Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/494

Cette page n’a pas encore été corrigée

973 LUC (SAINT). LE TROISIÈME ÉVANGILE ET LA CRITIQUE

974

Jérôme, De viris illustr., 7, P. L., t. xxiii, col. 619, ont même reconnu saint Luc dans le frère, « célèbre dans toutes les Églises à cause de l’Évangile », dont parle saint Paul, II Cor., viii, 18. Mais il s’agit ici d’un disciple connu par sa prédication de l’Évangile, et non point, comme l’a cru saint Jérôme, par la rédaction d’un évangile, et il n’est pas prouvé que ce passage de II Cor. fasse allusion à saint Luc.

Quoi qu’il en soit, puisqu’il n’est dit nulle part dans les épîtres de saint Paul que Luc, son compagnon, ait écrit un évangile, puisque d’ailleurs ni le troisième évangile, ni les Actes des Apôtres ne contiennent d’indication d’auteur, il faut bien que la tradition qui fait de saint Luc un évangéliste soit une tradition véritable, remontant à l’origine, bien que nous n’en ayons pas d’attestation écrite avant la fin du iie siècle, et non pas une simple hypothèse proposée par saint Irénée ou quelque autre, afin de donner un nom d’auteur à un livre demeuré anonyme.

En effet, si les Actes devaient être naturellement attribués à un disciple de saint Paul, on ne voit pas pourquoi, en l’absence de toute indication traditionnelle, l’attention se serait portée sur saint Luc plutôt que sur un autre. A tout le moins, ainsi que le fait remarquer le P. Lagrange, op. cit., p. xi, il y aurait eu flottement, comme lorsqu’on se demandait qui avait écrit ou rédigé l’Épître aux Hébreux. D’ailleurs, note encore le P. Lagrange, le troisième évangile et les Actes, étant dédiés à Théophile, personnage d’un rang distingué, n’étaient point complètement anonymes, et c’est sans doute du cercle des amis de Théophile où le nom de Luc ne pouvait pas ne pas être connu, qu’il se répandit partout.

2. Autres données traditionnelles sur saint Luc. — La tradition ecclésiastique fournit quelques détails complémentaires sur la personne et l’œuvre de saint Luc.

D’après Eusèbe, H. E., III, iv, P. G., t. xx, col. 220, et saint Jérôme, De vir. illust., 7, P.L., t. xxiii, col. 610, saint Luc était originaire d’Antioche, ou du moins d’une famille d’Antioche, fait qui concorde avec la précision des renseignements que semble avoir possédé l’auteur des Actes sur les débuts du christianisme dans cette capitale de l’Orient.

Même indication d’origine dans les anciens prologues latins, dits monarchiens, publiés par Corssen, Monarchianische Prologe dans Texte u. Unters., t. xv, fasc. 1, et dont un texte grec, probablement l’original, a été édité par von Soden, N. T., i, 327. D’après ce même document, saint Luc, demeuré célibataire, suivit saint Paul jusqu’au martyre de l’Apôtre, et mourut lui-même en Béotie, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans ; il aurait rédigé son évangile en Achaïe, après que saint Matthieu et saint Marc eurent composé les leurs, l’un en Judée, l’autre en Italie, et se serait proposé par cet écrit de protéger les fidèles d’origine grecque contre les erreurs juives et hérétiques. Sur ces prologues et la valeur des renseignements qu’ils contiennent, cf. Zahn, Das Evangelium des Lukas, Leipzig, 1913, t. i, p. 13-19, et Lagrange, op. cit., p. xiii XVIII.

D’autres assertions émises au sujet de saint Luc par certains écrivains ecclésiastiques, par exemple celle qui fait de l’auteur du troisième évangile un des soixante-douze disciples, ou l’un des disciples d’EmmaOs, sont de simples conjectures sans fondement traditionnel, et sont mime en opposition avec les données les moins contestables sur l’origine de saint Lue.

Date ili lu compoiitton du troisième évangile.

