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LOIS. LA LOI CIVILE


civium scripta. Etym., I. V, c. xxi, P. L., t. lxxxii, col. 203.

1. Son objet propre est le bien temporel commun ; elle doit donc tendre à procurer : a) la fortune, favoriser par conséquent l’agriculture, l’industrie, le commerce, les différents arts ; — b) le bien du corps, donc tout ce qui peut augmenter le nombre des citoyens, leur conservation, leur santé, etc., l’intéresse ; — c) le bien d> l’intelligence en surveillant l’éducation, créant de hautes écoles, etc. ; — d) le bien moral en aidant à la pratique des vertus, empêchant et punissant le vice ; — e) les biens proprement sociaux par une bonne constitution mise loyalement en pratique, en surveillant et punissant les ennemis du dedans et du dehors.

On pourrait augmenter cette liste sur laquelle tout le monde est d’accord. Mais le bien commun est en définitive en vue du bien de chacun. Et dès lors, jusqu’à quel point l’État peut-il travailler au bien commun sans léser celui des particuliers ? Bien des opinions ont été soutenues. Les individualistes, qu’on appelle quelquefois libéraux, pensant que le bien public se confond avec les biens individuels, disent que l’État doit chercher le bien général de la société sans se préoccuper de procurer le bien des individus : la part de l’État serait donc très restreinte ; les socialistes demandent tout à l’État et lui donnent pour mission de s’occuper des intérêts particuliers de tous : État maître de pension, État père de famille. L’expose des systèmes et la discussion de ces questions appartient à la sociologie. Il suffit de dire ici que la loi doit chercher le bien commun sans nuire au bien des particuliers qu’il ne lui appartient pas deprocurer directement. On peut en pratique accepter ces formules :

a. L’État doit protéger les droits, c’est là sa fonction naturelle et primaire, qu’il ne doit céder à aucun autre. Droits des individus ou des groupes (familles, associations, communes, provinces) : droit à l’existence, à la propriété, à la réputation, à la religion ; droits naturels ou acquis. Il doit donc assurer F exercice des droits naturels, empêcher la violence et la ruse ; défendre les faibles par les moyens que l’expérience montre le plus efficaces ; il doit protégée contre les dangers qui les menacent les mineurs, les travailleurs de nuit, les femmes qui vont à l’atelier ; il doit procurer le repos hebdomadaire, interdire la pornographie, etc. Il doit déterminer ces droits par des lois, c’est-à-dire en fixer l’exercice dans des cas particuliers, par des règlements sur la transmission de la propriété, par vente, donation, succession, etc. — Il doit résoudre les conflits par la répression des crimes, sans quoi la loi serait lettre morte. Ce pouvoir est absolu, souverain, indépendant.

b. L’Étal doit aider les intérêts dans l’ordre économique, soit en écartant les obstacles (impôts injustement repartis), soit en favorisant, en stimulant l’activité privée par les moyens jugés convenables ; par des voies de communication, fies conventions commerciales avec les autres nations ; en aidant les compagnies d’assurance, les coopératives, etc., mais régulièrement il ne doit pas les gérer lui-même, C’est une erreur de penser qu’on n’a rien à demander a l’État, mais il ne faut pas lui permettre de tOUl faire.

Dans l’ordre moral. l’État doit (aire en sorte, dit

saint Thomas, que les choses nécessaires a une exis Icnce convenable soient en quantité sullisanle, promouvoir le bien, ni s/7 de promut ionr sollicitas, coin ger ce qui est défectueux, perfectionner ce qui M] bi » -n. Dt regimine principum, i, lô. Ainsi le grand docteur pose le principe souvent rappelé par les papes Parmi les principaux <leoirs du chef de l’État se Irouvi bu de protéger ci de défendre la 1 Importe a la prospérité sociale que les

citoyens puissent librement et facilement tendre à leur fin dernière. » Léon XIII, Encycl. Immortale Dei. « De cette nécessité d’assurer le bien commun dérive, comme de sa source propre et immédiate, la nécessité d’un pouvoir civil qui, s’orientant vers le but suprême, y dirige sagement et constamment les volontés multiples. » Léon XIII, Lettre aux cardinaux français, 3 mai 1892. Pie X condamne rempublicam cujusvis religiosi cultus experlem, Encycl. Vehementer nos, Il février 1906. L’État a donc en cela des devoirs négatifs : réprimer les actes contraires à la morale, à la religion ; des devoirs positifs : établir, développer, fortifier ce qui peut favoriser la moralité publique ; il ne doit pas en cela s’occuper des individus.

Ce devoir d’aider les intérêts est seulement conditionnel, parce que l’influence excitatrice de l’État n’est demandée que s’il s’agit de biens nécessaires ou du moins très utiles à la société et si l’État tient compte, en l’exerçant, de droits antérieurs innés ou acquis ; supplétif, parce que l’État ne doit intervenir que pour aider l’initiative privée absente ou insuffisante. Il doit la compléter sans la restreindre et l’empêcher.

La formule adoptée est assez juste pour marquer ce qu’il convient de faire et ce qu’il faut éviter. On ne peut prétendre résoudre avec elle théoriquement, et moins encore pratiquement, toutes’les difficultés qui peuvent surgir. Voir Antoine, S. J., Cours d’économie sociale, 2e édit., p. 38 sq. Voir aussi le mot État et l’encyclique de Léon XIII, Rerum novarum.

2. Dans les choses purement temporelles, l’État peut légiférer indépendamment de l’Église, mais non contrairement aux lois de Dieu. Non seulement il doit respecter la loi naturelle, mais il doit la sanctionner par des prescriptions positives : forcer les enfants à s’occuper de leurs parents ; la déterminer par des règlements qui en assurent l’exercice : lois sur la validité des ventes, donations ; y ajouter des préci sions : ordonnances sur la pèche, la chasse, etc.

3. Dans les choses mixtes, l’État ne peut feindre d’ignorer l’Église. Voir l’art. Éouse, t. iv, col. 2210 sq. Pour chacun des deux pouvoirs « il y a donc comme une sphère circonscrite, dans laquelle chacun exerce son action jure proprio. Toutefois, leur autorité s’exerçant sur les mêmes sujets, il peut arriver qu’une seule et même chose, bien qu’à un titre différent, mais pourtant une seule et même chose ressortisse à la juridiction et au jugement de l’une et l’autre puissance… Il est donc nécessaire qu’il y ait entre les deux puissances un système de rapports bien ordonné, non sans analogie avec celui qui, dans l’homme, constitue l’union de l’âme et du corps. » Des temps arrivent parfois où prévaut un autre mode d’assurer la concorde et de garantir la paix et la liberté : c’est quand les chefs d’État et les souverains pontifes se sont mis d’accord par un traité sur quelque point particulier… Cette constitution de la société politique n’a rien qui puisse paraître peu digne ou malséant à la dignité des princes. Loin de rien ôter aux droits de la majesté, elle les rend au contraire plus stables et plus augustes. Encycl. Immortale Dei,

-1. L’État n’a pas mission pour s occuper des choses purement spirituelles, il ne peut que favoriser l’Église dans son action pour le bien,

5. Pour l’exposé des erreurs sur la loi civile, voir le mol ÉTAT, t. v, col. 887.

4° Obligation de In loi <iiuU i. Sur cette question particulièrement délicate, il y a lieu d’établir d’abord

le principe général qui déclare qui les lois civiles obligent en conscience ; après quoi OU eludieia les

cas particuliers, el spécialement celui des lois pénales.

1. Principe général. Si la loi civile ne fait qu’appliquer la loi naturelle OU la loi divine, si elle est