Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/505

Cette page n’a pas encore été corrigée
995
996
LUC (SAINT). SOTERIOLOGIE


œuvre de salut : IX, 22, 31, 44 ; xii, 50 ; xiii, 33 ; xvii, 25 ; xviii, 31-33 ; xxiv, 20, 44-46. On ne trouve pas, il est vrai, dans le troisième évangile l’expression pour ainsi dire technique de l’œuvre rédemptrice : « Jésus est venu donner sa vie comme rançon pour beaucoup, » qui figure dans les deux autres synoptiques, Marc, x, 45 ; Matth., xx, 28. Mais on en a l’équivalent dans les paroles de la Cène eucharistique, telles qu’elles sont rapportées par saint Luc, xxii, 19, 20 : « Ceci est mon corps, qui est donné pour vous… Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui est répandu pour vous. » La parole sur le calice est rapportée dans des termes à peu près identiques par saint Matthieu et saint Marc, mais le corps donné pour vous est une formule propre au troisième évangile et à saint Paul.

Le salut.

Le salut individuel consiste d’abord

et essentiellement dans la rémission des péchés.

A la femme pécheresse, vii, 48, 50, Jésus dit en deux formules parallèles : « Tes péchés sont pardonnes, ta foi t’a sauvée » (par contre, dans l’histoire des dix lépreux, xmi, 11-19, la même formulera foi t’a sauvé, s’applique à une guérison, non au pardon des péchés). La mission qu’il donne à ses apôtres, en quittant la terre, c’est de prêcher en son nom la pénitence, en vue de la rémission des péchés, qui serait le fruit de sa mort et de sa résurrection, xxiv, 47. Mais il y a une organisation du salut, un salut collectif, qui réalise en un sens supérieur le salut messianique annoncé dans l’Ancien Testament, et c’est le royaume de Dieu, qui est le centre de l’enseignement de Jésus dans saint Luc comme dans les autres synoptiques (noter que saint Luc, pas plus que saint Marc, n’emploie l’expression « royaume des cieux », familière à saint Matthieu).

1. Les divers aspects du royaume de Dieu.

Cette expression a, dans le langage de Jésus, une signification assez complexe, elle s’applique, suivant les passages, à des réalités de divers ordres ; tout au moins faut-il dire que la réalité mystérieuse qu’elle désigne, le règne de Dieu, revêt un double aspect, ou plutôt présente deux phases : une phase terrestre, et une phase eschatologique. On n’a pas à discuter ici les deux théories opposées qui, simplifiant à l’excès la pensée de Jésus, supposent, l’une, que le règne de Dieu est une réalité purement spirituelle et intérieure (Harnack), l’autre, que c’est une réalité purement transcendante et eschatologique (J. Weiss, Loisy, Schweitzer et d’autres). Saint Luc, pas plus que les deux autres synoptiques, ne fournit d’appui à ces systèmes exclusifs et contradictoires.

a) Le royaume céleste. — Luc rapporte un certain nombre de paroles de Jésus où le royaume est indiqué comme à venir, comme un autre siècle par opposition au siècle présent, xx, 34, identifié avec le ciel où les élus recevront leur récompense, xii, 32, 33, où ils jouiront d’un bonheur caractérisé par l’image d’un banquet, xiii, 29 ; xxii, 31, où ils entreront par la résurrection et vivront en fils de Dieu, semblables aux anges, d’une vie toute différente de la vie terrestre, xx, 36, dont enfin le Sauveur dispose spécialement en faveur de ses apôtres, qui y auront un rang à part, xxii, 30.

b) Le royaume de Dieu sur la terre. — Mais l’évangéliste semble pourtant insister plus que les deux autres synoptiques sur la phase terrestre du royaume de Dieu, et il a rapporté certaines paroles de Jésus, dans lesquelles le royaume apparaît plus nettement comme une réalité déjà présente, une économie nouvelle inaugurée par sa propre manifestation au milieu des hommes.

