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LUTMKIl. DE LA DIÈTE D’AUGSBOURG A LA MORT

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Pour l’unité de la doctrine et le maintien de la morale, il a eu recours aux princes. Protection peu efficace ! Jusque parmi les siens, il constate de plus en plus la dissolution doctrinale et la décadence morale.

Dissolution doctrinale. En 1525, il trouvait dans s ; i Réforme « presque autant de sectes que de têtes ». W., t. xviii. ». 517, : 2. A partir de 1530, la plainte devient de plus en plus angoissante. En 1531, il disait en chaire : « Quoique ce soit à un seul que Dieu ait donné’et commandé de prêcher l’Évangile, il s’en trouve pourtant d’autres, même parmi ses disciples, qui prétendent s’en acquitter dix fois mieux que lui. » W., t. xxxii, p. 474, 17. Les années suivantes, Bucer, Mélanchthon, beaucoup d’autres songèrent à la con-’vocation d’un concile protestant. Cf., par exemple, T. R., t. iii, n. 3900, t. iv, n. 4123 ; Lenz. t. ii, 1887, p. 227’(1543). Luther pensait que l’action des princes serait plus prompte et plus efficace. Erl., t. lv, p. 19, 20 (1533). Dans l’histoire de la Réforme comme on le sait, ces projets de concile ont été maintes fois repris. Projets de concile, conciles eux-mêmes devaient nécessairement échouer. Décision doctrinale suppose infaillibilité doctrinale ; autrement, canons doctrinaux, professions de foi pourront s’appeler propos de philosophes, pensées d’âmes pieuses, expériences religieuses, tout ce que l’on voudra, excepté décisions doctrinales auxquelles serait due l’adhésion intime de l’intelligence.

Décadence morale. En 1538, Luther en arrive à excommunier Jean de Metzsch, le syndic de Witlenberg, à cause de sa vie ouvertement désordonnée. T. R., t. iv, n. 4073 a, b, c, 4381, etc. ; voir la table générale, t. vi, au mot Hans Metzsch. Les autres notables de Wittenberg donnent le même exemple, et ils s’en glorifient. En un an, l’un a 43 enfants. L’autre prend 40 pour 100 d’intérêts, T. R., t. iv, n. 4073 a. L’année suivante, Luther écrivait au prédicant Jean Mantel : « Comme Loth, je souffre le martyre dans cette abominable Sodome. » Ed., t. lv, p. 250 ; Enders, t. xii, p. 293. En 1543, il disait à table : « Je suis soûl du monde, le monde est soûl de moi, et j’en suis très heureux. Je l’ai dit souvent : Je suis une m…. mûre ; le monde a le c. grand ouvert. Il est temps que j’en sorte. » T. R., t. v, n. 5537.

Finalement, quelle est la grande prévision, quel est le suprême espoir de ce Réformateur religieux ? C’est la fin du monde. Déjà, lorsque, à la fin de 1518, il commence à voir dans le pape l’Antéchrist, il se dit que la venue du grand adversaire de Jésus-Christ présage la fin des temps. En 1522, une conjonction de planètes présageait ce grand événement avec certitude pour 1524. Erl., t. x, p. 69, avec les notes Il et 13. Puis d’année en année, prophète toujours contredit mais toujours inlassable, il ne cesse de voir arriver cette vague finale et libératrice. Les appels à ce grand jour deviennent de plus en plus pressants et anxieux. Le 16 décembre 1543, il écrivait dans une lettre à Justus Jonas : « Venez, Seigneur Jésus, venez… Les maux ont dépassé la mesure. Il faut que tout craque. Amen. » Enders, t. xv, p. 284.

Un jour enfin, au mois de juillet 1545, il quitte Wittenberg, en apparence pour un simple voyage, en réalité avec le ferme dessein de n’y plus revenir. De Zeitz, il écrit à Catherine : « Mon grand désir serait de n’avoir plus à retourner à Wittenberg. Vends donc tout, jardin et champ, maison et cour. Je serais très heureux de rendre la grande maison à mon gracieux seigneur. Le mieux pour toi serait de partir avant ma mort, et de t’établir à Zulsdorff… Va-t’en donc ; quitte cette Sodome. » Enders, t. xvi, p. 270.

