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LAZARISTES (CONGRÉGATION DES)


craindre : scienlia inflat ; et ceux qui n’en ont point, c’est encore pis, s’ils ne s’humilient. » Collection saint Vincent de Paul, Paris, 1920-1925, t. xi, p. 128.

Il faut savoir pour convertir ; mais le nombre des conversions se proportionne-t-il d’ordinaire aux degrés du savoir ? Non ; la vertu a sa part, et cette part est plus grande que celle de la science. « L’on ne croit point un homme pour être bien savant, mais pour ce que nous l’estimons bon et l’aimons. Le diable est très savant, et nous ne croyons pourtant rien de ce qu’il dit, parce que nous ne l’aimons pas. Il a fallu que Notre-Seigneur ait prévenu de son amour ceux qu’il a voulu faire croire en lui. Faisons ce que nous voudrons ; l’on ne croira jamais en nous si nous ne témoignons de l’amour et de la compassion à ceux que nous voulons qu’ils croient en nous. t> Collection saint Vincent de Paul, 1. 1, p. 295 ; voir aussi t. xr, p. 65.

Tel est le principe ; voici maintenant les conclusions : « Travaillons humblement et respectueusement. Qu’on ne défie point les ministres (protestants) en chaire ; qu’on ne dise point qu’ils ne sauraient montrer aucun passage de leurs articles de foi dans la sainte Écriture, si ce n’est rarement et dans l’esprit d’humilité et de componction ; car autrement Dieu ne bénira point notre travail ; l’on éloignera les pauvres gens de nous ; ils jugeront qu’il y a eu de la vanité en notre fait et ne nous croiront pas. » Collection saint Vincent de Paul, t. i, p. 295. — Ces mots que saint Vincent adressait à un de ses missionnaires pour réprimer un zèle exagéré et maladroit, restent toujours vrais.

Saint Vincent avait lui-même expérimenté l’efficacité de cette méthode, et il le rappelle ailleurs : < Il a plu à Dieu de se servir de ce misérable à la conversion de trois personnes… ; la douceur, l’humilité et la patience, en traitant avec ces pauvres dévoyés, est l’âme de ce bien. » Collection saint Vincent de Paul, t. 1, p. 66.

L’apologétique pratique, celle qui mène à des résultats, n’est donc pas seulement faite d’argumentation. A côté de l’apologétique qui s’adresse à l’esprit, il y a celle qui parle au cœur ; l’une complète l’autre. Si saint Vincent appuie davantage sur la seconde, c’est qu’il lui reconnaît plus d’efficacité.

Jamais pourtant il ne négligea la première. Aux leçons de théologie qui se donnaient à Saint-Lazare, il ajouta des exercices pratiques de controverses. Ces réunions revêtaient une certaine solennité, car toute la communauté y assistait, et avec elle des invités du dehors. On y vit des controversistes fameux, tels que le P. Véron, Girodon, docteur en Sorbonne, et un laïque de grande réputation, Beaumais, qui partageait son temps entre les discussions théologiques et son commerce de mercerie. Après avoir entendu l’argumentation de deux jeunes scolastiques, dont l’un contrefaisait le huguenot, ces savants exposaient leurs méthodes et donnaient leurs conseils.

Saint Vincent de Paul y prenait aussi la parole. Il ne se lassait pas de dire à ses jeunes disciples : « Étudiez, étudiez. » Et aussitôt il ajoutait : « Étudiez pour mieux servir Dieu, non pour paraître ; scienlia inflat. » Et encore : « Défiez-vous des opinions particulières et nouvelles. Règles communes, c. xii, art. 7 et s.

En disant ces mots, sa pensée se reportait sur un compatriote et ancien ami, homme d’une vaste érudition, que l’orgueil avait eut rainé hors des voies de l’orthodoxie, sur Jean Duvergier de Ilauramie. abbé de Saint -Cyran. Aux jours ou il s’épanchait I il urmiiit. cet abbé avait mis saint Vincent au courant de ses projets : réformer l’Église, qui n’était plus celle du

Christ, pour revenir a l’Église primitive, qui était la

seule véritable. A l’abbé de Saint (’.ratl avait Succédé Antoine Arnauld, auteur d’un livre sur la fréquente communion qui semblait enseigner que, pour recevoir

la sainte eucharistie, il faut une pureté angélique. N’était-ce pas tendre à détourner les fidèles de la communion ? N’était-ce pas donner à conclure que ceux qui communient souvent, ou disent la messe tous les jours, comme le faisait Arnauld lui-même, étaient des téméraires et des orgueilleux ? Devant ce résultat et cette inconséquence le bon sens de saint Vincent se révoltait.

