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LYON (1er CONCILE ŒCUMÉNIQUE DE). HISTOIRE

Dans l’intervalle, le pape avait, le 27 décembre 1244, prêché au peuple, en l’église cathédrale de Saint-Jean, et annoncé l’ouverture du concile œcuménique pour la prochaine fête de saint Jean-Baptiste (24 juin). Le 3 janvier, trois lettres au moins d’invitation au concile étaient parties, adressées à Gilon, archevêque de Sens, au chapitre de Sens, au roi Louis IX. D’autres lettres de convocation, les jours suivants, allaient dans toutes les directions de la chrétienté. Elles indiquaient le but du concile : pourvoir aux maux causés par les progrès de l’islamisme dans la Terre sainte et des Tartares en Hongrie, par les entreprises des autres contempteurs de la foi et persécuteurs du peuple chrétien, par la lutte entre l’Empire et l’Église. Le 31 janvier, des lettres aux quatre cardinaux d’Ostie, de Sainte-Marie du Transtévère, de Sainte-Marie-in-Cosmedin et de Saint-Ange leur avaient enjoint dese mettre en route pour Lyon. Le jeudi saint, 13 avril, Innocent excommuniait de nouveau l’empereur ; le 18 avril, il le citait devant le concile. Dès janvier ou février, était arrivé à Lyon maître Laurent de Saint-Martin, représentant d’Henri III, roi d’Angleterre, auprès du pape. Six ambassadeurs du roi d’Angleterre et de l’assemblée des nobles partaient d’Angleterre pour le concile, le 8 juin. D’Allemagne étaient arrivés, avant Pâques, les archevêques de Mayence et de Cologne, qui engagèrent le pape à déposer Frédéric IL De jour en jour, arrivaient d’autres prélats. Au début de juin, Frédéric II avait protesté, dans une lettre aux cardinaux, contre les intentions du pape et annoncé l’envoi de sept ambassadeurs, parmi lesquels Pierre de la Vigne et Thaddée de Suesse, qui fut le porte-parole impérial. Cf., sur tous ces faits, Martin, Conciles et bullaire de Lyon, n. 887-952.

On ignore le nombre des prélats qui assistèrent au concile. La Chronica S. Pétri Erfordensis moderna, an. 1245, dans Monum. Germ. hist., Script., t. xvi, p. 31, en compte 250 ; l’annaliste Mencon, Chronic., an. 1245, ibid., t. xxiii, p. 538, parle de trois patriarches, de 300 évêques et de nombreux abbés. Ces chiffres sont certainement grossis. Mathieu Paris, Historia major, p. 896, signale la présence, à la réunion préparatoire du 26 juin, des cardinaux, de trois patriarches (il dit : deux patriarches, mais par erreur car il fait un seul personnage des patriarches de Constantinople et d’Antioche) et de 140 archevêques ou évêques. Il y a des chances pour que, entre cette date et celle de la fin du concile (17 juillet), quelques retardataires soient arrivés. Une addition à la Brevis nota fournie par un ms. de Bologne, dans Mansi, Concil. , t. xxiii, col. 613, porte qu’environ 150 évêques apposèrent leurs sceaux à la sentence de déposition de Frédéric IL A l’aide des registres pontificaux et des chroniqueurs du temps, J.-B. Martin, n. 958-1037, cf. p. xx-xxii, a pu retrouver une centaine de noms, 13 de cardinaux, 3 de patriarches, 24 d’archevêques, 29 d’évêques, 5 d’abbés, les autres de dominicains, franciscains, archidiacres et chanoines, laïques. 38 appartiennent à la France, 30 à l’Italie, lia l’Allemagne ou aux pays, du Nord (beaucoup d’évêques allemands n’avaient osé venir par crainte de Frédéric II), 8 à l’Angleterre, 5 à l’Espagne, 5 à l’Orient latin. Il ne vint aucun évêque de la Terre sainte (on n’avait même pu les convoquer), ni de la Hongrie, dévastée par les Tartares, ni de la Sicile, sous la coupe de l’empereur, sauf l’archevêque de Palerme qu’il envoya. Parmi les personnages marquants à des titres divers, citons le cardinal Hugues de Saint-Cher qui avait appartenu au couvent des frères prêcheurs de Lyon, le cardinal Octavien Ubaldini fâcheusement immortalisé par Dante, Inf., x, 120, le cardinal Jean Gaétan Orsini (le futur Nicolas III), Robert Grossetête, évêque de Lincoln, Jean de Parme, représentant des frères mi neurs, Thédald Visconti, ancien chanoine de Lyon, archidiacre de Liège (le futur Grégoire X ;. Du côté des laïques, en plus des représentants de Frédéric 11, Baudouin II, empereur latin de Constanlinople, Raymond-Bérenger IV, comte de Provence, et Raymond VII, comte de Toulouse. Cf., sur ces derniers, P. Fournier, Le royaume d’Arles et de Vienne, Paris, 1891, p. 16^-174. Quant à la présence de saint Louis au concile, c’est une fable recueillie, avec plus d’une autre, par Trilhème († 1516), Annales Hirsaugienses, an. 1245, Saint-Gall, 1690, t. i, p. 579.

