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MALEBRANCHE, ' PHILOSOPHIE ET LA RELIGION


loh équivoque, citons un exemple. Il déclare quelque part que c’est 1. » même Sagesse qui parie Immédia tentent par elle-même. » ceux qui découvrent la vérité dans l'évidence des raisonnements, et nui parle par les saintes Écritures a ceux qui ou prennent bien

le sens.. Comment ne pas redouter qu’il y ait iei

une confusion îles deux ordres, par une secrète exaltation île la nature Jusqu’au niveau île la grâce toutefois, le malaise qu’on éprouve à lire de pareils textes est corrigé par la bonne impression que laissent d’autres déclarations de l’auteur. Car, il revient à des

formules d’où il semble résulter quil n’est pas réel

lement tombé dans l’erreur qu’on serait parfois tente de lui imputer. Mais nulle part, il n’a proposé des rapports de la nature et de la surnature une expll cation exempte de toute ambiguïté.

Et si. de temps a autre, il exalte trop la nature, dans d’autres cas, il diminue l’ordre surnaturel. - revenons ici, pour l’envisager sous un autre aspect, a un point déjà touebé précédemment, celui

de la distribution de la uràee. l.a théorie que Maie

branche professe à cet égard n’amoindrit pas seulement le l'.hrist comme rédempteur : elle porte encore

atteinte a toute l'économie de la religion et. par conséquent, a Dieu lui-même. Oui. en principe, la bienveillance divine ne refuse le salut à aucun être de bonne volonté, (.'est fort bien. Mais les déficiences de l’exécution rendent pratiquement Ine ff ic ac e, pour

un grand nombre, la volonté salvifique de Dieu le Père. I.a disponsation des uràces actuelles affecte un caractère non seulement limité, mais encore arbitraire ; non seulement contingent, mais encore fortuit. I.e nombre des élus est Inévitablement et. disonsle. injustement restreint. Car. il est réduit pour des raisons extrinsèques. Ce sont des causes étrangères a la responsabilité véritable des individus qui y mettent des bornes. De telles vues ne sont pas d’un bon théologien. Kilos ne sont pas davantage « l’un vrai philosophe. Elles vont a rencontre du succès de la tentative de rapprochement entre la foi et la raison opérée par Malebranche.

us l’aimons mieux quand, pariant du fond de ine, il écrit dos phrases comme celle-ci : « Je ne croirai jamais que la vraie philosophie soit opposée a la foi et que les bons philosophes puissent avoir des sentiments différents des vrais chrétiens. Y I Entretien sur la métaphysique. C’est par la conviction qui a dicté ces lignes qu’il a rendu un immense service. Les intentions de Descartes n'étaient pas mauvaises ; la sincérité de sa foi personnelle ne semble pas discutable. Mais, objectivement, son entreprise allait à ruiner le crédit intellectuel de la Révélation. Klle en détruisait de fond en comble la valeur spéculative. Kilo coupait le monde de la foi de sa relation nécessaire avec le monde de la science ou même de la simple intelligibilité. Et, par la. elle exposait la pensée chrétienne au péril très grave d’une sorte de naufrage philosophique. Encore une fois, c’est Maie branche qui, au lendemain même de la mort de Descartes, a paré le premier à ce danger. Il a essayé de faire servir la philosophie au bien do la religion, et la religion au profit de la philosophie Dans la réalisation de ce programme, il a commis plus d’une faute. Mais il a néanmoins rendu des services et il on rend encore. Il reste un témoin du Christ et de l'Église dans des milieux de haute spéculation où des œuvres doctrinalement plus sûres, mais rationnellement moins séduisantes que la sienne, n’ont pas d’accès. Et surtout il a tracé le programme d’une collaboration proprement dite de la raison et de la foi. Il a montré que le mystère du Verbe Incarné pouvait devenir un point de convergence pour la philosophie bien comprise et la religion bien expliquée. Sachons lui gré

de cette conception qui est à retenir et à reprendre,

Appliquée dans îles conditions meilleures, elle i l’avenir pour elle. Car, s’il y a une foi qui cherche.1 Comprendre, il J a aussi une raison qui a besoin d< croire. Cet aveu d’un déficit de la nature qui' Pin

croyance hésite a faire, les successeurs <ie Maie branche contribueront a le lui arracher. Alors, la foi qui cherche l’intelligence voua venir au devant d’elle l’intelligence qui cherche la foi. L’intellectus quærens fldem viendra rejoindre la /ides qusrrens tntellectum. C’est de cette rencontre que sortira une

philosophie vraie et enrichie de nouveaux apports.

Quant au séparatisme, il esi condamné par son Impuissance même : il n’a produit que des fruits de mort. Longtemps avant qu’il étale sous nos yeux ses conséquences néfastes, Malebranche avait clairement aperçu qu’il ne pouvait pas aboutir.

VI. Vu : D’ENSEMBLE SUR l.'ua vui ; BT LE RÔLE m

Malebranche, Nous connaissons déjà le premier

caractère de la philosophie de Malebranche qui est la complexité. Nous avons vu qu’elle emprunte les éléments qu’elle utilise à des sources multiples et diverses. De ces emprunts, le plus souvent, l’autour n’a pas conscience, car il a le sentiment justiiié d'être à certains égards autodidacte. Et, en effet, systématique au plus haut degré, il construit pour son compte une synthèse qui apparaît tout d’abord comme une résultante irréductible à ses composantes. Mais la philosophie que nous venons d'étudier a cependant un troisième caractère : complexe et systématique. elle reste foncièrement hétérogène. Elle n’est pas son lement complexe, elle est encore composite, et le caractère systématique qu’elle revêt ne saurait mas quer le défaut d’homogénéité dont elle souffre. La belle unité qu’elle présente est beaucoup plus apparente que réelle. Elle laisse subsister la nature disparate des facteurs auxquels elle fait appel. lit les artifices combinés d’une rigueur géométrique et d’un art subtil ne sauraient cacher l’imperfection de certaines soudures aux esprits dont les exigences eon crêtes refusent de se laisser prendre aux mirages d’une idéologie abstraite. — Tel nous apparaît le maie branchisme. Trois mots le résument : complexité, systématisation, hétérogénéité.

En présence d’une telle œuvre, un travail d’analyse historique s’impose pour assigner à chaque ingrédient philosophique, si nous osons dire, l’origine qui lui est propre. On verrait alors que, dans cotte élaboration savante, il y a bien autre chose que de PaugUStinisme et du cartésianisme. Nous nous sommes déjà expliqué nettement là-dessus : nous n’avons pas à y revenir.

Un autre point doit présentement attirer notre attention : c’est la transformation profonde que le grand métaphysicien de l’Oratoire fait subir aux éléments doctrinaux qu’il utilise. Ce n’est pas seulement à propos de ses prédécesseurs méconnus, c’est encore à propos de ses inspirateurs reconnus qu’il opère une transposition décisive des pensées. Nous ne nous arrêterons pas au fait qu’il accommode à sa façon le platonisme d’Augustin. Mais nous voudrions signaler tout spécialement la dénaturation, d’ailleurs fort heureuse, qu’il fait subir à la métaphysique de Descartes. Légitimement classé- dans l'école cartésienne, il est cependant évident qu’il tourne le dos a son maître après lui avoir donné la main. De l’auteur du Discours de lu méthode, il reçoit le principe des idées claires et distinctes, l’affirmation du dualisme radical de l'étendue et de la pensée, les données essentielles de la physique mécaïUSte, la conviction de la Subjectivité des qualités secondes, la preuve do l’existence de Dieu par l’idée même de Dieu. Mais tout cela, il le transforme et il en fait usage dans un