A la nouvelle de cette lettre, tout Wittenberg est en émoi ; les ennemis de l’Évangile allaient triompher ! Au grand mécontent, l’université dépêche Bugenhagen et Mélanchthon, la ville son bourgmestre, l’électeur son médecin. Le 16 août, Luther était de retour. Mais il pouvait demeurer à Wittenberg : son âme n’en retrouva pas la sérénité. Le 10 novembre, la veille de la Saint-Martin, il fêtait pour la dernière fois son saint patron et l’anniversaire de sa naissance. Il y avait là Mélanchthon, Bugenhagen, Cruciger et autres. Il leur ouvrit son cœur : il allait bientôt mourir, et les principaux frères aussi. « Ce n’est pas les papistes que je crains, disait-il ; la plupart ne sont que des ânes bâtés et des épicuriens ; mais nos frères nuiront à l’Évangile ; ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas des nôtres. Ils feront plus tort à l’Évangile que les papistes, d Fuis, jetant un regard sur l’avenir de l’Allemagne : « Nos enfants, ajouta-t-il, auront encore à prendre les armes ; l’Allemagne connaîtra de mauvais jours. » M. Ratzeberger, Die handschrijtliche Geschichte iiber Luther, éd. G. G. Neudecker, 1850, p. 131.

Huit jours après, il terminait son Commentaire sur la Genèse : « Tel est le livre de la Genèse, disait-il. Que notre Seigneur Dieu accorde à d’autres de mieux faire après moi. Je ne puis plus rien ; je suis faible. Priez Dieu pour moi, afin qu’il m’accorde une dernière heure bonne et heureuse. » W., t. XLn, p. viii ; t. xliv, p. 825.

IV. LA MORT (17-18 février 1546). —

Le 23 janvier 1546, Luther partait pour Eisleben ; le comte Albert de Mansfeld l’avait prié de venir résoudre des difficultés de famille. Le 17 février, il fut très agité. « J’ai été baptisé à Eisleben, disait-il ; je vais aussi y mourir. » Dans la soirée, il ressentit son oppression de poitrine, se fit frictionner, et redevenu mieux descendit au souper. Il mangea et but copieusement. Dans sa conversation, comme de coutume, il mêla le folâtre et le sérieux. Il parla de sa mort et de la fin prochaine du monde. Après le repas, dit un récit peut-être controuvé, il écrivit à la craie sur le mur le vers rodomont et découragé que jadis à Schmalkalde il avait composé dans une grave maladie :

Pestis eram vivus ; moriens ero mors tua, Papa. Pape, ma vie était ta peste ; ma mort sera ta mort.

Dès huit heures, il monta dans sa chambre, au premier étage. Il mourait dans la nuit.

Quelles furent les circonstances de cette mort ? — D’après les récits de ceux qui entouraient Luther, il serait mort entre leurs bras, entre 2 et 3 heures du matin. « Seigneur, disait-il, je remets mon âme entre vos mains. » Puis peu après : « Que Dieu vous bénisse tous. » Il ajouta d’autres paroles en harmonie avec ses deux grandes tendances doctrinales : la justification par la foi et la haine du pape. Enfin Jonas et Cœlius se penchèrent à son oreille, et lui demandèrent très haut s’il persistait dans la doctrine qu’il avait prêchée. « Oui », répondit le mourant. Ce fut son dernier mot.

Mais à assister aux derniers instants de Luther, il n’y avait que des amis. Dans les grandes lignes, il est vrai, leurs récits concordent. Toutefois, sur des points importants ils sont en divergence. Défaillance plus grave ; il y a un fait précis, avéré et non sans importance, sur lequel ils s’accordent tous, et c’est pour le passer sous silence. Vers 3 heures du matin l’entourage de Luther manda le pharmacien Jean Landau pour lui donner un clystère. Landau répondit à l’appel, et nous avons de lui un récit de son intervention. Or, tandis que les amis de Luther mentionnent la présence de deux médecins, ils taisent tous l’intervention de Landau. Serait-ce parce que Landau était catholique’? Enfin, ce qui de ces amis serait à soupçonner en premier lieu, serait-ce la loyauté, ou plutôt son contraire ? Par ses paroles et par ses actes, Luther ne les avait-il pas instruits cent fois de la haute valeur d’un mensonge utile à la cause de l’Évangile !

De là les bruits divergents qui ont couru sur cette