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MARIAGE DANS L'ÉCRITURE. SACIiAM E.XTIJM MAfJ.XUM


l’aimant Jusqu'à se sacrifier afin qu’elle soit plus belle. Et la femme, ce sera l'Église recevant du Christ la vie et la direction et lui obéissant en toutes choses. » Modèle sublime pour l’un et pour l’autre des époux chrétiens ! L’Ancien Testament employait volontiers l’allégorie du mariage pour rendre sensible l’union intime, unique en son genre, qui existait entre Jéhovah et la race élue ; saint Paul, lui, veut que l’union encore plus étroite du Christ avec son Église serve de règle et.de mesure à l’intimité du lien conjugal. » F. Prat. La théologie de saint Paul, t. ii, p. 398, 399, Paris, 1925.

Le but de saint Paul n’est pas directement d’affirmer le caractère symbolique du mariage ; ce qu’il veut, c’est proposer aux époux un modèle à réaliser, il ne part pas du mariage comme d’une chose connue qui l'élève à la contemplation d’une chose inconnue dont le mariage serait le signe ; il invite les époux à fixer les yeux sur une réalité supérieure qu’ils connaissent, bien qu’elle soit mystérieuse, pour la reproduire dans leur vie. Ce n’est pas une allégorie qu’il développe ; c’est une exhortation morale à réaliser, un idéal surnaturel. Les Pères se sont-ils donc trompés quand ils ont vu dans le texte de l'Épître aux Éphésiens l’affirmation du caractère symbolique du mariage ? Nullement. Car la pensée de l’Apôtre y conduit. Du fait que l’union mystique du Christ avec l'Église est le modèle des mariages chrétiens, il résulte que ceux-ci doivent reproduire celle-là : et donc le mariage, compris et pratiqué comme il doit l'être par des fidèles, sera la représentation de l’union du Christ avec son Église. L’interprétation traditionnelle n’ajoute rien à la pensée de saint Paul : elle la complète ; elle lui donne la conclusion à laquelle logiquement cette pensée même se termine.

On ne peut nier en tout cas que, dans tout ce passage, l’Apôtre affirme la sainteté du mariage et nous en donne la plus haute idée qui soit possible. Loin de discréditer l’union conjugale, il l’ennoblit à l’infini en lui trouvant une ressemblance avec cette union sainte et sanctifiante du Christ avec l'Église.

2. Le mariage, sacrement. — Le symbolisme sacré du mariage est à la base de la doctrine de l'Église qui place le mariage au nombre des sept sacrements institués par Notre-Seigneur Jésus-Christ. De son institution, on ne trouve aucune trace dans l'Évangile, aucune preuve convaincante dans les Épîtres. Le concile de Trente a reconnu cette absence de preuves scripturaires quand, dans son court exposé de la doctrine du mariage, après avoir affirmé que le Christ en a rétabli l’unité et l’indissolubilité, il ajoute : Graliam vero, quæ naturalem illum amorem perficeret et indissolubilem unitatem confirmaret conjugesque sanctificaret, ipse Christus venerabilium sacramentorum instilulor atque per/ector sua nobis passione promeruit. Quod Paulus Apostolus innuit, dicens : « Viri, diligile… » moxque subjungens : « Sacramentum hoc magnum est, ego autem dico in Christo et in Ecclesia. » Sess. xxiv, Doclrina de sacramento matrimonii. DenzingerBannwart, n. 969. Pour le concile les preuves de l'élévation du mariage à la dignité de sacrement se trouvent donc ailleurs que dans l'Écriture : saint Paul n’a donné à ce sujet qu’une insinuation, innuit.

