui les punira dans l’autre monde. Pour la bibliographie récente sur Marsile de Padoue, cf. Felice Battaglia, Marsilio da Padonae il Defensor Pæis (1324), dans Rivista intcrncuionale di filosofia del diritlo. 1924, p. 398 sq.

La doctrine classique opposait à toutes les entreprises des communes et des monarchies un enseignement ferme qui peut se résumer en peu de mots. L'État est fondé à s’occuper du mariage : In quantum est in officium communitatis, statuitur lege civili, dit saint Thomas, In I 'um Sent., dist. XXXIV, q. i, a. 1, ad 4um et Contra Génies, t. IV, c. 78. Albert le Grand, en termes généraux, a reconnu aussi cette compétence de la loi civi.e. In I Yum Sent., dist. XXVI, a. 1 l.adq.i.A la raison d’ordre politique saint Thomas ajoute une raison proprement juridique : Matrimonium. cum fiât per modum conlrætus cujusdam, ordinationi legis positioa subjacet, sicut et alii conlrætus. In /" m Seul., dist. XXXVI.q.i. a. 5, sol. Mais l’exercice du droit de l'État est subordonné à l’observation de la loi évangélique et a la décision de l'Église. Les scolastiques ne reconnaissent valeur aux lois séculières qu’après leur canonisation. L'État n’a une certaine indépendance que dans la réglementation du régime pécuniaire. Pierre de la Fallu, In JVum SenL, dist. XXVI, a. 3, concl. 3 ; Thomas de Strasbourg, In IY am Sent, dist. XL IL a. 4 ; saint T bornas. In IV m Sent., dist. XL II, q. n.

b) Faiblesses internes : divergences de doctrine : fléau de la clandestinité. — Les attaques des héréti cpies, des États, des publicistes étaient, à la vérité, peu redoutables pour la doctrine, a cause de leur brutalité. Des critiques plus nuancées eussent étéplus efficaces : sur tant de points, la dispute régna entre théologiens, faute de définitions rigoureuses ! Et puis, la notion même du mariage purement consensuel était pleine de risques, à cause du lléau de la clandestinité. Double péril interne qui mérite quelque attention.

a. - La rançon de la remarquable libelle quau Moyen Age l'Église laisse à ses docteurs, c’est l’incertltude de la doctrine sur des points nombreux. Toutes les opinions ont pu être soutenues sur la