On ne dira jamais assez tout le zèle déployé par le saint prêtre pour étouffer, dès sa naissance, un mouvement qui devait pendant deux siècles jeter la division et le trouble dans l’Église de France. Les sacrements étaient délaissés, le dogme contredit, l’Église combattue ; il était du devoir de Vincent de Paul d’agir ; il agit. S’il ne put extirper l’hérésie, il en limita les ravages. Membre du Conseil de conscience, il éloigna les novateurs des chaires des universités et des sièges épiscopaux ; supérieur de plusieurs communautés, il les maintint dans l’orthodoxie par une vigilance continuelle. A ceux de ses amis qu’il voyait séduits par l’austérité de la nouvelle doctrine, il tendait une main secourable. S’il ne put les relever tous, il en retint un grand nombre. Hippolyte Féret, vicaire général de Paris, qu’il avait éclairé sur les véritables desseins du parti, lui fut toujours reconnaissant de ce service. Sur les évêques d’Alet et de Pamiers, Nicolas Pavillon et Etienne Caulet, son influence fut réelle. Il est vrai que ces deux prélats refusèrent de s’associer à leurs collègues de l’épiscopat français quand on les pria de signer la supplique envoyée à Rome pour dénoncer les erreurs jansénistes ; mais cela tenait moins à une divergence de doctrine qu’à une différence de tactique ; ils étaient persuadés que le silence aurait plus vite raison du jansénisme qu’une condamnation. S’ils ne faisaient pas acte de sagesse en s’abstenant, leur abstention n’avait rien d’opposé à l’orthodoxie. Aussi saint Vincent continua-t-il de leur donner sa confiance. Etienne Caulet prêcha une retraite d’ordination à Saint-Lazare en 1656, deux en 1657 ; sur l’invitation du saint, il fit le voyage de Senlis, en 1 656, pour décider Jean Deslyons à se soumettre au pape. Quand ses affaires l’appelaient à Paris, il était l’hôte de Saint-Lazare. C’est aussi dans cette maison que Pavillon fut invité à descendre avec son équipage et sa famille quand, en 1657, les États de Languedoc le députèrent vers le roi. Ce fut seulement après 1660, quand le saint fondateur de la Mission n’était plus là pour les aider de ses conseils, que les évêques d’Alet et de Pamiers résistèrent ouvertement aux prescriptions du Saint-Siège.

L’action du saint dépassait le cercle de ses amis et de ses disciples. Décidé, vu les profonds ravages que causait le jansénisme, à obtenir une condamnation de l’autorité suprême, il recueillit les signatures des évoques, envoya des docteurs à Rome pour déjouer les intrigues du parti, leur procura les fonds nécessaires, et, quand le souverain pontife se fut prononcé, il redoubla d’efforts pour amener les dissidents à l’obéissance.

Saint Vincent de Paul savait admirablement concilier les devoirs de la charité avec ceux de la foi ; s’il détestait et combattait les idées, il aimait et respectait les personnes. Un mot de lui aurait pu attirer sur l’abbé de Saint -Cyran, de la part de Richelieu, les châtiments les plus redoutables ; ce mot, qu’on lui demandait avec instance, il refusa de le prononcer. Il alla jeter de l’eau bénite sur le cercueil de l’abbé, donna l’abbaye de Saint -Cyran a son neveu et fidèle disciple M. de BarcOS, continua d’entretenir des rclat mus avec des personnes que n’eltrax ait pas. ou même qui regardaient d’un OSU favorable le mouvement de l’"ii Royal, comme la reine de Pologne, Anne Marie

de l ronzague et son confesseur Fleurj ; Jean i ►esrj ons, doyen de Senlis ; Henri Arnauld, évoque d’An