Cette pénurie des preuves scripturaires déconcerte au premier abord, surtout quand on songe aux renseignements précis et abondants qui existent sur d’autres sacrements. Elle ne saurait étonner quiconque connaît le caractère fragmentaire des Évangiles, ou se souvient que les Épîtres sont des écrits d’occasion et non un exposé complet du dogme chrétien, quiconque surtout sait le rôle de la Tradition comme source de la révélation. Par la Tradition, l'Église vivante conserve des vérités directement enseignées par Jésus ou les

apôtres, développe ce qui n'était qu’implicite dans l'Écriture, explique et complète ce qui y était obscur ou incomplet, accroche, aux pierres d’attente que lui offre l'Écriture, un édifice doctrinal où se retrouve intégralement l’enseignement divin :.Jésus continue a vivre dans son Kglise et l’assiste de son Esprit pour que, dans ce travail d'élaboration, elle demeure l’interprète fidèle et infaillible de sa pensée. Cette concept ion du rôle doctrinal de l'Église et de la valeur de la Tradition comme source de révélation au même titre que l'Écriture immobile est une des choses qui distinguent le catholique du protestant.

A cette raison générale s’en ajoute une autre, spéciale au sacrement de mariage. Ce sacrement a, en effet, ceci de particulier qu’extérieurement il n’est autre chose que ce qui a été accompli de tout temps, sans qu’aucun rite spécial au christianisme vienne le modifier. Les autres sacrements, au contraire, étaient nouveaux de tous points ; leui réception était une marque extérieure caractérisant la vie chrétienne ; et parce qu’ils étaient une nouveauté, il fallait que Jésus et les Apôtres les fissent connaître avec plus ou moins de détails. Pour le mariage, ce qui importait à la vie des fidèles, c'était l’obligation de sainteté qui s’imposait à eux, et c'étaient aussi les lois d’unité et d’indissolubilité que Jésus-Christ avait rétablies ; en face de ces devoirs nouveaux et spéciaux au mariage chrétien, ils savaient que les grâces de Dieu ne leur manqueraient pas. Mais que ces grâces leur soient données par l’intermédiaire d’un sacrement qui les produisît ex opère operato, c'était une doctrine qui avait peu d’importance pratique, qu’ils auraient comprise difficilement, sur laquelle par conséquent il n’est pas étonnant que ni Jésus ni saint Paul n’aient attiré spécialement leur attention.

Est-ce à dire que l'Écriture ne nous donne aucune indication sur cette doctrine ? Nullement. Elle ne la formule pas ex projesso ; elle ne contient aucun texte duquel nous puissions conclure avec certitude que Jésus ait institué le sacrement de mariage ou que Paul l’ait connu ; mais nous y trouverons des indications, et comme des pierres d’attente ; et en constatant leur présence, nous pourrons légitimement conclure que l'Église, en enseignant cette doctrine, non seulement ne dit rien qui contredise l’enseignement du Christ, mais au contraire l’achève en pleine conformité avec les données incomplètement transmises par l'Écriture.

Ces pierres d’attente, ce sont d’abord les textes où Jésus et saint Paul imposent aux époux chrétiens des obligations pénibles que d’autres n’ont pu supporter. Lorsque Jésus veut rendre au mariage son unité et son indissolubilité, il place le mariage chrétien à une hauteur où n’ont atteint ni les païens ni les juifs ; et il en résulte des devoirs qui paraissent au-dessus des forces humaines. La preuve en est que les apôtres concluent : mieux vaut ne pas se marier. Matth., xix, 10. Il faudra donc aux époux des grâces spéciales pour porter un joug humainement intolérable. Et sans doute Jésus ne dit pas que ces grâces seront données par un sacrement ; mais puisqu’elles seront nécessaires dans tout mariage, et non seulement en des cas exceptionnels, puisqu’il s’agit non d’un état de choix réservé à certaines âmes, mais d’un état qui est la condition commune et normale des âmes sans vocation spéciale, on n’est pas étonné d’entendre l'Église nous apprendre que Jésus a attaché ces grâces au mariage lui-même dont il a fait un sacrement.

Mais c’est surtout le texte que nous avons cité de l'Épître aux Éphésiens, v, 22, 33, qui forme la plus évidente des pierres d’attente auxquelles l'Église accrochera le dogme du sacrement de mariage. Le concile de Trente ne cite que ce texte comme indication