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M A HOMÉTISME, LE MOU’TAZILISME

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Or ce klialifc, nous dil-on, persécuta les moutakallims, tandis que son fils al Ma’moûn devait, nous l’avons déjà vii, soutenir le mou’tazilisme. D’autre part, nous savons, que les barmécides qui, jusqu’en 187 (803) époque de leur chute, lurent tout-puissants à la cour de ce khalife et auxquels al Ma’moûn fut tout dévoué dans sa jeunesse, aimaient à tenir des conférences où prenaient part la plupart des moutakallims. Aboû Houdhaïl y jouait un rôle de premier plan ; il n’est pas impossible de voir en lui le créateur du kalàm. Ainsi le mou’tazilisme constitué à la fin du 11e siècle de l’hégire nous apparaît composé de trois éléments : Yi’tizàl ou mou’tazilisme primitif, dû à Wâsil ; le qadarisme dû à 'Amrou ; le kalàm dû probablement à Aboû Houdhaïl.

Une conception particulière à cet auteur est que, en admettant comme attribut de Dieu la puissance et la volonté, l’une et l’autre ne sont pa- ; distinctes de l’essence de Dieu, mais sont cette essence même. D’autre part, il énonce une théorie fort obscure que la volonté de Dieu n’est pas dans un substratum, là fi ma ail, ou encore qu’elle n’a pas de substratun ce qui paraît signifier qu’elle n’est pas déterminée en Dieu par un objet extérieur à Dieu. Semblablement il dit que la parole de Dieu est de deux sortes : avec ou sans substratum. La première édicté des ordre, , des défenses, des exhortations, etc., l’autre e, t le fiât qui a un caractère différent. On peut penser qu’il veut dire par là que le liât a son objet en soi-même et ne regarde que Dieu, tandis que l’autre forme de la parole divine regarde l’homme à qui elle s’adresse. Mais le terme arabe de mahall qu’on traduit par substratum, a-t-il vraiment ce sens ? Nous inclinerions plutôt à lui donner celui de : déterminant, origine. Dans le kalàm mou’tazilite, les discussions de mots sont très subtiles : nous ne pouvons nous y arrêter.

Voici encore d’autres théories qu’on lui prête. La prédestination qu’il nie dans la vie humaine, il l’admet dans l’autre monde. C’est évidemment la conséquence du raisonnement mou’tazilite sur la justice. Pour que peines et récompenses soient justes dans l’autre monde, il faut que sur cette terre, l’homme ait librement obéi ou désobéi ; quand peine ; et récompenses sont distribuées, cette nécessité disparaît. Par une conséquence extrême, il aboutit à croire que les actes, dans l’autre monde, n’ayant plus de mobiles, finissent par s’arrêter, qu'élus et damnés se figent dans un repos éternel, ce qui équivaut à l’anéantissement du paradis et de l’enfer.

Il estime qu’il y a une religion naturelle antérieure à la révélation, qui permet à l’intelligence de connaître toutes les vérités indépendamment de toute religion. Mais sa conception la plus curieuse, parce qu’elle paraît apparentée au soufisme, est celle-ci : « Pour toutes les traditions relatives aux mystères, ce n’es) pas une suite continue de témoignages qui constitue l’argument, mais c’est l’attestation de vingt personnages parmi lesquels il y en a au moins un qui sera élue. Il ne manquera jamais sur la terre d'êtres privilégiés qui seront les saints de Dieu (wâlis d’Allah), les parfaits qui ne mentent jamais, ne commettent aucune faute grave. » Pourquoi ce nombre de 20, qu’un auteur ramène à 5? Parce que dans le Coran (vin, 66) il est dit que « vingt des croyants vaincront deux cents des mécréants ». Nous voyons que les s où fis déclarent qu’il ne manquera jamais sur la terre de personnages privilégiés qu’ils appellent les Abdàl et dont le nombre est, suivant les opinions, de 7, de 40, de 70. Il y a une parenté évidente entre les deux conceptions, et, d’ailleurs, elles sont l’une et l’autre un reflet de la conception chiite. Il semble cependant que c’est chronologiquement la première forme de cette croyance aux saints, qui joue un rJle