Non seulement le royaume de Dieu va venir, mais il est déjà arrivé. Les soixante-douze disciples que Jésus envoie prêcher devront dire à tous : le règne de Dieu est proche de vous, et en donner pour preuve les guérisons qu’ils opéreront, x, 9, les démons expulsés, x, 20, la puissance de Satan brisée, x, 18. Le texte

capital est la réponse de Jésus aux Pharisiens qui lui demandent quand viendra le royaume de Dieu, xvii, 20, 21 : « Le royaume de Dieu ne vient point de manière à frapper les regards, [izz%Tv.p’x~r l pr l atoit ;. On ne dira point : Il est ici, ou : Il est là. Car voici, le royaume de Dieu est au dedans de vous, èvroç’j|i.ô>v. » Ce texte ne semble pas signifier que le royaume soit une grâce intérieure, par conséquent quelque chose de purement moral, car la parole s’adresse aux pharisiens qui n’en reçoivent pas le don ; il signifie sans doute : au milieu de vous (au dedans de vous, considérés comme groupe), et en tout cas affirme nettement la présence actuelle du règne de Dieu.

c) Caractère social du royaume de Dieu. — Qu’il s’agisse d’ailleurs du royaume dans sa phase définitive et céleste, ou du royaume sur la terre, il se présente avec un caractère, non point individuel, mais social. Ce n’est pas douteux pour le royaume céleste, comparé à un banquet, mais ici-bas déjà les membres du royaume forment une société. Le mot « Église » ne se trouve pas sans doute dans le troisième évangile, mais saint Luc rapporte une parole de Jésus, où le groupe de ses disciples est appelé un petit troupeau, xii, 32, dont il est lui-même le pasteur. Le petit troupeau, c’est avant tout le groupe des douze apôtres, choisis pour être les ouvriers de l’accroissement du royaume, à qui, pour cela, les mystères du royaume sont confiés du vivant même de leur maître, viii, 10, et qui, en raison de cette vocation, seront plus directement l’objet des attaques de Satan, xxii, 31. Parmi eux, Simon-Pierre aura un rôle à part, une autorité supérieure, v, 10 et surtout xxii, 32, où il reçoit la mission d’affermir la foi de ses frères, et où Jésus lui assure qu’il a prié pour lui, afin que sa propre foi ne défaille pas.

2. L’avènement du royaume céleste.

On n’a pas ici à traiter dans son ensemble la question de l’eschatologie évangélique, mais seulement à noter les traits particuliers à saint Luc.

Au point de vue général il suffit d’indiquer que la solution des problèmes posés par ce qu’on appelle l’Apocalypse synoptique (ensemble des discours rapportés par les synoptiques qui ont trait à la fin des temps, à la venue du Fils de l’homme, etc.) repose, d’une part sur les résultats de la critique littéraire, qui conduit à considérer le grand discours eschatologique des synoptiques, Matth., xxiv, 1-51 ; Marc, xiii, 1-37 ; Luc, xxi, 5-38, comme formé de plusieurs, tout au moins de deux discours, réunis par les évangélistes, bien que n’ayant pas été prononcés au même moment, et n’ayant pas non plus tout à fait le même objet (supposition qui a un appui solide dans le fait que saint Luc rapporte dans un autre contexte Certains éléments de ce discours, tel au’il est dans saint Matthieu, Matth., xxiv, 37-40 = Luc, xvii, 26-27 ; Matth., xxiv, 43-51 = Luc, xii, 39-46) ; d’autre part, sur la distinction que l’analyse des idées conduit à faire entre l’établissement du règne de Dieu et l’avènement du Fils de l’homme, entre la fin des temps et la ruine de Jérusalem qui en forme seulement comme un prélude, n’étant pas, comme on l’a dit très bien, L. de Grandmaison, art. Jésus-Christ, du Diction, apologétique, t. ii, col. 1444, la fin du monde, mais la fin d’un monde. Ces distinctions sont mieux marquées dans saint Luc que dans les autres synoptiques : c’est ainsi qu’on trouve dans le troisième évangile, xvii, 22-37, un discours qui a pour objet exclusif la venue du Fils de Dieu pour le jugement suprême, venue soudaine, mais que rien n’indique prochaine. Les deux textes qui paraissent donner l’avènement du règne de Dieu comme unévénement relativement prochain, l’un, ix, 27, où Jésus déclare que plusieurs de ceux qui l’écoutent ne goûteront pas la mort qu’ils n’aient vu le règne de Dieu, et l’autre, xxi, 31, 32, qui affirme qu’une génération ne se