Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/591

Cette page n’a pas encore été corrigée

1167

    1. LUTHER##


LUTHER. LA DIÈTE D’AUGSBOURG

1168

W., t. xviii, p. 367, 13. Il en vint pourtant à quelque commisération à l’endroit des vaincus, et demanda aux princes d’être indulgents pour les prisonniers. W., t. xviii, p. 374. Mais le naturel reprit bientôt le dessus ; le 31 mai, il écrivait à un ami, que là où persistait l’esprit de Miinzer, « il était grand temps d’égorger les paysans comme des chiens enragés ». Erl., t. un, p. 306. C’était là son expression favorite. Puis, au mois de juillet suivant : « Qu’a-t-on jamais vu déplus mal élevé que cette crapule de populace et de paysans, quand ils ont bu et mangé tout leur soûl et qu’ils se sentent en force ! … L’âne a besoin de coups, et la populace d’être menée par la force. » W., t. xviii, p. 391, 394.

Après la guerre des paysans, Luther put rester l’ami des princes, mais la popularité de jadis et l’influence sur les masses s’étaient pour toujours envolées. « Hypocrite et valet des princes » : voilà les mots qui restèrent désormais attachés à son nom. Enders., t. v, p. 181, note 1.

La guerre des paysans montra au grand jour combien les tendances de Luther étaient opposées au peuple. La même année, sa lutte avec Érasme le séparait à jamais du prince des humanistes. Ci-après, Théologie de Luther, Érasme et Luther, col. 1287.

5° L’organisation de l’Église luthérienne (1522-1530).

L’année 1526 et les suivantes furent surtout occupées par l’organisation de l’Église luthérienne. L’organisation de l’Église luthérienne 1 Ces mots jurent de se trouver réunis. A l’origine, de 1518 à 1522, Luther insista sur l’invisibilité de l’Église. L’Église, c’était l’alliance fraternelle des vrais croyants, des âmes droites et chrétiennes ; connues du Christ seul, ces âmes avaient le Christ pour docteur et pour guide. Mais très rapidement, après la descente de laWartbourg, les réalités vinrent le tirer de sa conception idyllique. C’est ce que l’on a appelé l’évolution du luthéranisme au protestantisme. Commencée en 1522, cette évolution se termina de 1528 à 1530 : en 1528, par l’Instruction pour la visite des églises ; en 1529, par la diète de Spire et la Protestation qu’y présentèrent les princes luthériens, d’où à eux, puis à tous les réformés s’attacha le nom de protestants ; en 1530, par la Confession d’Augsbourg.

6° La diète d’Augsbourg (20 juin-Il nov. 1530) ; La Confession d’Augsbourg (25 juin 1530). —

Depuis la diète de Worms, Charles-Quint était en Espagne. Les dissensions de l’Allemagne le décidèrent enfin à y revenir. Il passa par l’Italie et s’y fit couronner parle pape (24 février 1530) ; le 15 juin suivant, il entrait à Augsbourg. Du 20 juin au 19 novembre, il y tint l’une des diètes les plus fameuses de l’Empire. Luther consentit à des négociations, mais « à la condition qu’on ne toucherait pas à l’Évangile ». Enders, t. viii, p. 45. Banni de l’Empire, il ne put lui-même venir à Augsbourg. Mais dès le 23 avril, il s’était fixé le plus près possible, dans la forteresse de Cobourg, qui faisait partie des États de l’électeur de Saxe. De là, il fut l’âme de la résistance.

L’Hôtel de ville d’Augsbourg réunit 42 représentants de l’Empire. Comme préparation aux travaux de la diète, on fit une splendide procession de la Fête-Dieu (16 juin). Mais dès ce jour-là, les dissensions apparurent ; les princes protestants refusèrent d’y assister. Puis l’inflexibilité de Luther empêcha tout rapprochement. A Augsbourg, son principal représentant était Mélanchthon, l’homme de l’habileté et des faux-fuyants. Le 25 juin, il lut devant les États la fameuse Confession d’Augsbourg. Elle était signée des protecteurs du nouvel Évangile.

