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LUCIFER DE CAGLIAIU — LLCIFÉRIENS


tiitions impériales visaient seulement les hérétiques et que les lucifériens ne pouvaient être considérés connue tels. C’est sans doute après l’issue favorable de ce procès qu’Éphésius, accompagné des deux prêtres Faustin et Marcellin, se transporta en Orient, afin de resserrer les liens entre les schismatiques latins et certaines communautés grecques de mêmes tendances. A Oxyrhynque il se rencontra avec un certain Héraclidas qui avait été ordonné évêque par des prélats catholiques, à l’époque de l’intrusion à Alexandrie de Georges de Cappadoce, et qui se trouvait pour lors en lutte ouverte avec l’évêque Théodore, revenu à résipiscence. Lib., n. 26 sq., col. 101-103. La communauté d’Héraclidas n’était donc pas, à proprement parler, une chapelle luciférienne, mais elle s’inspirait des mêmes principes qu’avait propagés l’évêque de Cagliari. — Alors qu’Éphésius se trouvait auprès d’Héraclidas, il fut sollicité de se rendre à Éleuthéiopolis, un des lieux d’exil de Lucifer, par une vierge chrétienne, nommé Hermione. Ce lui fut une occasion de nouer des rapports avec le monastère auquel présidait cette femme et aussi avec un petit groupe de dissidents qui ne voulaient pas se rallier à la grande Église. Éphésius leur laissa ses deux prêtres Faustin et Marcellin, dont l’action ne tarda pas à leur attirer des représailles de la part de l’évêque catholique, Turbo. Ibid., n. 29-31, col. 103, 104.

Les violences dont les deux prêtres lucifériens furent alors victimes les déterminèrent à s’adresser à Théodose pour obtenir de l’autorité impériale aide et protection. Nous avons dit que leur requête fut favorablement accueillie, et comment le gouvernement reconnut le droit à l’existence des groupements lucifériens en communion avec Grégoire d’Elvire pour l’Occident et Héraclidas d’Oxyrhinque pour l’Orient. Or, c’est de ce moment où la reconnaissance légale leur est acquise que nous perdons toute trace directe des communautés lucifériennes. Nous avons vii, ci-dessus, que les hérésiologues postérieurs n’en parlent plus que par ouï-dire. Ainsi, du temps de saint Augustin, elles avaient probablement disparu.

I. Sources.

Les sources principales, Rufin, Socrates, Sozoméne, ïhéodoret d’une part, l’AItercatio de saint Jérôme et le Libellus precum d’autre part, ont été indiquées au cours de l’article.

Les œuvres de Lucifer ont été publiées pour la première fois par du Tillet, évêque de Meaux en 1568. Elles sont passées de là dans la Maxima Biblioih. vet. Pair uni de Lyon, t. iv, p. 181-253, édition pour laquelle on eut l’idée funeste de ramener à la lettre de la Vulgate hiéronymienne les citations scripturaires. Cotelier s’était préoccupé de remédier à ce défaut, il ne put aboutir. Gallandi profita jusqu’à un certain point de ses travaux dans la Biblioih. vet. Patrum, t. vi, 1770, p. 155-160. Enfin les deux frères Coleti, publièrent à Venise, en 1778, une édition plus correcte ; c’est celle qui est passée dans P. L., t. xiii, col. 691-1042. G. Hartel a donné une édition critique dans le Corpus de Vienne, t. xiv, 1886.

II. Travaux.

Baionius, Annales, an. 362, n. 213-225 ; an. 371, n. 121-127 ; an. 388, n. 98 ; A. Machini, Defensio sanetitatis Beati Luciferi, Cagliari, 1639-1640 ; Papebroch, Aeta sanetorum, mai, t. v, Anvers, 1685, p. 197*-225* soutient avec âpreté la sainteté de Lucifer ; Tillemont, Mémoires, t. vii, p. 514-529, 763-766 ; les Coleti, préfaces de leur édition, dans P. L., t. xiii, col. 695-760 ; G. Kriiger, Lucifer Bischof von Calaris und das Schisma der Luciferianer, Leipzig, 1886, voir aussi du même l’art. Lucifer, dans Prolest. Realencyclopàdie. — Plus récemment, L. Saltet est revenu à plusieurs reprises sur la question des fraudes littéraires dont se serait rendu coupable le parti luciférien : V La formation de la légende des papes Libère et Félix, dans le Bullel. de littéral, ecclés., 1905, p. 222-236 ; 2. Fraudes littéraires des schismatiques lucifériens, ibid., 1906, p. 300326, où il cherche à montrer que les lucifériens ont fabriqué : a) les deux lettres d’Athanase à Lucifer ; b) un traité De Trinitate, mis sous le nom d’Athanase et dont la recension la meilleure est encore inédite ; c’est une recension