si considérable dans le mahomi’tisme moderne. Ici, leur rôle est de fournir l’argument. ' oudjdja, sur ce qui est caché, mû ghdba, expressions assez obscures. Par la deuxième, il faut entendre, au dire de certains, tout ce qui échappe aux sens, comme les miracles des prophètes et autres merveilles. C’est la théorie chiite et particulièrement isma’ilite qu’il faut pour interpréter les mystères un personnage privilégié, l’imàm mahdi ( qui est aussi appelé le houdjdja), et, en son nom, les dâ'is. On ne voit pas le rapport entre cette doctrine et le mou’tazilisme proprement dit. Il conviendrait d’y revenir à propos du -oûfisme.

En même temps qu’Aboû Houdhaïl, un autre docteur mou’tazilite apparaît. I rahîm ibn Sayyâr surnommé an Xadhdhâm († 231=846) était par sa mère, neveu d’Aboû Houdhaïl ; il fut aussi son disciple, mais eut plus d’une controverse avec lui. Il eut surtout des vues assez fantaisistes sur des problèmes d’ordre plutôt physique que philosophique. Au point de vue religieux, il accentua le qadarisme en déclarant que non seulement Dieu n'était pas l’auteur du mal, mais qu’il ne pouvait l'être, et qu’il était astreint à ne rien faire qui ne fût conforme au bien de l’humanité. On voit que, si les mou’tazilites ont défendu la liberté de l’homme, c’est en limitant celle de Dieu. Il niait aussi que Dieu eût une volonté propre, parce qu’en lui la connaissance et l’exécution de l’acte sont simultanées et n’ont pas besoin d’intermédiaire. Il niait la valeur de Vidjmâ' sounnite, rejetait le qiyâs et n’admettait comme argument que la parole de l’imâm infaillible. Il professait donc le chiïsme.

A son école se rattache 'Amrou ibn Ba r surnommé al Djâhir, qui mourut en 255 (869), âgé d’environ 96 ans. Il est surtout connu comme un littérateur plein de verve, d’une langue souple et hardie. En théologie, on lui attribue une s ngulière opinion : le Coran, d’après lui, serait un corps qui peut devenir homme ou animal. Contrairement à son maître, il était anti-'alide et composa des livres en faveur de l’imamat des 'Oumayyades et des 'Abbassides. Il fut un des derniers 'outhmànides. On peut le considérer comme un écrivain fantaisiste de beaucoup de talent, mais bien qu’on donne son nom à une des subdivisions de la secte mou’tazilite, il ne paraît pas avoir eu grande influence sur le développement de la doctrine

Fixation définitive du mou’tazilisme.

 Nous ne

nous attarderons pas plus longtemps sur les diverses écoles mou’tazilites qui ne différent généralement que par des distinctions plus ou moins subtiles sur la manière de concevoir la liberté des actes et des pensées de l’homme par rapport à Dieu. La plupart des divergences cessent vers la fin du ine siècle de l’hégire et la doctrine paraît fixée avec la double école d’al Djoubbâï et de son fils Aboû Hàchim.

Le premier, Mou ammad ibn 'Abd al Wahhàb (235-303 = 849-916), surnommé al Doubbâï, est surtout célèbre pour avoir été le professeur d’al Ach'ârî, qui se détacha de lui, dit-on, dans les conditions suivantes. Il posa à son maître cette question : J’avais trois frères qui sont morts, le premier croyant, le second infidèle, le troisième en bas âge. Quelle est leur destinée ? — Le premier, répondit le maître, est sur les degrés du paradis ; le second sur ceux de l’enfer ; le troisième est sauvé. — N’arrivera-t-il pas aux degrés du para lis ? — Non, car il n’apporte pas les bonnes actions du premier. — Mais il dira à Dieu : « ce n’est pas ma faute, si, privé par votre volonté de la vie, je n’ai pu être apte aux bonnes actions. » — - Dieu lui répondrait : « Si je t’ai privé de la vie, c’est que je prévoyais que tu serais pécheur et damné ; je t’ai préservé du châtiment. » — Mais alors, .mon frère l’infidèle protestera. « Pourquoi m’avoir laissé vivre, dira-t-il, puisque je devais être pécheur ? » Le mou'-