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LUC (SAINT). SOTERIOLOGIE


passera pas avant l’avènement du règne de Dieu, ne s’appliquent pas sans doute à la parousie, mais à l’établissement du royaume de Dieu sur la terre, dont la ruine de Jérusalem marquera une des étapes décisives. Par ailleurs, il y a dans le troisième évangile des textes très nets qui marquent un intervalle de temps indéterminé entre l’inauguration du royaume de Dieu et son achèvement par la venue glorieuse du Fils de l’homme, à tel point que les critiques qui attribuent à Jésus la croyance à une fin du monde imminente estiment que saint Luc a modifié les paroles du Christ : noter en particulier : les temps des nations, xxi, 24, expression qui désigne la période qui suivra la ruine de Jérusalem, pendant laquelle la domination des gentils succédera à la puissance juive, et la parabole des mines xix, 11-27, dite par Jésus, selon l’indication de l’évangéliste, pour éclairer ceux à qui il semblerait que le règne de Dieu allait apparaître sur le champ, t, 11, et dont l’application au Christ par voie d’allégorie montre que celui-ci ne va pas se manifester tout de suite pour le grand jugement, mais qu’il va s’éloigner un certain temps pendant lequel ses serviteurs devront travailler pour lui. D’ailleurs, au point de vue des conséquences pratiques pour la vie morale, c’est le moment où la destinée de chacun est réglée en vue de l’éternité qui est le véritable avènement du souverain juge, et tel est le point de vue dominant dans les recommandations de vigilance que saint Matthieu place dans le grand discours apocalyptique, mais dont saint Luc fait un discours spécial, ix, 35-48, où les destinées individuelles sont au premier plan, et où « la venue du Fils de l’homme ne semble plus que le sceau opposé à chaque existence ». Lagrange, op. cit., p. 366 et cxlii-cxlvi. Cf. aussi sur l’eschatologie des synoptiques, J. B. Colon, La conception du salut d’après les évangiles synoptiques, dans Revue des sciences religieuses, 1923, p. 62 sq.

Les conditions du salut.

1. Le salut offert à tous.

— Les trois synoptiques citent des paroles de Jésus et rapp<rtent des faits, d’où il ressort, à moins d’en rejeter l’authenticité, que Jésus est venu sauver non seulement les Juifs, mais toutes les nations.

Cet universalisme est plus marqué encore dans le tro.sième évangile. Saint Luci, en effet, ne mentionne pas certaines paroles où Jésus semble réserver à Israël le bienfait de la prédication de l’Évangile. Matth., x, 6, 23. Dans le cantique de Siméon, Jésus est dit la lumière qui doit éclairer les nations, ii, 30-32, et dans le texte d’Isaïe où les trois synoptiques voient l’annonce du Messie et de la mission du Précurseur, saint Luc cite seul la fin du passage, très caractéristique dans le sens universaliste : « Toute chair verra le salut de Dieu. « iii, 6. Le troisième évangile insiste aussi plus que les deux autres synoptiques sur l’attitude de Jésus à l’égard des Samaritains : il note que, après la guérison des dix lépreux, xvii, 16, c’est un samaritain qui, seul, vient remercier Jésus, et il rapporte la parabole où le bon samaritain joue un rôle très significatif, x, 25-27. D’autres récits, et d’autres paraboles, propres à saint Luc, tendent à montrer que non seulement le salut n’est pas une question de race, mais que les plus décriés, et même les plus coupables, peuvent y avoir accès s’ils se repentent et sollicitent le pardon : de Zachée, nix, 1-10, et de la pécheresse, vii, 0 ; paraboles de la brebis pe duc, v, 1-10, de 1 enfant prodigue, xv, 11-32, du pharisien et du publiciin. xyiii, 9 1 1. Pour la ré’utation des critiques qui soutiennent cpie saint Luc a introduit par voie d’ailé-Koiie la doctrine univen aliste du salut dans l’enseignement de Jésus, a qui elle était étrangère, cf. I il., p. 477 507

2. Lis ranimions morales et les moyens de salut. -a ) Conditions générales. Lei condition ! générales de

salut indiquées par Jésus sont sensiblement les mêmes dans le troisième évangile que dans les deux premiers, qu’il s’agisse de la lettre des préceptes et des conseils ou de l’esprit qui les inspire : la foi, le renoncement à soi-même et aux biens de la terre, l’attachement à Jésus, la charité fraternelle.