Au

sujet de la rédaction du troisième évangile, on vient de voir qu’une ancienne tradition, parfaitement acceptable, le fait composer en Grèce, mais, sur la date de sa

composition, on ne trouve aucune donnée ferme, sinon qu’il fut rédigé après celui de saint Matthieu et celui de saint Marc. Comme il a été sûrement écrit avant les Actes des Apôtres, c’est la date attribuée à ce dernier livre qui détermine celle de la composition de l’évangile.

L’opinion la plus commune parmi les catholiques, supposant que saint Luc a écrit les Actes du vivant de saint Paul, la rédaction du troisième évangile devrait être a fortiori antérieure à 64, date du martyre de saint Paul. Une difficulté à ce sujet pour les critiques — de plus en plus nombreux aujourd’hui, même parmi les catholiques — qui admettent que saint Luc a connu et utilisé l’évangile de saint Marc, résulte de la notice de saint Irénée, qui semble dire que saint Marc n’a écrit son évangile qu’après la mort des apôtres Pierre et Paul. On a cherché (dom Chapman, Harnack) à donner du texte de saint Irénée une interprétation différente, mais on n’y peut arriver qu’en faisant une certaine violence au sens obvie de ce passage. Le P. Lagrange qui, dans son commentaire de s’aint Marc, 1e édit., Paris, 1911, avait cru devoir renvoyer la composition du second, et par conséquent du troisième évangile après la mort de saint Pierre pour se conformer au témoignage d’Irénée, a modifié son opinion dans son commentaire de saint Luc : plus frappé par la valeur des raisons qui militent en faveur de la rédaction des Actes du vivant de saint Paul, il incline maintenant à attribuer moins de force à l’assertion de saint Irénée, qui pourrait bien ne pas reposer sur une tradition authentique, mais être seulement le résultat d’une conjecture. Cf. Lagrange, op. cit. p. xxrv-xxvii.

La plupart des critiques non catholiques assignent au troisième évangile une date notablement plus tardive. On exposera et on discutera plus loin les raisons de critique interne sur lesquelles s’appuie principalement leur sentiment.

4° L’origine du troisième évangile d’après la Commission biblique. — L’enseignement catholique traditionnel sur l’origine du troisième évangile a’été formulé officiellement dans une décision de la Commission biblique pontificale du 26 juin 1912 (à compléter par la décision du 12 juin 1923 relative aux Actes des Apôtres). En voici le résumé. Le médecin Luc, compagnon et coopérateur de saint Paul, est l’auteur du troisième évangile, dont font partie authentiquement les récits de l’enfance du Christ (Luc, i-n) et le passage sur l’apparition de l’ange et la sueur du sang (Luc, xxii, 43, 44). Cet évangile a été composé après celui de saint Matthieu et celui de saint Marc. Mais aucune raison valable n’oblige à en différer la rédaction jusqu’après la ruine de Jérusalem, pas même la précision plus grande que semble avoir dans le troisième évangile la prophétie de Notrc-Scigneur sur cet événement. On doit même affirmer que, le troisième évangile ayant été composé avant les Actes des Apôtres, et ce livre ayant été écrit à la fin de la captivité de saint Paul à Rome, cet évangile ne peut être postérieur à cette date. Saint Luc a écrit son évangile en s’appuyant principalement sur la prédication de saint Paul, mais en utilisant aussi d’autres sources, tant orales qu’écrites, et le soin qu’il a mis à s’informer auprès de témoins dignes de foi garantit la pleine valeur historique que l’Église a toujours attribué a cet évangile.

II. LE TROISIÈME ÉVAJraitS ET LA CRITIQUE. — NI sur l’authenticité du troisième évangile, ni sur sa date de composition, les conclusions de la majorité des critiques non catholiques ne sont conformes aux données traditionnelles que nous Venons <le résumer.

Si les plus conservateurs acceptent encore son attribution à saint Luc, ceux-là mêmes, pour la plupart, en placent la rédaction après la ruine de Jérusalem. Les