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1403 LYON. LE IIe CONCILE ET LA RÉUNION DE L’ÉGLISE GRECQUE 1404

délai lui était fixé ainsi qu’à Pierre, au terme duquel, s’il n’a obéi au Saint-Siège, il serait déchu et privé de ses biens, et ses sujets déliés du serment de fidélité. Cette dernière— sentence, que Michel avait méritée par sa participation aux événements sanglants de Sicile (Vêpres siciliennes, 30 mars 1282), ne fut sans doute pas connue de lui. Il mourut le Il décembre de la même année, au début d’une nouvelle expédition entreprise contre le duc de Thessalie, à Rhædesto, en Thrace. Son fils Andronic fit transporter son corps à la hâte durant la nuit auprès d’un monastère voisin où on l’enterra sans aucune cérémonie. On n’en fit point non plus à Constantinople où, au retour d’Andronic, les moines proclamaient hautement que l’empereur défunt n’était pas digne de la sépulture ecclésiastique. Ainsi finit Michel Paléologue. « Il emportait avec lui les derniers lambeaux de l’union en offrant au monde l’étrange spectacle d’un homme sur qui pesait l’anathème des deux Églises qu’il avait tenté d’unir. » M. Viller, La question de l’union des Églises entre Grecs et Latins depuis le concile de Lyon jusqu’à celui de Florence (1274-1438), dans Revue d’Histoire ecclésiastique, avril-juillet 1921, t. xvii, p. 267. Si parmi les grecs, quelques-uns, parce qu’ils étaient eux-mêmes sincères, ont cru à sa sincérité, l’ensemble, et ce sentiment est traduit par leurs historiens, n’a vu dans sa conduite qu’un jeu d’habile politique, destiné à faciliter la pleine restauration de l’ancien empire byzantin.

II. La ruine de l’union sous Andronic (1282 et suiv.). — 1° Violente réaction antiunioniste. — La réaction ne se fit pas attendre. Après la mort de son père, Andronic abandonne l’expédition entreprise et rentre en hâte dans la capitale. Froissé des mesures de la cour romaine, débarrassé en outre par les Vêpres siciliennes du péril angevin, il n’a pas comme Michel tout un passé d’efforts unionistes qui l’engage. Aussi cède-t-il volontiers à l’influence de l’ardente Eulogie et du grand logothète Muzalon qui tous deux avaient souffert sous Michel à cause de leur opposition à l’union. Il néglige d’abord de faire célébrer un service pour Michel. De plus, le jour de Noël, il s’abstient, sous prétexte de maladie, de paraître à l’église, pour ne point entendre nommer dans la liturgie le patriarche de l’union. Le lendemain, Veccos est forcé de quitter sa charge et est conduit sous escorte au monastère de la Panachrantos. Le 31 décembre au soir, Joseph, malade et à demi mort, est porté au palais patriarcal pour lui succéder. Le 1 er janvier 1283, on réconcilie la grande église. C’est Galaction, un de ceux que Michel avait fait aveugler, qui, conduit par la main, répand l’eau bénite. La même scène se renouvelle au milieu d’un grand concours de peuple à la vigile de l’Epiphanie. Puis on s’occupe de réconcilier les personnes. Un édit, extorqué à Joseph, « cadavre vivant », comme l’appelle Métochite, suspend pour trois mois les évêques et les prêtres et prononce la déchéance de Veccos, Théophane de Nicée, Constantin Méliténiote et Georges Métochite, le premier pour hérésie, les trois autres pour avoir assisté, dans leur ambassade, à la messe des latins. Le saint chrême confectionné par Veccos fut jeté et le vase qui le contenait rendu aux usages profanes. La sainte Réserve elle-même fut profanée, comme si les mystères divins célébrés par le patriarche catholique étaient dépourvus de toute valeur et efficacité. Cf. Georges Métochite, op. cit., t. I, n. 81, dans Mai’, Nova Palrum Bibliotheca, t. viii, p. 108, 109.