Saint Luc insiste spécialement sur le repentir et la pénitence, dont il montre l’efficacité comme il a déjà été dit, et aussi sur la charité envers le prochain. A ce dernier point de vue, il faut noter que le discours dans la plaine, vi, 20-49, qui est parallèle au discours sur la montagne de saint Matthieu, porte presque exclusivement sur les devoirs de la charité fraternelle, et que la perfection chrétienne semble s’y résumer dans la miséricorde : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait, » c’est un logion rapporté Matth., v, 48 ; dans saint Luc, qui semble faire de la miséricorde divine, dont il rappelle tant de traits, l’attribut essentiel du Dieu de l’Évangile, ce logion est donné sous la forme : « Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux. » vi, 36.

b) La prière. — Il y a, dans les deux premiers évangiles, de nombreuses exhortations à la prière. Mais saint Luc insiste davantage sur ce moyen de salut, nécessaire et toujours efficace pour obtenir le secours de Dieu, et il rapporte avec complaisance les enseignelents et les exemples de Jésus sur ce point. Il note, beaucoup plus fréquemment que les deux autres synoptiques, que Jésus priait souvent au cours de sa vie publique : iii, 21 ; v, 16 ; vi, 12 ; ix, 18, 29 ; xi, 1 (tous ces textes sont propres au troisième évangile). Il groupe au c. xi, 1-13, une série d’invitations à la prière et d’affirmations de son efficacité, qu’il rattache à l’enseignement de l’oraison dominicale, tandis que saint Matthieu les rapporte en d’autres contextes. 11 revient encore sur ce sujet au c. xviii, 1-15, où il place deux paraboles qui ne figuient pas dans les deux autres synoptiques, celle du juge et de la veuve, celle du pharisien et du publicain, dont l’objet principal est encore l’efficacité de la prière, xviii, 1, et l’humilité comme condition pour que la prière soit agréable à Dieu. Enfin, au précepte de la vigilance continuelle de Matth., xxv, 13, et Marc, xiii, 33, saint Luc ajoute celui de la prière en tout temps, xxi, 36.

c) Le détachement des richesses. — Les trois synoptiques reproduisent des enseignements de Jésus sur le danger des richesses et sur l’aumône qui est le meilleur emploi à en faire. L’histoire du jeune homme riche, qui ne se décide pas à suivre Jésus, parce qu’il avait de grands biens, qu’il ne se résout pas à vendre et à distribuer aux pauvres, selon le conseil du Sauveur, se trouve également dans les trois premiers évangiles, Matth., xix, 16-30 ; Marc, x, 17-31 ; Luc, xviii, 18-30. Il n’y a donc pas lieu d’attribuer à saint Luc, ou plutôt à une source de caractère ébionite qu’il aurait utilisée, cet enseignement sur la richesse. Il n’est pas douteux néanmoins que saint Luc n’ait fait a ce thème une place plus importante, et qu’il ne se soit attaché avec complaisance à rapporter les sentences de Jésus en faveur de la pauvreté et ses affirmations sur la nécessité de l’aumône pour le salut. Il donne sous une forme absolue la béatitude de la pauvreté, vi, 20, tandis que dans le texte parallèle du premier évangile, ce sont les pauvres en esprit qui sont béatifiés : il faut noter cependant que les pauvres proclamés bienheureux par Jésus sont de ceux qui suivent le Sauveur (le discours s’adresse aux disciples), et que les jrrwxoi, dans le Langage de l’Ancien Testament, ne sont pas des pauvres quelconques,

mais ceux qui, fidèles à Dieu, al tendent Bon lecours Le pauvre Lazare, dans la parabole, xvi. 19-31. est emporté par les anges dans le sein d’Abraham, tandis que le riche es ! torturé dans le séjour des morts ; on n’en doit pas conclure cependant, que tout pauvre,