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MALABARES (RITES), CONCLUSION


préoccuper deux catégories de personnes. D’une part, et c’est l’avis exprimé par Mgr de Brésillac, beaucoup

de missionnaires croient que les laçons d’agir héritées du xviiie siècle sont [rrégulières, el « ju 'ils sont euxmêmes en dehors de la voie droite ; les administrateurs, d’autre part, les chefs responsables des missions considèrent que toute initiative brusquée dans le domaine de la fusion des castes es1 d’une souveraine imprudence et risque d’amener des catastrophes. C’est dans ce sens que conclut un long rapport de Mgr Bonnand. Voir Launay, t. iii, p. Il sq. et spécialement p. 51. La Propagande se crut dans l’impossibilité de départager deux opinions, fondées l’une et l’autre sur des motifs de valeur ; elle se contenta de répondre à Mgr Bonnand i qu’elle ne croyait pas qu’il y eut à faire de nouvelles perquisitions, et qu’il fallait tranquilliser les jeunes missionnaires ». « La Sacrée Congrégation, ajoute le vicaire apostolique, n’a pas trouvé de motifs suffisants pour modifier les décisions, en porter une nouvelle, ni même pour ordonner de nouvelles enquêtes, j’en conclus que les vicaires apostoliques peuvent être en sûreté de conscience, si par ailleurs ils essaient d’améliorer leurs chrétientés de la manière que comportent les circonstances. » Launay, t. iii, p. 51.

Quelques années plus tard, en 1858, Mgr Bonnand était nommé par Pie IX visiteur apostolique de toutes les missions des Indes orientales. Ses instructions lui prescrivaient, entre autres de veiller à établir l’uniformité dans l’administration des divers vicariats, et lui-même, dans la circulaire par laquelle il annonçait sa visite à ses collègues dans l'épiscopat, précisait qu’il traiterait avec eux des moyens qui paraîtraient les plus favorables à l'établissement d’une seule et même discipline, spécialement pour la conduite à tenir à l'égard des diverses castes de l’Inde, pour la formation du clergé indigène, et l’observation de la bulle Omnium solliciludinum dans les lieux où elle oblige. — Un bref aperçu des résultats de cette enquête permet de voir où en est à ce montent la question des rites.

Au Coïmbatour, voici ce que l’on constate : pour ce qui concerne la distinction des castes, il existe une tolérance remarquable entre les chrétiens, du moins en ce qui concerne les places à l'église et l’administration des sacrements ; la bulle Omnium sollicitudinum est observée avec ponctualité, peut-être même avec trop de scrupule, par les missionnaires ; pour les fidèles, par suite des rapports de bienveillance et de parenté qui existent entre les chrétiens et les païens, ils sont exposés à pratiquer beaucoup de superstitions et de gentilités, mais on peut dire à leur décharge qu’ils ont en général perdu le sens de la plupart de ces cérémonies et les pratiquent uniquement pour se conformer à l’usage. Au Maïssour, bien qu’il se constate peu d’abus nettement définis, l’esprit des chrétiens est encore loin de ce qu’il doit être ; c’est ce que constate le vicaire apostolique Mgr Charbonnaux : « La troisième classe des chrétiens ndiens, ceux qui forment à proprement parler l'Église de l’Inde, et par le nombre et parce qu’ils appartiennent au sol et à la vraie population indienne, voulant, tout en se faisant chrétiens, rester purs Indiens ont conservé le plus qu’ils ont pu les us et coutumes non seulement civils, mais encore religieux des Indiens païens, dont ils redoutent la persécution et qu’ils ménagent trop souvent au détriment de leur conscience. Ces peuples sont toujours prêts à se révolter contre tout ce qui, en les rapprochant de i’esprit et de la discipline chrétienne, semble les éloigner des règles des castes et mortifier les gentils. » fbid., p. 385. Nous n’avons pas de renseignements précis sur la visite du Maduré. — L’instruction géné rale, adressée par la Propagande le 8 septembre 1869, peut être considérée comme l’aboutissement définitif de la visite apostolique commencée par Mgr Bonnand et continuée après la mort de celui-ci, par Mgr Charbonnaux. Elle renouvelle les décisions du premiersynode de Pondichéry, celles de la lettre adressée au vicaire apostolique du Maïssour en 1851, ci-dessus col. 17 42, et les prescriptions de la bulle de Benoît XIV, Omnium solliciludinum, et du Rituel romain sur l’emploi des noms de saints. On peut dire qu'à ce moment la question des rites est virtuellement terminée.

Conclusion. — Ce n’est pas à dire que de temps à autre ne se fassent jour certains scrupules sur l’interprétation de tel article de la bulle, sur la signification de tel usage, sur le caractère plus ou moins superstitieux de tel acte. Ces scrupules peuvent amener des divergences entre missionnaires, des discussions mêmes, mais il n’y a plus de querelle des rites. Tout au plus la grave question de la séparation des castestament-t-elle, par intervalles et jusque dans les dernières années du xixe siècle, des incidents plus ou moins vifs, mais dont il ne faudrait pas exagérer l’importance. Dans l’Inde, comme ailleurs, plus lentement peut-être qu’ailleurs, le temps fait son œuvre. Il y a déjà plus de cinquante ans, Mgr Laouënan, le premier archevêque de Pondichéry, écrivait : * Le meilleur pour nous est de rester tranquilles et de laisser agir les protestants et le gouvernement anglais. S’il en résulte quelque bien (ce qui pour moi est douteux), les missionnaires catholiques en profiteront ; s’il en résulte du mal, ils n’en seront pas responsables et auront épargné les âmes de leurs néophytes. » Launay. op. cit., p. 52. Depuis cette époque la fusion des castes a fait quelque progrès, les uns après les autres tombent les obstacles qui paralysaient jadis l’activité des missionnaires, compromettaient le recrutement et l'éducation du clergé indigène et obligeaient parfois le christianisme indien à prendre une physionomie trop peu catholique.

Les particularismes locaux sont éminemment respectables, encore faut-il qu’un catholique se sente chez lui dans toutes les églises catholiques de l’univers. Les habitudes et les coutumes locales n’ont en soi rien que d’indifférent, encore faut-il que leur observance ne donne pas, à qui les retient, des idées fausses sur l’essentiel même de la religion. C’est le point de vue, qu’envers et contre tout, Rome a voulu maintenir dans cette question des rites malabares et dans celle des rites chinois, qui ont pris, à certains moment, un si douloureux aspect. Rome était dans son rôle traditionnel, en jugeant d’après les principes des questions, infimes en apparence, mais où les principes étaient engagés. Et les missionnaires étaient eux aussi dans leur rôle et, jusqu'à un certain point dans leur droit, en cherchant, à leurs risques et périls, à expérimenter ce que le christianisme pouvait supporter d’une « accommodation » aussi large que possible aux habitudes d’une culture toute différente de la nôtre. Tirailleurs avancés, ils cherchaient la fissure par où pénétrer dans les masses compactes du paganisme. Ils furent grands et souvent héroïques. Pept-être le souvenir de quelques-uns serait-il plus glorieux encore, s’ils avaient su à temps se dégager et rentrer dans le rang au tout premier signal. C’est d’un poste de commandement très éloigné de la bataille que le général juge le mieux de l’utilité des actions particulières ; quand il commande, il n’y a plus pour tous qu’un seul devoir, celui d’obéir.

La question des rites malabares, comme celle des rites chinois est toujours demeurée une question polémique, où des partis ont cherché à faire dominer leur point de vue. Nous avons systématiquement négligé tout cet aspect de la question. Les sources véritables ne sont pas actuellement