Bientôt, un synode est convoqué pour juger Veccos et se célèbre au milieu d’un concours menaçant de peuple. Joseph, trop malade, n’y est représenté que par les insignes de sa dignité étalés sur un trône, auprès duquel des moines fanatiques prétendent parler

en son nom. C’est le patriarche d’Alexandrie, Athanase, présent dans la capitale, qui préside en fait. Le grand logothète Muzalon, qui avait succédé dans cette charge à Georges Acropolite, commence par jeter au feu la profession de foi qu’il avait dû présenter à Michel à cette occasion. On condamne ensuite les écrits de Veccos. Puis Veccos lui-même, à qui il a fallu donner un sauf-conduit à cause de l’agitation populaire, est traduit devant l’assemblée où il reçoit la dernière place. Après une noble résistance, il cède en-fin aux menaces et à la pression de ses juges et signe une profession de foi qui leur donne satisfaction. (Ce document est reproduit dans le tome de Georges de Chypre, P. G., t. cxlii, col. 237, 238). Il s’y reconnaît coupable d’avoir employé des expressions dangereuses dans l’exposition du dogme de la procession du Saint-Esprit. Ces expressions concernent l’attribution du terme aï-p.oç à la deuxième personne de la sainte Trinité. Le synode fait ensuite promettre à Andronic de ne jamais faire célébrer de service funèbre pour l’âme de son père. La faiblesse de Veccos ne lui servit de rien : il fut presque aussitôt rélégué à Brousse où l’exil devait retremper son courage.

Au début de mars 1283, Joseph acheva de mourir. Georges de Chypre, qui, dès l’avènement d’Andronic, avait quitté le parti de l’union et avait déjà dirigé contre elle un Antirrhétique, fut choisi pour le remplacer. Simple clerc séculier jusqu’alors, il embrassa la vie monastique sous le nom de Grégoire, fut ordonné coup sur coup diacre et prêtre et reçut la consécration épiscopale le dimanche des Rameaux, 1 1 avril 1 283. Tout cela se fit sans élection, parce qu’aucun des évêques présents dans la capitale n’était pur, à cause de l’union dans laquelle ils avaient vécu. Le lundi de Pâques s’ouvrit un synode qui dura toute la semaine. Ce fut un vrai brigandage. La troupe armée était présente. L’officier de l’empereur commença par lire un décret déclarant coupable de lèse-majesté quiconque n’approuverait pas les décisions du concile. Puis les évêques qui avaient adhéré à l’union sont introduits un à un et ne paraissent que pour entendre prononcer leur condamnation. Après quoi ils sont aussitôt liés et entraînés par les soldats, puis insultés, bafoués, frappés par la foule des moines fanatiques qui assistent à ce simulacre de concile. L’archimandrite de Saint-Auxence, que ce spectacle écœure, essaie de protester, mais subit les mêmes avanies. La basilissa elle-même, la mère d’Andronic, dut comparaître à son tour, produire une profession de foi où elle promettait de ne jamais donner la sépulture ecclésiastique à son mari et de ne jamais faire célébrer de service pour le repos de son âme : en échange de cela, son nom était joint à celui de son fils dans les prières de la liturgie. Après la clôture du synode, le nouveau patriarche publia un tome qui fut lu dans les églises. Cet acte suspendait et chassait de leurs sièges tous les évêques ordonnés au temps de l’union, à moins d’exceptions agréées par le synode. Quant aux prêtres et aux diacres, ils pouvaient garder leurs charges, sauf ceux qui avaient été ordonnés par Veccos et dans la capitale. De plus, le Chypriote se proclamait seul légitime pasteur et invitait tous les dissidents à le reconnaître. Il faisait en outre l’apologie de sa propre conduite au temps de l’union, à laquelle il prétendait s’être toujours opposé. Les deux patriarches d’Antioche et d’Alexandrie refusèrent d’approuver un concile aussi irrégulier et de souscrire au tome. Ils furent pour ce fait rayés des diptyques, et le premier même donna sa démission.

Le texte grec de la profession |de foi de l’impératrice a été éditée par Yriarte dans Codd. mss. Gr. MatriL, p. 283 et reproduite en note par Migne au IIe livre des Observations du P. Poussines sur l’Andronic de Pachymère, P. G., t. cxi. iv, col. 792, 793. Il a été publié également,