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LUCIFÉRIENS. LES LUCIFÉRIENS AU XI’e SIÈCLE


que les hommes étrangers à la secte, seraient éternellement damnés, aussi, quand ils se saluaient entre eux, ils disaient : Salutet te injuriam passus Lucifer. Ils niaient la virginité perpétuelle de Marie. Ils prétendaient avoir douze apôtres, qui, chaque année parcouraient tout l’empire, deux d’entre eux, les plus anciens, entraient chaque année au paradis, recevaient d’Hénoch et d’Élie le pouvoir des clefs, qu’ils communiquaient ensuite aux dignitaires de la secte. Ils rejetaient le baptême ; pour ce qui est de la pénitence, ils se confessaient aux laïques, expliquant leurs péchés in specie, et comptant par là obtenir la rémission pleinière a pœna et a culpa. Ils rejetaient la présence réelle dans l’eucharistie ; le mariage était pour eux juratum meretricium ; l’extrême-onction, ils s’en moquaient : « plus y a d’huile dans la salade, disaient-ils quand on leur en parlait, meilleure elle est. » La consécration des églises, des cimetières, la bénédiction des rameaux, du sel, de l’eau et autres choses qui se pratiquent chez les chrétiens, ce n’était rien pour eux. Dieu, disaient-ils, encore, ne sait, ni ne punit le mal qui se fait sous la terre ; aussi dans leurs réunions, en des cavernes souterraines, se livraient-ils aux pires excès, père avec fille, frère avec sœur, fils avec mère. L’Église romaine ils la méprisaient, ne respectaient ni ses jeûnes, ni ses fêtes, travaillant le jour de Pâques et mangeant de la viande même le vendredi saint. Le parjure n’était pas un péché ; et ils niaient les mérites et l’intercession des .saints. Ils professaient encore bien d’autres impiétés, qu’on omet ici pour faire bref. » Annales Novesienses, dans Martène et Durand, Veterum scriptorum… amplissima collectio, t. iv, col. 581, 582.

Les Annales ajoutent que grand était le nombre de ces sectaires en Autriche, en Bohême et dans les terres voisines. A Vienne l’on brûla un de leurs maîtres, lequel confessait qu’en Bohême, en Autriche et dans les confins il y avait à cette époque plus de quatre-vingt mille adhérents, sans parler de ceux qui vivaient en d’autres pays. Cette peste a continué d’infester la Bohême jusqu’à nos jours. Quant à l’Autriche, un grand nombre de ces hérétiques furent brûlés à cette époque-là, et tous montrèrent, jusqu’à la mort, une incroyable opiniâtreté, marchant au supplice avec joie. On signale, en particulier, une jeune fille fort belle, nommée (lista ; au moment où elle allait être brûlée, le juge lui demanda si elle était encore vierge. Elle répondit : « Oui sur la terre je suis encore vierge, mais sous la terre nullement. » Credebant enim fatui virgines sub terra non posse deflorari, etiamsi a mille l’iris cognoscerentur, neque taie stuprum esse peccatum. (Allusion aux déprévations sexuelles qui étaient censées se passer dans les Busskeller.) Ibid., col. 583. Voir aussi d’autres références dans K. Scbrôdl, Passavia sacra, Passau, 1879, p. 242, 243.

Très sensiblement à la même époque, l’évêque de Prague, Jean de Drazik, est accusé, en cour d’Avignon, d’avoir laissé l’hérésie se répandre dans son dio-I. e réquisitoire dressé contre lui par un chanoine de la cathédrale déclare qu’il y a dans la ville de Prague et dans le diocèse une grande quantité d’hérétiques », dont il donne les caractéristiques : rejet de tout serinent, erreurs sur le pouvoir des clefs, rejet de la résurrection et de l’unité de l’essence divine. docétisme. Ces sectaires ont constitue toute une lue rarchie avec un archevêque et sept évoques, chacun de ces derniers s sous sa juridiction trois cents béré tiques, (.es prélats tiennent des réunions nocturnes dans des cavernes ; qutd autan post rrsrcrabiles prædlcatlonu suas txsttncto faciunt lumlne, nub tllenilo, ptncundlm gratta, prmtertmus, Parmi leurs infâmes

erreurs, ils tiennent aussi que Lucifer finira un jour par régner. Contre ces lu reliques, l’evcque procède avec beaucoup trop de mollesse, allant jusqu a tain

