Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/527

Cette page n’a pas encore été corrigée
1039
1040
LUCIFER DE CAGLIARI. LE SCHISME LLCIFÉRIEN


Sur la date, voir F. Cavallera, Saint Jérôme, sa vie et son œuvre, t. ii, p. 18, qui pencherait pour Antioche, 379, sans que les raisons apportées suffisent à nous convaincre..

2. Beaucoup plus explicite et plus exactement datée est la requête connue sous le nom de Libellus precum, qui forme le n. 2 de la Collectio Avellana. Voir Faustin, t. v, col. 2105-2107. Rédigée par deux prêtres lucifériens d’origine romaine, Faustin et Marcellin, cette requête est adressée aux empereurs Valentinien (II), Théodose et Arcadius, et donc en 383 ou 384, pour obtenir au parti la protection impériale contre les vexations dont l’accableraient les catholiques. Elle expose assez longuement les raisons qui ont amené un certain nombre d’orthodoxes intransigeants à se séparer du gros de l’Église, proteste contre l’appellation de Lucifériens que l’on veut donner aux membres de la secte, car les requérants prétendent bien ne pas former une secte, mais représenter le catholicisme le plus authentique, et s’efforce de mettre en lumière les témoignages divins qui tendent à accréditer le groupement. Ceci amène les auteurs à faire un véritable tour d’horizon, et à signaler l’existence des diverses communautés lucifériennes. Cette pièce intéressante est suivie d’un rescrit adressé par Théodose au præfectus Urbis de Rome, Cynégius, accordant la protection impériale « à ceux qui sont en communion avec Grégoire d’Elvire et l’évêque orienta Héraclidas » contre ceux qui pourraient les attaquer ; car l’empereur tient tout ce monde pour catholique. Par ailleurs, on a considéré longtemps comme faisant partie du Libellus precum, dont elle formerait la préface, la pièce n. 1 de la même Collectio Avellana qui raconte la lutte entre Félix et Libère. Voir ci-dessus col. 638. Cette hypothèse, déjà combattue par Tillemont, Mémoires, t. vii, p. 766 b, n’est plus soutenable depuis la publication intégrale par O. Giinther de la Collectio Avellana, dans le Corpus de Vienne, t. xxxv. Voir aussi le texte du Libellus precum, dans P. L., t. xiii, col. 83107 ; la prétendue préface, col. 81-83.

3. Bien que, sitôt après 384, la secte ne donne plus guère signe de vie, elle ne laisse pas d’être mentionnée par les hérésiologues postérieurs. Saint Augustin ne l’a pas connue directement mais en rend compte d’après un ouvrage anonyme qui lui est tombé sous la main : « Les lucifériens, dit il, tirent leur origine de Lucifer de Cagliari, et sont nommés d’après lui. Ni Épiphane, ni Philastre ne les placent parmi les hérétiques, sans doute parce qu’ils croient qu’ils sont seulement fauteurs de schisme, mais non d’hérésie. Pourtant, dans un traité anonyme, j’ai lu que les lucifériens doivent être classés parmi les hérétiques. Les lucifériens, dit ce texte, bien qu’ils tiennent en tout la vérité catholique, tombent pourtant dans une erreur tout à fait stupide. Selon eux, l’âme est engendrée par transfusion, elle est de chair, de la substance même de la chair. L’auteur anonyme croit-il qu’il faille les placer parmi les hérétiques à cause de cette opinion sur l’âme (si tant est qu’ils la soutiennent) ou les tient-il pour hérétiques quelle que soit leur opinion sur ce point, à cause de leur obstination dans le schisme, c’est une autre question, dont ce n’est pas le lieu, semble-t-il, de traiter ici. » Hseres., 81, P. L., t. xlii, col. 45. Même accusation dans Gennade, De eccles. dogm., 14, P. L., t. lviii, col. 984.

