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    1. MARIAGE DANS LES PÈRES##


MARIAGE DANS LES PÈRES. LE SACREMENT

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sur les données script maires où l’idée de grâce n'était qu’implicitement contenue. De la pensée des Pères à

la doctrine des théologiens, il n’y a qu’un pas à faire, important pour nous, niais sans portée pratique pour les époux qu’ils voulaient surtout instruire de leurs devoirs, à savoir l’affirmation que la grâce de Dieu est produite par le mariage lui-même et non seulement donnée à son occasion.

Ici encore les textes seraient nombreux et concordants. Qu’il suffise de citer les suivants comme particulièrement intéressants. Tertullien voit dans la grâce divine une garantie contre les malheurs qui menaceraient les époux : Si ralum est apud Deum malrimonium hujusmodi, cur non prospère cedat, ut et a pressuris et angustiis et impedimentis et inquinamenlis non ita lacessatur, jam habens ex parte divines gratine patrocinium. Ad uxorem, ii, 7, P. L., t. i, col. 1299. Il revient sur la même idée avec plus de détails encore : Unde su/ficiamus ad enarrandam félicitaient ejus matrimonii, quod Ecclesia conciliât, et confirmât oblatio, et obsignat benediclio, angeli renuncianl, Pater rato habet ? Puis, après avoir décrit la vie pieuse et unie des deux époux, il continue en montrant ce qui en est la raison et le couronnement, la présence du Christ, c’est-à-dire en réalité sa grâce : talia Christus videns et audiens gaudet, his pacem suam mittit ; ubi duo, ibi et ipse ; ubi et ipse, ibi et malus non est. 9, col. 1302 sq.

— Origène enseigne que c’est Dieu lui-même qui unit les deux époux et qu'à cause de cela « la grâce est en eux ». Comm. in Matth., xiv, 16, P. G., t. xiii, col. 1230.

— Saint Athanase, dans sa lettre au moine Amoun, compare mariage et virginité ; celui qui se marie, dit-il, « ne recevra pas autant de grâces ; il en recevra pourtant ; c’est le grain qui rapporte trente pour un. » P. G., t. xxvi, col. 1173, 1174. — Saint Ambroise rappelle aux chrétiens mariés qu’ils doivent rester fidèles à leurs épouses ; et il en donne cette raison : Cognoscimus velut præsulem custodemque conjugii esse Deum qui non patiatur alienum torum pollui ; et si quis fecerit, peccare eum in Deum cujus legem violet, gratiam solvat. Et ideo, quia in Deum peccat, sacramenti cœlesiis amittit consortium. De Abraham, I, vii, P. L., t. xiv, col. 442.

Malgré l’imprécision des formules, il y a donc un fait dont les Pères ne doutent pas, c’est que le mariage chrétien assure aux époux des grâces afin qu’ils restent fidèles à leur devoir.

3° Le mariage chrétien, symbole de l’union du Christ avec son Église. — Ce symbolisme mystérieux a été très souvent rappelé par les Pères ; mais ils n’en ont pas tiré les conséquences auxquelles on aurait pu s’attendre. D’ordinaire ils ne creusent pas cette idée plus que ne l’avait fait saint Paul ; ils se contentent de faire une allusion au texte de l’Apôtre ou tout au plus de citer ses expressions, sans en déduire autre chose que la sublimité du mariage chrétien. Cette remarque a déjà été faite par P. Pourrat, La théologie sacramentaire, Paris, 1907, p. 20. Elle est exacte tout spécialement pour Tertullien, un des Pères qui se réfère le plus fréquemment au texte de l'Épître aux Éphésiens : des passages qu’a relevés chez lui le P. de Backer, dans le bel ouvrage qu’a publié le P. de Ghellinck, Pour l’histoire du mot sacramentum, I, Les anténicéens, Louvain, 1924, p. 125 sq., il n’en est pas un qui essaie de creuser l’affirmation de saint Paul dans le sens qui nous intéresse. Le très beau commentaire de saint Jean Chrysostome, In epist. ad Ephes., c. v, hom. xx, P. G., t. lxii, col. 135 sq., commentaire un peu prolixe, selon l’habitude du grand orateur, aboutit simplement à des conséquences morales, aux vertus que doivent pratiquer les époux, aux devoirs qui leur incombent, à la place respective qui leur revient au foyer. Aucune préoccu pation dogmatique ne transparaît non plus, du moins relativement au mariage, dans VAmbrosiasler. P. L., t. XVI, col. 398, 399. Saint. Jérôme insiste a plusieurs reprises sur la sainteté du mariage qui a pu être comparé à cette divine union ; saintes doivent être les relations entre époux, puisque sainte est l’union du Christ avec son Eglise ; la passion ne doit pas les dominer ; la prière doit les purifier, cf. Comm. in epist. ad Ephes., t. III, c. v, P. L., t. xxvi, col. 530-">.'l7. De tous les Pères, c’est sans doute saint Augustin qui a davantage développé le caractère symbolique du mariage, et ses aperçus furent très féconds pour le progrès de la doctrine de ce sacrement ; il en est le principal artisan à l'époque patristique ; l'étude de sa pensée viendra mieux à sa place quand nous exposerons l’emploi qu’il a fait du mot sacramentum appliqué au mariage.