beaucoup moins bonne qui forme les huit premiers livrer d’un De J’riiiilate qui figure sous le nom de Vigile de ThapM dans P. y.., t. i.xii, col. 287-33) ; ce traité est en relations étroites avec le De fide de Grégoire d’Elvire ; 3. Les lettres du pape Libère de 357, ibid., 1907, p. 279-283, achève la démonstration esquissée plus haut que les lettres de Libère sont un faux luciférien. Voir ici Libère, col. 651.

É. Amann.
    1. LUCIFÉRIENS##


LUCIFÉRIENS. — Ce nom, qui a désigné dans l’antiquité chrétienne les partisans de Lucifer, évoque de Cagliari, a été donné au Moyen Age à différents sectaires qui passaient, à tort ou à raison, pour rendre un culte au prince des démons.

On sait que le nom de Lucifer, durant les premiers siècles de l’Église, a été appliqué au Christ, le véritable porte-lumière. Cf. dans X’Exsultet du samedi saint : Flammas ejus (du cierge pascal) lucifer matutinus inventât, Me inquam Lucifer qui nescit occasum. Depuis le haut Moyen Age, par suite de l’application au prince des démons du passage d’Isaïe sur la chute aux enfers du roi deBabylone, Is., xiv, 12, on a interprété de Satan l’apostrophe célèbre : Quomodo cecidisti de cœlo Lucifer qui mane oriebaris ? Le mot de Lucifer est finalement devenu le nom propre de celui que l’Écriture sainte appelait Satan. On donnera dès lors le nom de lucifériens aux sectaires que l’on soupçonnait d’adorer le démon ou tout au moins de lui rendre hommage. Le nom même de lucifériens se retrouve d’ailleurs assez rarement dans les textes ; la mention d’un culte rendu au démon est, par contre, extrêmement fréquente. Mais l’on n’entend pas traiter ici de toutes les formes de satanisme, lesquelles vont en se multipliant à la fin du Moyen Age et au début des temps modernes. C’est sous la rubrique Sorcellerie qu’il conviendra de les étudier. On envisagera simplement ici un certain nombre de manifestations hétérodoxes, qui ont au moins ceci de commun, qu’elles professent sur la nature, les prérogatives, le sort ultime du démon, des idées toutes différentes de celles qu’enseigne la doctrine catholique. Le fait que l’on citera les unes après les autres ces diverses apparitions hérétiques ne préjuge pas de leur filiation. Dans l’état fragmentaire de nos connaissances sur les hérésies du haut Moyen Age, il semble prématuré de vouloir établir entre les différentes sectes des liens de parenté qui risquent fort de ne représenter rien d’autre que les constructions plus ou moins logiques des chercheurs.

On étudiera successivement : I. Les doctrines lucifériennes en Orient. II. Les doctrines et pratiques lucifériennes en Occident au xie siècle (col. 1045). III. L’opinion publique et le luciférianisme au xir » siècle (col. 1046). IV. Les lucifériens allemands au début du xme siècle (col. 1048). V. Les lucifériens au xive siècle (col. 1052).

I. Doctrines lucifériennes en Orient.

Si l’on fait abstraction des hérésies filles du gnosticisme d’une part, et du manichéisme ancien d’autre part, pour se cantonner dans l’étude des sectes médiévales, on peut dire que la mention la plus claire de doctrines lucifériennes est celle qui se rencontre dans la Panoplie dogmatique d’Euthymius Zigabénus (fin du xie siècle). Cet auteur, renseigné par l’empereur Alexis I er Comnène, qui avait fait sur le sujet une enquête personnelle, attribue aux bogomiles de Bulgarie, qui sont en réalité des néo-manichéens, les doctrines suivantes : « Ils disent que le démon est le fils même de Dieu le Père, et l’appellent Satanaël ; il est plus ancien et plus puissant que le Fils-Verbe, étant son aîné. Tous deux sont frères. Satanaël était, on peut dire, l’administrateur de la puissance paternelle. Mais il fomente contre le Père une révolte ; finalement il est chassé du ciel. Il n’en conserve pas moins sa puissance créatrice ; c’est lui qui a créé la terre et tout ce qu’elle porte, façonné le corps d’Adam, auquel il a fait donner par le Dieu Père