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LUTHER. LA JUSTICE IMPUTEE


Luther, soit même à celle de la double justice de Seripando. Pour Gilles de Viterbe, voir mes deux articles dans les Recherches de science religieuse, 1923.

Au concile de Trente, Salméron, les cardinaux présidents du concile affirmèrent que la théorie de la double justice était nouvelle. Rômische Quarlalschrift, 1913, p. 130*. 131* (16 oct. 1546) ; Conc. Trid., t. x, p. 674 (9 oct. 1546). De fait, dans son Vocabularium theologicum, de 1517, Altenstaig n’en fait pas mention (articles Fides, Justificatio, Juslitia, Justus). Mais Altenstaig donne les théories en vue, les théories nominalistes. Il reste toujours que la théorie de la double justice pouvait être enseignée dans quelques couvents, notamment en Italie. Puis, elle pouvait ne pas l’être explicitement, comme une théorie arrêtée, mais à l’état de tendance : on parlait de la misère de l’homme déchu, même justifié. Aussi, de premier abord, comme on l’a vii, Seripando lui-même n’arriva pas à préciser ses idées sur une théorie à laquelle il était pourtant si profondément attaché.

II. lvther : la jvstice imputée. — Dans les mille endroits où Luther nous parle de la justice imputée, a-t-il en vue une double justice, justice partiellement intérieure, complétée par une attribution extrinsèque des mérites de Jésus-Christ ? Ou, dans sa pensée, notre justice nous est-elle tout extérieure ; consiste-t-elle simplement dans l’imputation de la justice de Jésus-Christ ?

Il semble bien que ce soit de la théorie de la double justice qu’il est parti.

1° Point de départ : la théorie de la double justice. — Dans son Commentaire sur l’Épîlre aux Romains, il s’arrête longuement sur les passages de saint Paul : « Heureux ceux dont les péchés ont été recouverts… ; le péché habite en moi. » Rom. iv, 7 ; vii, 17. Si nous croyons aux promesses de Dieu, dit-il, il nous délivrera du | éché. Nous ressemblerons alors à un malade qui s’est confié à un habile médecin. Le médecin promet la guérison, et de fait, « il commence à l’opérer ». J. Ficker, t. ii, p. 108-110. En 1517, dans son Commentaire sur VÉ pitre aux Hébreux, il a en faveur de la double justice un mot plus expressif encore : « Le Christ, qui aime la justice, supplée par son amour au commencement d’amour qui est en nous. » Dans D. P., t. iii, p. 328, n. 1. Dans son Sermon sur la pénitence, des premiers mois de 1518, il dit que » le Christ supplée du sien à ce qui nous manque. W. t. i, p. 321, 39. L’année suivante, il disait dans son premier Commentaire sur l’Épître aux Galates : « Qui croit au Christ est juste, non encore pleinement en fait, mais en espérance. Sa justification et sa guérison sont commencées. Pendant que s’opèrent cette justification et cette guérison, ce qui est resté du péché dans sa chair ne lui est pas imputé. » W., t. ir, p. 495, 1.

La même année, il faisait un sermon sur la double justice. W., t. ii, p. 143-152. Mais comment entend-il ici cette expression ? Malgré certaines attaques virulentes contre la justice pharisaïque, ce sermon est timide. La double justice, c’est ici simplement la justice de Jésusl. hrist et la nôtre. Or, la part de justice du Christ qui dans les desseins de Dieu doit nous être attribuée ne nous serait-elle que partiellement communiquée ? Resterait-elle en partie extérieure et imputée ? Luther hésite à le dire. Au contraire, dans le baptême, elle nous est vraiment donnée > ; elle est infusée en nous par la « race.. W., t. ii, p. 145, 14 ; p. 146, 29. En chaire, Luther n’a pas voulu se compromettre ; dès lors, sa double Justice est Ici de théologie courante. Aussi rougissait il de ce sermon, et en regrettait-il amèrement la publication. Enders, t ». p. 12 ; W., t. ii, p, 143.

lui 1520, dans sa réponse a la bulle de Léon X, il sera plus afflrmatlf : L’homme saint convoite par

l’esprit contre la chair, et par la chair contre l’esprit. Ainsi, la personne elle-même du juste est en même temps en partie juste, en partie pécheresse. » W., t. vii, p. 137, 14.