Les sessions conciliaires.

 Le concile fut inauguré

non à la date assignée (24 juin 1245), mais le lundi après la Saint-Jean (26 juin), par la réunion préparatoire du monastère de Saint-Just. Au nom de son maître, Thaddée de Suesse proposa de nouvelles conditions de paix. Le pape ne se laissa point prendre à de belles promesses, dont l’expérience du passé l’autorisait à dire qu’ « elles ne seraient jamais exécutées. Aujourd’hui que la cognée est à la racine, déclara-t-il, elles doivent servir à tromper le concile, à le dissoudre et à faire différer la sanction. » Brevis nota, dans Mansi, Concil., t. xxiii, col. 610.

Les trois sessions solennelles se tinrent, le 28 juin, les 5 et 17 juillet, en la cathédrale de Saint-Jean dès lors reconstruite pour une bonne part.

i je session. — Le 28 juin, Innocent IV célébra la messe et prêcha sur les cinq douleurs qui accablaient son âme : « La première, disait-il, venait de la mauvaise conduite des prélats et des fidèles ; la seconde, de l’insolence des Sarrasins ; la troisième, du schisme grec ; la quatrième, de la cruauté des Tartares ; la cinquième, de la persécution de l’empereur Frédéric. » Brevis nota, dans Mansi, ibid. Puis il fit donner lecture de divers privilèges accordés jadis à l’Église par Frédéric II tant simple roi qu’empereur. Thaddée de Suesse répondit aux griefs du pape : mirabiliter videbatur imperatorem excusare, dit le procès-verbal, et multis responsio ejus fuit grata. Le point faible de cette défense fut qu’elle ne réussit point à montrer que Frédéric eût été fidèle à sa parole, comme le note Matthieu Paris lui-même, peu suspect de partialité envers le pape, p. 899.

D’après Matthieu Paris, Thaddée aurait conclu par la demande d’un sursis permettant à l’empereur de venir au concile. « Pas cela, aurait dit le pape. Je crains des pièges auxquels j’ai à peine échappé. S’il venait, je me retirerais aussitôt, car je ne me sens point apteni préparé au martyre ou à la prison. » C’est là vraisemblablement un pur racontar, et la suite du récit du chroniqueur est sûrement inexacte. Le lendemain, d’après lui, sur les instances des procureurs des rois de France et d’Angleterre (ceux du dernier particulièrement intéressés à l’honneur de Frédéric II à cause de son affinité avec leur maître, son beau-frère), le pape aurait accordé un délai de dix jours. Frédéric, mis au courant de tout, aurait protesté qu’il ne convenait pas au Saint-Empire de se soumettre au jugement d’un concile, surtout ennemi. Ce qu’apprenant, beaucoup l’abandonnèrent qui avaient jusque-là pris parti pour lui, et, à la n c session solennelle, on l’accusa d’être contumace et rebelle contre l’Église. Or cette session eut lieu le 5 juillet, donc à sa date normale et non après un délai de près de deux semaines. De plus, il est invraisemblable que le pape soit revenu, hors session, le 29 juin, sur ce qui avait été décidé à la session du 28, et que, entre le 29 juin et le 5 juillet, l’empereur qui était à Vérone, ait été renseigné sur ce qui s’était passé à Lyon et ait pu transmettre au concile ce refus outrageant. Du reste, le procès-verbal officiel du concile nous apprend que la demande d’un délai par Thaddée de Suesse se produisit à la iie session, et que le pape l’accorda malgré le mécontentement de