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137 LEFÈVRE D’ETAPLES. LE COMMENTATEUR DE L’ECRITURE 138

son des leçons fournies par tous ces témoins. A la suite de chaque psaume figurent, dans la première partie, les notes critiques généralement brèves qui permettront de saisir le sens avec plus de facilité. Tel est le travail du philologue : première tentative, hélas non continuée, de rendre intelligible un texte sacré que tant de circonstances ont contribué à déformer. L’œuvre est loin d’être parfaite ; Lefèvre ne sait pas suffisamment l’hébreu pour entreprendre une traduction directe ; sa méthode tout empirique ne lui permet guère de remonter à la leçon primitive. Pourtant c’est l’honneur de l’humaniste français, d’avoir entrepris une tâche devant laquelle tant d’autres ont reculé depuis.

Mais comprendre matériellement le texte ne lui suffit pas. Cette intelligence tout extérieure est sans profit pour l’âme. Le mystique qui se développe en lui, veut faire profiter les autres de ses expériences. A quoi bon réciter les psaumes, si cette prière inspirée ne parle pas au cœur. Elle lui parlera d’autant mieux que partout se retrouvera le Christ. Et voici Lefèvre s’efforçant de retrouver, tâche facile à certains endroits, bien plus rude à d’autres, les applications au Sauveur de la psalmodie hébraïque. Pour le Ps. i : Psalmus de Christo Domino, est enim qui habet clavem David et qui claudit et nemo aperit ; et le Ps. cl, tout autant : Laudate dominum in sanctis ejus ; ex hebrœo in sancto ejus, in Deo et Agno sedenli in throno quem reuelata Jacie conspiciunt beali. Cela donne l’idée de tout le commentaire. Très peu de références aux commentateurs antérieurs. C’est l’âme de Lefèvre, mystique, enthousiaste, qui s’épanche en méditations personnelles, sobres d’ailleurs, contenues, modérées, d’une grâce toute française. Point de controverse, de discussions. Ce livre, écrit à la veille des formidables événements qui vont bouleverser l’Europe chrétienne, est le plus tranquille, le plus beau qui se puisse imaginer.

Le Psautier édité, et après un voyage sur les bords du Rhin en 1509, qui le met en relations à Cologne avec les Frères de la vie Commune, Lefèvre entreprend un travail d’une autre importance, le Commentaire sur les épilres de saint Paul, qui paraît en 1512, dédié à Guillaume Briçonnet, l’abbé de Saint-Germain, devenu évêque de I.odève. Le même esprit s’y retrouve que dans le Psalterium. L’humaniste se marque en ce que au texte des épîtres canoniques il ajoute en appendice divers morceaux apocryphes : Épître aux Laodicéens, Lettres de Paul à Sénèque, Passion des apôtres Pierre et Paul (soi-disant) rédigée par Lin. — Beaucoup plus importante est l’innovation qui consiste à publier sur deux colonnes, en gros caractères le texte de la Vulgate, signalé ainsi comme le texte officiel, en caractères plus petits une traduction nouvelle faite directement sur le grec. Cette manière de faire devra sembler hardie : elle est justj liée par la tranquille affirmation de ] ; i préface que la version courante dos épttres pauliniennes n’est pas l’œuvre de saint Jérôme : Apologia quod velus interpretalio epistolarum beatissimi Pauli quæ passim legitur, non ait tralalio Ilieroni/mi. Cette Affirmation, dont on sait qu’elle n’est pas encore définitivement acceptée aujourd’hui, permet à Lefèvre de prendre avec le texte officiel toutes les libertél nécessaires. Remarquons d’ailleurs que le texte substitué par lui t la Vulgate, ne vaut guère mieux que celui’i Mais ce qui est à retenir, c’est la facilité avec la qu et le, des l’abord, la critique textuelle des lircs saints s’émancipe du contrôle des théologiens, ’.’est un

humaniste, simple maître es arts qui prend a l’égard

d’un texte officiel, cette liberté. Le fait est gros de conséquences. Sobre, précis, dépouillé des références

aux anciens auteurs qui encombrent trop souvent les

œuvres de ce genre, le commentaire serre d’assez près le texte, s’efforce d’en mettre en lumière le sens historique, mais Inurne assez volontiers A la parénese.