4° Le mariage célébré devant l'Église. — Si évident était le caractère sacré du mariage, que, de très bonne heure, l'Église voulut intervenir et intervint de fait dans sa célébration. La bénédiction qu’elle accordait aux époux, les cérémonies dont elle accompagnait leur union était un gage des grâces accordées par Dieu. Il n’est sans doute pas besoin de souligner que la question du ministre du mariage était en dehors des préoccupations : le prêtre bénissait les époux, il appelait sur eux la grâce de Dieu et la grâce leur était donnée : c’est ce qu’affirmaient les Pères, ce que signifiaient les formules rituelles, ce que les fidèles croyaient et espéraient.

Le premier témoignage de l’intervention de l'Église dans le mariage est celui de saint Ignace : « Il serait bon, dit-il, que ceux qui se marient, tant hommes que femmes, ne contractassent leur union qu’avec l’approbation de l'évêque ; car c’est la pensée de Dieu qui doit présider aux mariages et non la passion. Tout pour la gloire de Dieu. » Ad Polycarp., v, 2, édit. Lelong, Paris, 1910, p. 102, 103. Le saint évêque exprime un désir ; la pratique qu’il recommande était sans doute déjà en usage chez les chrétiens fervents ; il voudrait qu’elle devînt générale. De fait elle ne tarda pas à se répandre. — Tertullien, en effet, s’exprime comme s’il était de règle que les mariages chrétiens fussent conclus devant le prêtre et bénits par lui. Ce qui, pour lui, caractérise le mariage que Dieu protège, c’est que l'Église le noue, et que la bénédiction sacerdotale le scelle sur la terre en même temps que le Père le ratifie au ciel : Ecclesia conciliât, … obsignat benedictio. Ad uxor., ii, 9, P. L., 1. 1, col. 1302. Dans son traité De monogamia, un des arguments par lesquels il veut persuader à sa femme de ne pas se remarier est celui-ci : comment pourrait-elle demander ce mariage, quand ceux à qui elle le demanderait (a quibus postulas) ne peuvent, d’après saint Paul, avoir été mariés qu’une fois ? C’est donc que les époux vont demander le mariage aux prêtres ; et ceux-ci le donnent : « Les ministres donneront donc des hommes et des femmes comme on donne des bouchées de pain ? Ils vous marieront, vous, dans l'Église vierge, , unique épouse du Christ unique ? C. xi, P. L., t. ii, col. 943.

En quoi consistait cette intervention de l'Église et quelles étaient les cérémonies dont elle entourait le mariage ? Le rituel en fut assez vite fixé, du moins dans ses parties essentielles. Saint Ambroise paile de la velatio et de la benedictio ; écrivant à Vigilius pour lui indiquer les devoirs qu’il devra remplir comme évêque, il lui recommande de veiller à ce que les chrétiens ne se marient pas avec des païennes, ou inversement, et il donne cette raison : nam cum ipsum conjugium velamine sacerdotali et benedictione sanctifleari oportet, quomodo potest conjugium dici ubi non est fidei concordia ? Epist., xix, 7, P. L., t. xvi, col. 984.