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    1. MARIAGE##


MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, LE CONTRAT

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éd. Gaudenzi, dans Bibliotheca juriilica Medii Mvi, l. i, ]). 89 sq. Sur une concordance partielle entre Rogerius et la Summa colon if nais, cf. W. von H8rmann, Desponsalio impuberum, p. 96.

La notion de contrat avait donc été appliquée par le droit séculier et elle était reconnue par les romanistes au moment où se forma le droit des Décrétâtes. Le triomphe de la doctrine de Pierre Lombard devait en favoriser le développement. D’abord, par une sorte de contagion. Les sponsalia de juluro sont un contrat : la force des verbade pressenti serait-elle moindre ? Quand les premiers scolastiques parlent de la pactio conjugalis - terme qu’adopte Pierre Lombard, t. IV, dist. XXVII, c. iv — ils n’entendent certes point lui donner une armature moins robuste qu’aux fiançailles. C'était même le premier avantage de cette notion de contrat qu elle facilitait la réglementation du mariage, en le plaçant dans un cadre solidement établi - pour d’autres figures — par le droit romain : elle avait donc une efficacité juridique et sociale. Cf. Détrez, Mariage et contrat. Étude historique sur la nature sociale du droit, Paris, 1907, p. 134 sq. En outre, elle facilitait l’explication du rôle exceptionnel de la volonté humaine dans un acte spirituel. C’est à ce titre que les théologiens l’ont spécialement invoquée.

Non, cependant, sans quelque hésitation. Albert le Grand nous en est témoin. Dans la distinction XXVII, a. 6, In I' nm Sent., il se demande : pourquoi le consentement est-il requis, par exception, dans ce sacrement de mariage ? Hesponsio ad hoc est, quod istud sacrumentum, ut prius dictum est, consista in quadam commutatione sive contractu ipsius personse contrahentis : talis autem commutatio non potest fieri sine consensu commutantis, sine contrahentis : et ideo in islo et non in aliis requiritur consensus. Tel est l’un des très rares textes d’Albert le Grand où il soit question du contrai ; et l’on voit qu’il ne tient pas fort à ce terme. Saint Thomas l’emploie presque toujours avec des réserves ou des tours embarrassés. Tantôt il signale une analogie : Conjunctio matrimonialis fit ad modum obligationis in contractibus mate riali bus. In IV™"Sent., dist. XXVII, q. i, a. 2, quæst. -1, sol. 2 ; tantôt il admet vaguement que in matrimonio fit contractus, Ibid., quæst. 2 ; tantôt il voit dans le mariage une sorte de contrat : in matrimonio, cum sil quidam contractus, est quædam promissio, per quam talis vir tali mulieri determinatur. IV am Sent., dist. XXXI, q. I, a. 2, ad 2um.

La dénomination de contrat ne s’acclimate donc point sans peine. Et nous écrivons à dessein : la dénomination. Quant au fond, les scolastiques n’ont aucune répugnance à traiter le mariage comme une >orte de contrat. Tous s’accordent à reconnaître que le consentement crée à la fois et des obligations entre les époux et le sacrement. La légère réserve que semble indiquer le langage d’Albert le Grand et de saint Thomas ne porte, que sur la catégorie de l’obligation, le nom qu’il convient de lui appliquer.

Chez les franciscains, le nom de contrat ne semble pas avoir rencontré les mômes résistances. Saint Bonaventure l’emploie à plusieurs reprises sans l’ombre d’une hésitation : ainsi, dans la théorie des conditions, In IV mn Sent., dist. XXVIII, a. un., q. m et à propos du mariage clandestin (cum non potest primus contractas probari…) ibid., q. v, et dans sa conclusion sur le rôle de l’autorité paternelle : Contractus malrimonii débet esse liber nec ordinarie subjicitur prsecepto parentum obligatorio. Dist. XXIX, a. un., q. m.