Nous étudierons plus loin les principales idées théologiques qui s’y révèlent.

Bien qu’il n’ait paru qu’en 1522, le Commentaire des quatre Évangiles, ne diffère pas sensiblement par son esprit de celui de saint Paul. Pourtant de graves événements se sont déroulés dans l’intervalle qui sépare les deux publications. La révolte de Luther a commencé en Allemagne ; le 10 décembre 1520, 1a bulle de Léon X a été brûlée à Wittenberg ; en avril 1521, à la diète de Worms, Luther a refusé de rien rétracter ; les schismes se multiplient, la guerre religieuse va éclater. Voilà pour l’état général de l’Europe dont on ne laisse pas de se précoccuper beaucoup dans le cercle où vit maintenant Lefèvre. Depuis 1520, il est installé à Meaux auprès de Guillaume Briçonnet, nommé au siège épiscopal de cette ville en 1516 et qui, au retour d’une mission à Rome, prend au sérieux son rôle d’évêque. La réforme de l’Église que, depuis si longtemps, tant de voix réclament, le nouveau prélat voudrait la commencer dans son diocèse. Il s’entoure donc des hommes qu’iljugelesplus aptes à réaliser son dessein. Lefèvre est venu l’un des premiers, 1520, et nous dirons plus loin comment il cherche, avec le « groupe de Meaux » à faire passer dans la réalité les belles intentions et les généreux desseins de Briçonnet. Mais le vieil humaniste est plus fait pour le travail silencieux du cabinet que pour l’action. S’il s’acquitte avec zèle des fonctions de vicaire général que lui a confiées l’évêque, il lui reste assez de temps pour com poser des œuvres d’érudition, et voici que paraissent en 1522 les Commentatorii iniliatorii in quatuor evangelia. C’est encore une œuvre de savant ; mais visiblement dans l’esprit de Lefèvre les préoccupations philologiques de jadis sont en recul. Pas d’essai de correction du texte reçu ; seulement à la fin de chaque chapitre, avant de passer au commentaire, l’auteur aligne des annolaliones brèves circa litleram, où la comparaison avec l’original permet d’éclairer le texte de la Vulgate. Par contre le commentaire s’est étoffé ; surtout il s’est approfondi. L’Évangile n’est-il pas la source jaillissante de toute piété, de toute vie intérieure, de toute vérité. La préface est un dithyrambe en l’honneur de la « bonne nouvelle, verbe du Christ. verbe de Dieu, évangile de paix, de liberté et de joie, évangile de salut, de rédemption et de vie. Évangile de paix, qui nous sort de la guerre perpétuelle, de liberté après la très dure servitude, de rédemption après la captivité effroyable. Ceux qui n’aiment point le Christ et sa parole, comment pourraient-ils être chrétiens ? Faire aimer cette parole sainte c’est le premier devoir des pontifes et tout spécialement de celui qui est appelé le premier, le souverain… ; que ce soit de tous les chrétiens l’unique étude, l’unique consolation, l’unique désir, de savoir l’évangile, de suivre l’évangile de promouvoir partout l’évangile. » C’est donc la tâche que se réserve spécialement Lefèvre de faire connaître l’Évangile ; et non seulement sa lettre morte, mais son esprit qui vivifie. Et sans doute il n’est pas sans intérêt de chercher à restituer l’ordre même des événements et de la vie du Sauveur ; mais à quoi servirait cet le connaissance historique, Si elle ne menai I pas..sons In conduite de l’Esprit Saint qui dirige le lecteur croyant, aux considérations morales, seules utiles pour le salut. C’est ainsi quc l’explication de l’Evangile devient une continuelle parénese, à laquelle conduit d’ailleurs tout naturellement l’interprétation allégorique des détails. Vainement LefèVTC essaie-t il

d’ailleurs de distinguer ce qu’il appelle le sens spirituel du sens allégorique ; Inévitablement il Unit par

revenir. <)n c imprend qu’A son avis une telle recherche ne puisse s’accomplir quc sous l’Influence continue de l’Esprit Saint : Et tant humana ratio ntulta, ttoltda et lemerarta >^i qum <i<-<iit suis ma, hum, mus diacepta-