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LULLE. LE SOUVENIR DE RAYMOND LULLE


d’hui deux registres de 1376 manquent, mais il n’en était pas ainsi à la date de l’enquête, comme l’atteste l’acte officiel. Hicquev, Nitela, p. 480 ; Sollier, Acta SS., p. 723, n. 89.

4. Le témoignage d’Eymerich allégué en sens contraire manque de garanties suffisantes. Dans la ferveur de la lutte, il a manqué de mesure. Il s’est attaqué spécialement au Lib. de philosophiez amoris ; or, le 19 mai 1386, à Barcelone, une commission de huit théologiens, pris chez les dominicains et les franciscains, et à la tête de laquelle se trouvait Bernard Armengol, O. P., provincial d’Aragon, a déclaré que trois propositions dénoncées particulièrement par Eymcrich comme hérétiques ne se rencontraient point dans cet ouvrage. Sollier, Acta SS., p. 720, 721 ; A. Ivars, Los Jurados, p. 75, 76. Il a également condamné comme hérétique le recteur de l’église de Cilla, Pedro Caplana, mais son jugement fut cassé. Gazulla, Historia, 1909, p. 275. De même, il a dépeint comme <t des hérétiques et des impudents pharisiens » tous les tenants de l’Immaculée Conception, contra quos nonnullos processi… et punivi. Strozzi, Controversia délia Concezione délia B. V. Maria, Palerme, 1703, p. 303305. Puisque, sans rappeler encore ses charges contre le lulliste Antoine Biera, B. d’Alôs, Sis documents per la historia de les doctrines Inlianes, Barcelone. 1919, p. 8, il est avéré qu’Eymerich a mis si libéralement au compte de ses adversaires, hérésies, procès, condamnations, son témoignage est de nulle valeur.

5. L’autorité du Saint-Siège enfin s’est déclarée contre l’authenticité du document. Comme les luttes continuaient toujours, Martin -V chargea le cardinal Aleman de porter sur l’affaire une sentence définitive. Ce dernier, légat en Aragon, désigna à cette fin Bernard, évêquede Città diCastclloqui, après enquête, déclara, le 24 mars 1419, la soi-disant bulle apocryphe et sans valeur. A. Ivars, Los Jurados, p. 99, 100 ; Sollier, Acta SS., p. 485-490. Cette sentence définitive exonère complètement B. Lulle.

Ap’-ès cette crise, la paix se maintint pendant près d’un siècle. Sous Sixte IV, la lutte éclata de nouveau. Le premier titulaire du Sludium lulliste de Palma fut dénoncé à Borne par les dominicains, mais Pierre Dagui obtint gain de cause devant Sixte IV d’abord et Innocent VIII ensuite. Vaincu sur ce point, l’inquisiteur de Majorque, Guillaume de Caselles, O. P., se dédommagea en éditant à Barcelone le Direclorium inquisitorum d’Eymerich, avec la soi-disant bulle de Grégoire XI et un catalogue de cent erreurs ou hérésies lulliennes. Sollier. Acta SS., p. 720, 727. Malgré les protestations des lullistes, le tout passa dans l’Index de Paul IV. Sur ce, les disciples de H. Lulle tentèrent un suprême effort au concile de Trente ; le mémoire présenté par.1. Vileta, chanoine de Barcelone, et .1. Arec de I (errera obtint pleine justice et, le 1 er septembre 1563, le concile décréta que le nom et les écrits de B. Lulle ne devaient aucunement figurer à l’Index, H. d’Alôs, Sis documents, p. 21-2 1. décision qui fut observée dans la rédaction île l’Index de saint Pie V. Sollier. AclaSS., p. 727 ; I !. d’Alôs. Sis documente, p. 11. Mais le malheur voulut que, peu.-iprôs. Mgr Pena rééditât purement et simplement à Rome en l.'>78 leDirectorium d’Eymerich, d’où nouvelles protestai ions des lullistes et intervention de Philippe II, roi d’Espagne, qui aboutirent, le 3 et le 1°. juillet 1594, B deux décrets de la Congrégation de l’Index qui confirmaient la deci Ion du concile de Trente et ordonnaient de rayer définitivement de l’Index les ouvrages de R. Lulle. I. l’on v Marti, Sobre /</ aoctrtna, p. 6-8.