Le 19 novembre, Charles-Quint publia le recès de la diète. Dans la doctrine, les nouveautés étaient interdites ; dans le culte, notamment pour ce qui était des sacrements, de la messe du culte des saints, il fallait jusqu’au prochain concile s’en tenir au passé. Les prêtres mariés devaient être déposés et punis ; les prédicateurs ne pouvaient être autorisés que par l’évêque. Les ouvrages étaient soumis à la censure. Toute atteinte aux églises et aux couvents était interdite ; les biens déjà pris à l’Église devaient lui être rendus.

Depuis plus de trois mois, Luther estimait que le diable triomphait à Augsbourg. A Spire, une bande de diables étaient apparus sous la forme de moines ; ils avaient déclaré qu’ils venaient de Cologne par le Rhin et qu’ils se rendaient à la diète. Enders, t. viii, p. 185187, 236. Dans cette apparition, Mélanchthon voyait l’annonce d’une « horrible révolution ». Le recès de la diète acheva d’indigner Luther et de l’abattre ; de loin, il était porté à s’en exagérer l’effet. Quelques mois auparavant, des négociations avec Zwingle avaient échoué à Marbourg. Échec à Marbourg, échec à Augsbourg, solitude de Cobourg, maladies, tout contribua à faire une fois de plus de son intérieur une mer démontée. Son âme était « comme une terre desséchée par la chaleur et par le vent ». Enders, t. vii, p. 338.

Mais le recès d’Augsbourg ne sera pas plus observé que ceux des diètes précédentes, et longtemps encore le protestantisme continuera sa marche ascendante.

Le 4 octobre, Luther avait quitté Cobourg ; le 13, il était de retour à YVittenberg.

II. LA PHYSIONOMIE DU RÉFORMATEUR.

1° Le tempérament. —

Dans la période catholique de la vie de Luther, nous avons regardé sa physionomie intime, sa vie morale d’alors. Pour un regard du même genre sur la physionomie et sur la vie privée du Réformateur, nous sommes arrivés, semble-t-il, à l’endroit le plus favorable.

Luther avait un tempérament robuste, le tempérament d’un paysan saxon. Ce tempérament, puis ses malaises et infirmités ont joué un grand rôle dans sa vie. Il était un sanguin. Le sanguin va de l’avant, sans regarder à droite ni à gauche. Ainsi Luther marche-t-il devant lui ; il ne sait plus ce qu’il a dit hier, et il n’a pas souci de se le rappeler. De bonne heure, il ressentit de douloureux malaises. Ses travaux intellectuels, la tension extraordinaire de toute sa vie de Réformateur, et notamment des années qui vont de 1518 à 1521, le peu de soin que presque toujours il prit de sa santé, sa vie particulièrement négligée de 1522 à 1525, dans la solitude de son ancien couvent, toutes ces causes suffisent amplement à les expliquer. Sur ces infirmités, il revient fréquemment, et toutefois en termes assez peu précis ; aussi, à distance, est-il difficile d’en voir au juste le siège et la nature.

Dès sa jeunesse, il éprouva des oppressions, des angoisses dans la région du cœur. De là, en partie du moins, ces terreurs, ces effrois que Mélanchthon donne comme la note caractéristique de sa vie intime. Corpus Réf., t. vi, col. 158. De là aussi, sa nature haletante, travailleuse ; de là, une inquiétude éternelle, le poussant vers la lutte et vers l’inconnu. Rapidement aussi, sa nervosité alla croissant, et accentua le désordre du cœur. Alors vinrent des vertiges, des bourdonnements d’oreilles, qui ont joué un si grand rôle dans sa vie. des défaillances qui, surtout à partir de 1522, le jetaient à terre, sans connaissance, des éblouissements, et à Cobourg en 1530, « la difficulté de lire une lettre et de supporter la lumière ». Enders, t. viii, p. 162. Cette année-là, il n’a que quarante-sept ans ; depuis lors, il ne cessera pourtant de parler de sa vieillesse et du lourd poids de la vie. Évidemment aussi, il était partiellement empoisonné par l’alcool et l’acide urique ; des travaux corporels les eussent éliminés ; une vie trop intellectuelle et trop sédentaire les maintenait dans son organisme. Il ressentait en lui des impulsionsviolentes : en niant la liberté, il n’a fait que décrire une expérience personnelle. De là, en partie, du moins, ses