Le langage de Duns Scot est bien résolu. Pour lui, nous l’avons vii, le mariage est incontestablement un contrat. Opus oxon., dist. XXVI, q. un., n. 8 : dicitur enim contractus, quasi simul tractus duarum voluntatum. Et il le définit : Contractus matrimonii est maris et

/emimej^miilua’jtranslatio corporum suorum, pro usu perprtuo ad, 'procreandam prolem, débite educandam. Ibid., n. 17. L’opinion commune, à partir de la fin du xiiie siècle, adhère à cette conception très nette du contrat.

b) Le mariage est un contrat consensuel. Parfois, pour préciser davantage, les théologiens proposent une assimilation arbitraire et quelque peu dangereuse à tel ou tel contrat.

Ainsi, Duns Scot interprète le contrat de mariage comme une donation mutuelle ou un échange : contractus ille non potest esse nisi muluæ donationis vel permutationis, quod idem est, potestatis corporum pro usu perpétua ad istum jinem. Opus oxon.. dist. XXVI, q. un. ; Report paris, , 1. IV.dist. XXVIII, n. 14. Contractus sine commutatio, dit déjà Albert le Grand.

Beaucoup de théologiens et de canonistes, professant une toute autre opinion, inclinent à considérer le mariage comme un contrat verbal. Obligatio verborum, avait dit Pierre Lombard. Et bien d’autres le répètent : Geoffroy de Trani, Innocent IV, Guillaume Durant… Peut-être faut-il voir dans cette conception l’influence de la pratique séculière : l’usage de la stipulation, c’est-à-dire du contrat verbal, solennel, pour la conclusion des mariages est constaté par les Exceptions Pétri et le Livre de Tubingue. Bonaguida, édit. Wunderlich, p. 189, ii, 7, semble bien indiquer que la stipulation est d’usage courant dans sa région d’Arezzo. Si l’on accepte la conjecture très plausible de Brandileone, la stipulation se serait introduite dans le droit populaire de l’Italie : elle permettait à ces populations, qui ne connaissent point l’usage germanique du mariage conclu devant un officier public, d’assurer à leur mariage une publicité suffisante. En tout cas, les canonistes jusqu’au milieu du xme siècle, insistent sur la nécessité des paroles quand les parties peuvent parler.

Il est probable cependant que seul le souci de la preuve les inspire. Car l’opinion générale est que le mariage se forme solo consensu et appartient donc à la catégorie des contrats consensuels. Hostiensis l’aflîrme énergiquement : …sufficit quod de consensu appareat qualitercumque sicut dicit lex in consimili contracta… locationis et emptionis qui solo consensu contrahilur… Tantôt on le rapproche de la vente, tantôt de la société : assimilations maladroites, mais qui montrent du moins, que l’on ne se méprend point sur la nature du contrat.

Le mariage est donc un contrat consensuel, non point un contrat solennel. Bomanistes et canonistes sont d’accord sur ce point. « Dans le mariage, ni l'écrit ni la solennité ni la dot ne sont nécessaires : ce n’est pas la dot mais Yaflectus matrimonialis qui fait le mariage, le reste est appendice, » écrit Irnerius. loc. cit., p. 141. Placentin († 1192), dont la Summa Codicis est le recueil juridique le plus complet du xii c siècle, cf. P. de Tourtoulon, Placentin, 1896. p. 240, met en relief le même principe, tout en considérant comme légale la deductio in domum. In Librum V 11Il codicis, tit. iv, De nuptiis, Mayence, 1536, p. 197. Mêmes expressions dans Bogerius, op. cit., t. i, p. 92. Au Moyen Age, aucune cérémonie n’est requise par l'Église pour la validité du mariage. Les formalités qu’elle prescrit n’ont d’autre but que de permettre le contrôle des empêchements et de fournir la preuve du contrat.

On ne pourrait être, davantage, tenté de comparer le mariage aux contrats réels. La copula carnalis ne contribue en aucune mesure à la formation du lien. Son rôle a été précisé par la doctrine. Saint Thomas l’explique ainsi : … duplex est integritas. Una quæ utlenditur secundum perjectionem primam, quæ consistil in ipso esse rei : alia quæ attenditur secundum perjectio