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MARIAGE. LA RENAISSANCE DU DROIT


du concubinat. Elle suffit pour la créât ion du lien : la volonté des époux fait le mariage : Consensus facit nuplias, répètent plusieurs textes célèbres et notamment Diy., l, 17, 30 (Ulpien) el Cod. Just., v, 17, 8.

Les historiens modernes se demandent si cette maxime a le même sens en droit romain et en droit canonique. Selon A. von Scheurl, op. cit., p. 11, elle exprime, à Rome, que la constitution d’un ménage, avec l’intention manifeste de réaliser une union matrimoniale est nécessaire et suffisante pour qu’il y ait mariage. Selon Seliling, Die Unlersclieidung…, le simple accord des volontés, suffirait, sans aucun signe de vie commune.

La plupart des romanistes conviennent en un point ; l’accord des volontés qui fait le mariage ne constitue pas un contrat, car il n’a pas pour but immédiat de produire des obligations, mais de réaliser le consortium, la vie commune. La loi, et non la volonté des parties, fixe les conséquences de ce consortium. Le mariage romain n’est donc pas un contrat consensuel. On ne peut davantage le considérer comme un contrat réel dont la femme serait l’objet. Il est un état réalisé par l’accord des parties et réglementé par la loi. L. Desforges, Étude historique sur la formation du mariage en droit romain et en droit français, Paris, 1887, p. 54-59. « C’est une institution morale et sociale d’où dérivent de notables conséquences juridiques et sous ce rapport, et aussi parce que pour sa subsistance un animus constant est nécessaire, on peut comparer le mariage à la possession. Dans la doctrine classique du postliminium, il figure encore parmi les res facli, non parmi les res juris. » Ainsi s’exprime Ferrini, Pandette, 3e édit., 1917, p. 869 sq. La nécessité de cette disposition permanente de l’esprit des époux donnerait au mariage consensuel du droit romain une ligure bien différente de celle du mariage consensuel qui sera reconnu et consacré par l'Église. Peut-être y a-t-il dans cette interprétation de la permanence du consentement requis en droit romain une pointe de subtilité.

Du consentement actuel qui fait le mariage, les Romains distinguent l’engagement de conclure ultérieurement le mariage c’est-à-dire les fiançailles : distinction de grande importance pour l’histoire du droit canonique, mais qui ne se conserva point avec sa pureté primitive dans les usages médiévaux.

Pour la validité du mariage, outre le consentement des époux, est requis le consentement des personnes sous la puissance de qui ils sont placés et qui, dans le très ancien droit, étaient les seuls auteurs du mariage. Un texte dont la forme et l'âge sont discutés, Dig., xxiii, 2, 19, autorise la personne en puissance à en appeler au magistrat quand les parents s’opposent au mariage et à requérir de lui l’autorisation nécessaire. Dans certains cas où le père de famille est hors d'état de donner son consentement, le mariage peut cependant avoir lieu. Le fondement de l’autorisation du père, c’est la puissance ; l’idée de protection n’apparaît que dans le mariage de la femme sui juris. Girard, Manuel de droit romain, 7e édit., 1921, p. 163 sq.

Aucune solennité ne semble requise : ni cérémonie religieuse, ni formalité légale. L’usage des cérémonies religieuses s'était maintenu, en dépit de l’affaiblissement des croyances, mais elles ne constituent pas un élément juridique nécessaire à la perfect ion du mariage. Si… pompa… aliaque nuptiarum celebritas omittatur, nullus œstimel ob id déesse recte alias inito matrimonio lirmitatem…, dit une constitution célèbre de Théodose et Valentinien (a. 428). Cod. Just., v, 4, 22. Des tabulée nuptiales sont souvent rédigées, mais elles ne sont point indispensables. Cod. Just., v, 4, 9 (Probus) et Dig., xx, 1, 4 (Gaius). Elles sont parfois rédigées après le mariage. Dig., xxiv, 1, (56 (Screvola). L'écrit ne

fait point le mariage, dit Paplnien, Dig., xxxix, 5, 31, pr. El il n’exclut point la preuve contraire. Cod.