Le dernier mot restait donc, au point de vue C&no nique, aux disciples de R. Lulle. M : iis : iu milieu de ces

débats et’hs attaques qui suivirent bientôt, au début du xviiisiècle, le bienheureux souffril tellement des

accusations portées contre lui par plusieurs historiens et surtout par Bzovius, O. P., Sollier, Acta SS., p. 691, que l’histoire ne lui a pas encore rendu justice. L’attribution de soixante et quelques écrits d’alchimie acheva de le discréditer en lui valant l’admiration d’un Giordano Bruno et d’autres auteurs non moins suspects. J. Bubiô, Los codices, p. 305. Le xviiie siècle se montra aussi sévère contre lui et « l’Espagne entière donna raison au P. Feijoo, O. S. B. », l’un des plus violents adversaires du lullisme. Mcnéndez y Pelayo, Historia, 1. 1, p. 513, t. iii, p. 71-84. Si l’on veut savoir jusqu’où la passion est allée au xixe siècle, on n’a qu’à lire B. Hauréau, Histoire de la philosophie scolastique, 2 « partie, Paris, 1880, t. ii, p. 292-298 ; De la philosophie scolastique, Paris, 1850, t. ii, p. 235-238.

Il est vrai, des amis dévoués n’ont pas manqué non plus à B. Lulle. Ils lui ont décerné le titre de docteur illuminé et archangélique. S. Bové, Le doctor arcangelich, dans Rivista Lulliana, t. ii, p. 75-90. Les rois de la dynastie catalane et castillane, Pierre IV, Jean I er, Martin I er, Alphonse le Magnanime, firent propager sa doctrine et identi fièrent sa cause avec celle de la nationalité catalane. Sollier, Acta SS., p. 728-730 ; P.Blanco, O. S. A., Estudios de bibliografia lulliana, Madrid, 1916, p. 78-118 ; B. d’Alôs, Sis documents, p. 1-8. Au xv 8 siècle, le mouvement lulliste est puissant en Allemagne. Les bibliothèques des cathédrales et des abbayes de Batisbonne, Augsbourg, Tegernsee et Brandebourg s’enrichissent de nombreux manuscrits lullistes ; le cardinal Nicolas de Cues († 1464) subit largement l’influence du bienheureux. J. Bubiô, Los codices, p. 304-309. Avec l’avènement des rois catholiques en Espagne, la doctrine lulliste, jusqu’alors enseignée surtout à Majorque et à Barcelone, se répand dans le péninsule ibérique, particulièrement à Valence et à Lérida. Le fait est dû en grande partie à la protection de Ximenès qui appella le lulliste Nicolas de Pax à l’Université d’Alcala. B. d’Alôs, Los catalogos, j>. 5567. Après lui « le chanoine de Barcelone, Louis Jean Vileta, le champion de l’orthodoxie lullienne au concile de Trente, et les autres grandes figures espagnoles du xvi c siècle sont les propagandistes et les vigoureux défenseurs de l’œuvre philosophique et théologique de R. Lulle ». B. d’Alôs, Sis documente, p. 6. Au xvii° siècle, l’école lulliste est à son apogée. Le 17 avril 1673, en effet, Clément X, à la prière des jurés de Majorque (1663), érige le Studium général de la ville, fondé en 1483 par Ferdinand le Catholique, en université et confirme l’érection des chaires de philosophie et de théologie lullistes. Leurs titulaires devaient avoir la préséance sur les professeurs thomistes et scotistes ; l’Université était mise sous le patronage de B. Lulle. dont elle célébrait la fêle avec éclat le 25 janvier. Sollier, Acta SS., p. 730 ; Avinvo, Historia. c. 30 ; S. Bos, La untversttad Itteraria dcl rrino de Mallorca, dans B. A. £.., 1924, p. 113-116, 129-134, 150-162. Chez les Frères mineurs, le ministre général, Jean Mcrinéro prescrivait (7 mars 1642) renseignement de R, Lulle dans la province franciscaine de Majorque ;

plus tard, le chapitre général de Rome, 1688, étendit

cette décision à tous les Studia généraux d’Espagne. Sollier. Acta SS.. p. 7 : u ; Holzapfel, Manuale historiée oni. fratrum minorum, Pribourg-en B., 1909, p. 731. Au xviii’siècle, un centre d’études se forme, i Mayence autour d’Ives Salzinger, Gottron, L’edicio magun tina, p. 96 103. C’est à celle époque qu’écrivent les meilleurs apologistes de R. Lulle, Cnslurcr (1700), Sollier (1708) et Pasqua ! (1788). L’Université de

Majorque a aussi quelques titulaires dont les noms sont

passés avec gloire a l’histoire, tel Junipère Serra, O. 1 m. l’apôtre de la Californie, et l’éveque <c Vich, Mgr Strauch, tombe victime des révolutionnaires en 1823. P, Saura, 0.1 M., Fray R. Strauch u Vidal,