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MARIAGE. FORMATION DE LA DOCTRINE CLASSIQUE


particulièrement quant à son efficacité, était si généralement admise au xive siècle, que la réaction contre les opinions de P. olive et de Durand fut énergi queinent entreprise, notamment par Pierre Auriol († 1322) et par Pierre de la Pallu († 1342) dont les Commentaires sur les Sentences ont joui d’un grand crédit. Au contraire, ies hésitations de Duns Scot sur la forme du sacrement ont été recueillies par bon nombre de ses disciples, dans la période qui nous occupe, depuis Jean de Bassoles († 1347) jusqu'à Guy de Briançon († 1185) ; nous aurons à étudier cette tradition et les curieuses conséquences qu’elle a entraînées pour la détermination du ministre du mariage. En cette matière, comme en tant d’autres, saint Thomas et Duns Scot sont les deux grands inspirateurs des scolastiques de la dernière période.

A partir du milieu du xive siècle, les théologiens ne professent guère d’opinions nouvelles sur le mariage, mais il serait injuste de dénier toute valeur à leurs exposés. Si beaucoup d’entre eux n’ont d’autre titre à notre attention que le témoignage qu’ils portent de l’opinion commune, il en est plusieurs qui ont eu le mérite d’approfondir divers points de la doctrine : les analyses d’un Guillaume de Vaurouillon († 1461) ou d’un Tataretus († 1494), par exemple, ne sont pas sans force. Le premier, dont le Commentaire est de 142930, bien qu’il n’ait point le génie de saint Thomas ou de Duns Scot, suit une méthode et montre une pénétration qui en font l’un des auteurs représentatifs et intéressants de la fin du Moyen Age ; cf. F. Pelster. Wilhelm von Vorillon, ein Skotistdes.XV Jahrhunderts, dans Franziskanische Sludien, 1921, p. 48-66.

Mais combien rares sont, entre 1350, et 1500, les exposés du mariage qui offrent quelque véritable nouveauté ! On se borne à transcrire des opinions, parfois pour les juger, comme fait Caprœolus, soave-.l sans l’originalité qu’il faut pour choisir. Denys le Chartreux n’est point sur ce chapitre plus personnel que saint Antonin de Florence, ni Pierre d’Ailly que Gerson. Le Traité du mariage est provisoireme t arrêté.

Il prend dans certaines œuvres un caractère avant tout pratique : ainsi dans la Somme théologique de saint Antonin de Florence, pars IIP, tit. i, et dans le Trnctatus sacerdotalis de Nicolas de Blony (de Plowe) qui eut un si grand succès : onze fois, au moins, il fut édité à Strasbourg, dans les premiers temps de l’imprimerie.

Le tableau que nous avons dressé ne comprend pas tous les grands noms du Moyen Age, ni la majorité de ceux que nous avons dû consulter. Cela tient, mis à part les oublis involontaires, au fait que plusieurs théologiens remarquables n’ont point étudié le mariage avec l’ampleur ou la profondeur que l’on trouve en d’autres parties de leur œuvre, ou même ne s’en sont point occupés. La première raison vaut par exemple pour Pierre de Poitiers et Alain de Lille, Bichard Fitsacre et Bobert Kilwardby, François de Meyronnes et Henri de Gorcum, que nous aurons cependant l’occasion de citer ; la deuxième, au moins pour les éditions que nous avons pu consulter, est vraie de B. Holcot et de G. Occam. On sait que Biel n’a point achevé son Commentaire sur les Sentences et que le Traité du mariage est dans le Supplementum de son disciple Wendelin Steinbach. Combien d’observations importantes ne conviendrait-il pas de faire, dans une étude complète des sources, sur la part des maîtres dans les Commentaires qui nous sont parvenus et les diverses formes de ces Commentaires. Voir, par exemple, les récents travaux de Michalski.