remettre en liberté quatorze prévenus, qui avaient été reconnus coupables et devaient être livrés au bras séculier. Voir le texte dans F. Palacky, Ueber die Beziehungen und das Yerhâltniss der Waldenser zu den ehemaligen Secten in Bôhmen, Prague, 1869, p. 11, 12. Comparer le récit que fait Dubravius d’une persécution dirigée par le roi de Bohême contre des dolcinistes, dont quatorze furent brûlés en 1315. Ce pourraient être les mêmes que les quatorze prévenus signalés la même année par le réquisitoire du chanoine. Dubravius, Historia Bohemise, Prague, 1552, p. 128 b.

En 1336, on signale également à Angermûnde (Brandebourg ) un nid de lucifériens, luciferianorum nomine infâmes, parmi lesquels l’Inquisition fit quelques victimes. Citations dans U. Hahn, Geschichte der Ketzer im Miltelaller, t. ii, Stuttgart, 1847, p. 524, n. 4.

C’est encore au même moment que la Chronique de Jean de Winterthur place la découverte en Autriche de lucifériens dont elle rapporte abondamment les rites. La description a plusieurs traits communs avec celle qu’en fait Grégoire IX d’après Conrad de Marbourg. Il s’agit toujours de réunions dans des cavernes, mais Lucifer apparaît sous la forme d’un roi portant un diadème étincelant, un sceptre, des vêtements splendides, entouré d’une nombreuses armée ; il se proclame roi du ciel ; après une sorte de communion, les lumières sont éteintes, et la débauche commence, fréquenter vir in virum, fœmina in fœminam lurpitudinem exercet. Le bon moine, qui raconte gravement toutes ces diableries, ne doute pas que ces hérétiques ne soient tout spécialement les fils de Satan. Chronic. J. Vitodurani, dans J.-G. Eccard, Corpus historicum medii xvi, t. i, col. 1834-1835, cf. col. 1839, 1840. Un peu plus tard la Chronique anonyme de Léoben signale le geste sacrilège d’un prêtre qui, à Salzbourg, en pleine cathédrale, répand à terre le précieux sang contenu dans le calice. Arrêté et cité en jugement, il déclare : que juifs et païens peuvent être sauvés sans le baptême, que le corps du Christ n’est pas présent sur l’autel, que les démons pourront revenir à leur dignité première, parce qu’ils n’ont péché qu’en pensée. Il fut dégradé, livré au bras séculier et brûlé. Anonym. leobiensis chronicon, dans Pez, Scriptorcs rcrurn austriac, t. i, col. 957.

Un dépouillement minutieux des chroniques révélerait, à coup sûr, que l’accusation de doctrines ou de pratiques lucifériennes se retrouva dans nombre de procès d’hérétiques. Beaucoup des malheureux accusés durent, sous la contrainte de la torture, avouer qu’ils croyaient à ces enseignements et qu’ils avaient pratiqué ces rites obscènes ou grotesques. Voir par exemple dans I. Doellinger, Beitràge zur Sektengeschichte des Mittclalters, t. ii, Dokumente, p. 370-371, la confession d’un manichéen : Error Katerorum de. alla vtta, quem prodidit Lepzei luereticus in facic burgensium ri populi Colon(iensis). Elle commence par reproduire avec des variantes le récit de l’initiation que nous avons lu dans la bulle de Grégoire IX, et elle ajoute quelques préi i sions sur le dogme : Les cathares croient que le Dieu du ciel, qu’honore la sainte Kejise. est un I Heu injuste, lequel a. par violence, expulsé du ciel Lucifer leur Dieu, qu’ils appellent leur père suprême, et qui a créé toutes les choses visibles et le corps humain. A la fin des siècles, Lucifer recouvrera son empire : alors le soleil et la lune ayant procréé un enfant qui sera l’Antéchrist. c’est par son aide qu’il vaincra Michel et le Dieu du ciel et affermira son empire (texte visiblement altéré dans le latin, je traduis d’après les indications fournies PU les autres sources). Certains de Cet hérétiques pra

tiquent de grandes pénitences tn aaztltum Dei tut pour qu’il triomphe du notre, comme l’a confesse publiquement le dit l.ep/el. a savoir que, cinq année, durant, il avait porté un ciliée a même la chair pour le