Just., v, 4, l.'i. Disposition pratique : car les mariages simulés n'étaient point rares, notamment entre personnes qui voulaient tourner les lois caducaires. La rédaction d’un instrumentum dotale est exigée dans certains cas par le droit de Justinien ; mais ce sont des cas exceptionnels. La règle générale (caractère facultatif de l' instrumentum dotale) est affirmée dans plusieurs textes qui maintiennent, en face du droit gréco-égyptien, la tradition romaine. E. Costa, Storia del diritto romano privalo, 2e édit., 1925, p. 31 sq.

Un long débat s’est engagé sur l’importance de la deduclio uxoris in domum mariti, qui est une des trois cérémonies, peut-être la plus importante, de l’ancien mariage sacré et qui s’est maintenue à l'époque classique. On a relevé que le mariage d’un absent n’est valide que si la femme a été conduite dans sa maison. Dig., xxiii, 2, 5 (Pomponius) et qu’une constitution des empereurs Valentinien et Valons, Cod. Theod., vii, 13, De tironibus, G, qui exempte de la capitation les femmes des soldats ayant accompli cinq ans de service, précise qu’il ne s’agit que des femmes deductæ. Il est permis de penser que, dans ce dernier cas, on a voulu éviter des fraudes, dans le premier, des doutes sur la formation du lien. Dans les deux cas, on conçoit que la preuve du mariage a une importance singulière : peut-être la deduclio in domum mariti constitue-t-elle la publicité indispensable. Desforges, op. cit., p. 46-48. D’autres textes, cependant, semblent plus catégoriques, et considérer le mariage comme accompli au moment précis de la deduclio. Cod. Just., v, 3. 6 (Aurélien) ; Dig., xxxv, 1, 15 (Ulpien) ; cf. A. von Scheurl, Consensus facit nuptias, dans Zeitschrift fur Kirchenrecht, t. xxii, p. 269 sq.

On se demande encore si la cohabitation était nécessaire pour la permanence du mariage romain. Certains auteurs considèrent que les Romains ne pouvaient concevoir le mariage sans vie commune ; cf. A. von Scheurl, op. cit. L’opinion contraire s’appuie principalement sur Dig., xxiv, 1, 32, 13. En tout cas, et ceci est capital, le mariage peut fort bien exister et subsister sans que des relations sexuelles s'établissent entre les époux. Nuptias non concubilus, sed consensus facit. Cette règle a des conséquences importantes : la possibilité du mariage malgré l’absence du mari, et qu’une femme dont le mari meurt avant de l’avoir connue, a cependant la condition de veuve. Dig., xxiii, 2, 7.

Toutefois, l’un des buts principaux du mariage est la procréation. On le conclut généralement liberorum quærendorum causa. En plusieurs passages de ses œuvres, saint Augustin mentionne que ces expressions se rencontrent dans les tabulée nuptiales. Le nom d’u.vor procreandorum liberorum causa était spécialement donné à la femme mariée sans manus. Labbé. Du mariage romain et de la manus, dans Nouv. revue hist. de droit…, 1887, p. 19. Mais ce but n’a plus la même fonction morale sous l’Empire que dans la famille primitive dont l’objet était d’assurer la perpétuité du culte. Fustel de Coulanges, La cité antique. A l'époque classique et à Byzance, le but principal du mariage est de réaliser le consortium. — L’absence de cérémonies pouvait rendre difficile la preuve du mariage. Plusieurs constitutions ont eu pour objet d’assurer la publicité. Nous avons dit qu’un écrit est souvent rédigé. A défaut d'écrit, la preuve testimoniale peut être invoquée et aussi la possession d'état. Cod. Just., v, 4, 9. — Les textes romains contenaient, enfin, toute une théorie des empêchements et des vices du consentement que les canonistes ont utilisée. Sur un point essentiel ils étaient en opposition flagrante avec les principes du mariage chrétien ; Us énumèrent un