Aussi, dans ces premières années, Luther met-il une distinction réelle entre la justification et la sanctification. La justification produit un effet extérieur et immédiat : elle nous réconcilie avec Dieu. En outre, elle pose le principe d’une guérison intérieure et véritable : ce sera la sanctification. A l’origine de la justification, au moment du baptême ou de la contrition, le changement n’est guère qu’extérieur : le péché originel, c’est-à-dire la concupiscence, demeure à peu près intégralement en nous. Peu à peu, la concupiscence s’atténuera ; dans la même mesure, notre justice intérieure augmentera. Ainsi, nous aurons une double justice : justice intérieure, qui d’ordinaire ira en progressant, justice extérieure, pour supp’éer à ce que la justice intérieure aura de défectueux. En cîtte vie, le péché originel ou la concupiscence ne sera jamais complètement arraché de notre âme ; donc la sanctification ou justice intérieure n’y sera jamais ce qu’elle devrait être ; elle ne sera jamais aussi grande que notre justification. Pour combler le vide, il faudra toujours quelque justice imputative. Ce n’est qu’à la mort que notre concupiscence disparaîtra complètement ; c’est donc seulement alors que notre sanctification répondra pleinement à notre justification. Ficker, t. i, p. 66, 8 ; t. ii, p. 56, 4 ; p. 94, 18 ; p. 95, 9 sq. ; p. 111, 7 ; p. 266, 1 ; p. 270, 6 ; — W., 1. 1, p. 42, 20-43 ; t. iv, p. 664, 665 (27 déc. 1515) ; —t. i, p. 486, 16 (1518) ; t. ii, p. 146, 32 (1519) ; — t. vii, p. 107, 1 (1520).

Voilà, semblet-il, la théorie de Luther jusqu’aux environs de 1520. C’était vraisemblablement à peu près ainsi qu’il l’avait reçue de ses devanciers.

La théorie définitive.

Mais, à partir des environs

de 1520, Luther parle de plus en plus rarement de cet amour initial qu’en 1517 il mettait encore dans le justifié. La seule réalité justifiante que désormais il se plaira à mettre en nous, ce sera la foi. Sans doute, cette foi pourra progresser ; mais il ne semblera plus qu’elle comporte d’enlèvement quelconque du péché, un commencement de véritable sanctification. Aussi Luther aimera-t-il à dépeindre l’intérieur de l’homme comme inguérissable, et notre justice comme tout extérieure. Avec les années, ces déclarations deviendront sans cesse plus agressives cl catégoriques ; elles finiront par nier le peu de réalité surnaturelle que Luther avait d’abord consenti à reconnaître dans notre âme, Sans doute, il parlera encore « d’un renouvellement de vie ». P. Drews, p. 49 (1536). Mais quand on serre cette expression et autres semblables, on voit que, dans sa pensée, il ne s’agit que d’un renouvellement de foi ou confiance en Dieu ; et cette foi ou confiance est loin d’être, comme la grâce ou la charité d’autrefois, la cause d’un véritable renouvellement intérieur ; elle n’est qu’un clan de l’âme vers les mérites du Christ et la bonté de Dieu ; c’est un pur sentiment ; il peut croître en nous, et. par là, augmenter notre union avec Dieu, mais il ne change rien dans notre fond. Luther disait, en 1532 : « Le chrétien est juste et saint d’une sainteté étrangère ou extrinsèque ; il est juste par la miséricorde et la grâce de Dieu. Cette miséricorde et cette grâce n’est pas dans l’homme ; ce n’est pas un habitas ou une qualité dans le cœur, c’est un bienfait divin… Elle consiste en entier dans une indulgence étrangère a nous… I.e chrétien n’est pas furmrllrmi nt juste…

Sans doute, le pèche lie le Condamne plus, mais il

demeure. » Si tu veux considérer le chrétien sans la justice et la pureté du Christ, si tu veux le considén i

ici qu’il esi en lui même, ei, , rc toute la sainteté