Les deux ordres qui ont le plus contribué au développement de la doctrine du mariage sont les prêcheurs et les mineurs. Les autres ordres ont fourni aussi leur

contribution, avec, nous semblc-t-il, une tradition moins originale et moins suivie : mais il nous reste encore beaucoup à apprendre sur leurs travaux, cl notamment sur leurs Commentaires des Sentences. Voir pour les carmes les belles études, toutes récentes, de Xiberta, et sur l’augustin Thomas de Strasbourg, que nous aurons à citer, l’article de N. Paulus, Der Augustinergeneral Thomas von Slrassburg, dans Arrhin jiir elsasissche Kirchengeschichte, 1° année, 1926, p. 49-66.

Les monographies consacrées au mariage par des théologiens sont rares, d’un intérêt secondaire cl presque exclusivement juridiques. On peut citer celles de Bobert de Sorbon, De matrimonio, dans les Notices… de Hauréau, Paris, 1890, p. 180 sq. ; Jean de Capistran († 1456), De quodam matrimonio, dans Tract, unir, juris, t. ix, fol. 77 sq. ; Jacques Almain († 1515). De psenitentia et matrimonio, Paris, 1526.

L’histoire de l’exégèse des textes scripturaires relatifs au mariage n’a point tout l’intérêt que l’on pourrait supposer. Les sondages que nous avons faits, notamment dans les Commentaires de la Première aux Corinthiens, n’ont point donné de résultats appréciables. Cependant, il y a là une source qu’un historien de la doctrine du mariage ne saurait négliger.

Les moralistes ont, naturellement, consacré au mariage une bonne part de leur activité. Trois catégories d’ouvrages, surtout, méritent examen : les ouvrages de morale et d’ascétique, les ouvrages de théologie et de casuistique à l’usage des confesseurs, les sermons. Chacune de ces catégories appelle de brèves observations.

Les Sommes ou Livres des Vertus et des Vices, les Traites de la conduite de la Vie sont nombreux dans notre période : Jean de la Bochelle, Guillaume Pérauld, Jean de Galles… La liste serait longue des auteurs à consulter et dont nous n’avons feuilleté que de rares chapitres.

E. Jordan faisait remarquer, dans un article paru voici quelques années, combien serait intéressante l'étude des ouvrages destinés aux confesseurs. Ils nous apprendraient sur quelles questions était attirée la réflexion des époux, au tribunal de la pénitence, dans quelle mesure s’exerçait le contrôle de l'Église en ce domaine aujourd’hui réservé. Sans doute, il resterait à savoir comment les confesseurs usaient de leurs Questionnaires. Il y a lieu de croire que tant de Manuels pratiques n’ont point été composés sans but et sans effet. Et nous savons que les prédicateurs invitaient les confesseurs à faire aux époux des recommandations très précises qu’eux-mêmes ne pouvaient adresser à un grand auditoire. L'étude des ouvrages de casuistique nous apprendrait quelles difficultés se présentaient ou étaient imaginées, quelle application ont reçu les principes généraux de la théologie. Notre enquête, sur ces points, a été trop limitée pour que nous puissions écrire le chapitre d’histoire religieuse et morale dont nous signalons l’intérêt, et auquel introduiraient déjà bien des ouvrages sur la pénitence, que l’on trouvera cités, par exemple, dans les notes du P. Schmoll, Die Busslehre der Friïhscholastik. Munich, 1909, des chapitres de B. Stintzing et de E. Michaël, des articles spéciaux comme celui de .). Dieterlé, Die Summse confessorum (sive de casibus conscientiœ) von ihren Anfangen biszu SilvesterPrierias. dans Zeitschrift fur Kirchengeschichte, 1903, t. xxiv, p. 520 sq.

Les serinons pour le second dimanche après l’Epiphanie, où on lit l'Évangile des noces de Cana, sont remplis de considérations sur la dignité et la sainteté du mariage : quelques-uns comme ceux de Nider, de Biel, sont justement appréciés. Beaucoup d’autres ont été imprimés. et les inédits sont nombreux. Sur la