La même indication d’une erreur sur l’origine de l’âme paraît dans le traité pseudo-hiéronymien appelé Indiculus de hæresibus, sur les origines duquel on est fort mal renseigné. Luciferiani cum teneant in omnibus catholicam veritatem in hune errorem stultissimum perlabuntur, ut animam dicant ex transfusione generari, eamdemque dicunt et de carne et de carnis esse subsiantia, n. 25. Dans Œhler, Corpus hæreseologicum,

Berlin, 1856, 1. 1, p. 294. Quant à savoir si cette notice de pseudo-Jérôme est la source où a puisé Augustin, ou si au contraire elle dérive de la notice de l’évêque d’Hippone, c’est une question difficile à résoudre. Voir G. Kriiger, Lucifer, p. 63-66 et les notes.

Le Prsedeslinatus, n. 81, n’accuse pas Lucifer d’hérésie, mais seulement de schisme. Cet évêque était catholique en tout, mais en rendant les peuples lucifériens, luciferianos faciendo populos, et en se séparant de l’Église, il a supprimé de sa foi la charité. P. L., t. lui, col. 614-615.

Isidore de Séville est bien renseigné, sans doute par l’Altercatio de Jérôme, sur les origines du schisme : « Les lucifériens tirent leur origine de Lucifer, un évêque de Sardaigne. Il s’éleva contre les évêques catholiques qui, durant la persécution de Constance, avaient consenti à la perfidie arienne, et, s’étant ensuite corrigés, étaient revenus à l’Église catholique, condamnant ce qu’ils avaient cru ou fait semblant de croire. L’Église catholique les reçut dans son sein maternel, comme Pierre, après qu’il eut pleuré son reniement. Cette charité maternelle fut mal prise par ces orgueilleux, qui, ne voulant pas recevoir ces repentis, se séparèrent de la communion de l’Église, et ainsi méritèrent de tomber avec leur chef Lucifer, cet astre de lumière qui précédait l’aurore, a Elym., t. VIII, c. v, De hæres. christ., n. 55, P. L., t. lxxxii, col. 303, De cette notice isidorienne dérive celle d’Honorius Augustodunensis, Hseres., 71, P. L., t. clxxii, col. 238 D.

Doctrines de la secte.

 Si l’on néglige l’opinion

très particulière relative à l’origine de l’âme, opinion dont il n’est pas sûr qu’elle ait été partagée par les lucifériens, on est surtout renseigné sur les doctrines de la secte par le dialogue de saint Jérôme, et le Libellus precum, celui-ci prenant plutôt les choses au point de vue historique, celui-là insistant davantage sur les positions dogmatiques.

Au concile d’Alexandrie de 362, avons-nous dit, diverses questions se posaient, les unes relatives au dogme, les autres concernant les personnes. La plus importante parmi ces dernières était celle de l’attitude à prendre à l’endroit des évêques qui, soit à Rimini, soit à Séleucie, avaient souscrit des professions de foi suspectes. Ces évêques étaient légion. Parmi eux beaucoup n’avaient signé que par lassitude ou par crainte, sans trop voir peut-être la portée de la démarche à quoi les obligeait l’arbitraire impérial. Maintenant que, depuis l’édit de Julien l’Apostat, la liberté de conscience paraissait retrouvée, quelle serait à l’égard des prévaricateurs l’attitude des évêques restés fidèles, les uns demeurés, on ne sait trop comment, dans leurs diocèses, les autres exilés pour leur foi et qui allaient rentrer’? Et, pour ces derniers, une double alternative se présentait. Ou bien ils n’avaient pas été remplacés. Comment traiteraient-ils leurs voisins qui n’avaient dû qu’à leur lâcheté de demeurer sur leurs sièges ? Ou bien, ils avaient été remplacés, quelle attitude prendraient-ils à l’endroit de ceux qu’on leur avait substitués ? Il ne semble pas que ce deuxième cas fut fréquent, du moins en Occident, et nous ne voyons pas que le concile d’Alexandrie s’en soit autrement préoccupé. Le premier cas était la règle la plus générale, et le concile l’avait réglé avec la plus grande largeur d’esprit : « On nous a rapporté, disait la lettre synodale rédigée par Athanase, que nombre de ceux qui, en ces derniers temps, se sont séparés de nous, veulent à présent faire la paix avec nous, que beaucoup se séparent de la secte des ariens et recherchent notre communion…. Nous sommes heureux de ces nouvelles et nous désirons de tout cœur que ceux qui sont encore loin de nous et semblent encore marcher avec les ariens, s’échappent au plus