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LOIS. LA LOI CIVILE

nouvelles devenues définitives, il y a disproportion évidente, considérable entre les préceptes et les personnes auxquelles ils étaient imposés. Cesl ainsi qu’en matière de loi civile, les transformations industrielles et commerciales amènent fréquemment de ces changements législatifs qui font passer les codes el les gloses des jurisconsultes au rang de simples curiosités historiques. Le concile de Jérusalem avait interdit aux chrétiens le sang et les viandes étouffées ut abstineant se… a sufjocatis et sanguine, Act., xv, 20. La loi a tellement bien cessé d’exister à cause de son inutilité qu’on ne peut dire à quel moment elle a disparu.

Mais il faut que toutes les raisons pour lesquelles la loi a été faite aient disparu : donc, — a) que la fin ait cessé totalement ; si un des motifs existe toujours, la loi garde sa vigueur : si en demandant des prières pour la croisade contre les Turcs, saint Pie V en avait demandé pour la paix intérieure, les prières devaient continuer après la bataille de Lépante ; — b) qu’elle ait cessé dans toutes ses parties : un jeûne est prescrit en même temps que des prières, le jeûne est défmiti"vement impossible, l’obligation de faire des prières reste ; — c) qu’elle ait cessé pour la généralité et d’une façon permanente, autrement ce serait l’épikie, ou la suspension de la loi.

( VI. La loi civile. — « Dieu, dit Léon XIII, a divisé le gouvernement du genre humain entre deux puissances : la puissance ecclésiastique et la puissance civile : celle-là préposée aux choses divines, celle-ci aux choses humaines. Chacune d’elles en son genre est souveraine ; chacune est renfermée dans des limites parfaitement déterminées et tracées en conformité de sa nature et de son but spécial. » Encycl. Immortelle Dei, du 1 er novembre 1885. L’Église peut donc faire des lois pour le bien spirituel des fidèles, la société temporelle peut en faire directement pour son bien temporel, indirectement pour son bien spirituel, car l’ordre et le bien-être matériels favorisent la vertu. Dans toutes les lois, c’est toujours Dieu qui commande : Non est enim potestas nisi a Deo, Rom., xiii, l. Dans la loi éternelle, il commande sans promulgation ; dans la loi naturelle, la promulgation est faite sans forme visible ; dans la loi divine positive, la promulgation est faite par les paroles mêmes de Dieu ; dans la loi ecclésiastique, la constitution est donnée par Dieu même, l’Église applique la législation aux circonstances de temps, de lieu ; dans la loi civile enfin, Dieu laisse la société libre de choisir, la constitution, la forme de gouvernement, voir État, t. v, col. 887 sq., libre de faire des lois sur tout ce qui l’intéresse pourvu qu’elles ne soient pas en opposition avec celles qu’il a données ou que l’Église a faites sur son ordre : « Dieu seul est le vrai et souverain Maître des choses ; toutes, quelles qu’elles soient, doivent nécessairement lui être soumises et lui obéir, de telle sorte que, quiconque a le droit de commander ne tient ce droit que de Dieu, chef suprême de tous… De même que, dans l’ordre des choses visibles, Dieu a créé les causes secondes, en qui se reflètent en quelque façon lanature et l’action divines, et qui concourent à mener au but où tend cet univers : ainsi a-t-il voulu que, dans la société civile, il y eût une autorité dont les dépositaires fussent comme une unage de la puissance que Dieu a sur le genre humain, en même temps que de sa Providence. » Léon XIII, ibid.

Auteur de la loi civile.

La faculté de porter

des lois en ce qui concerne les affaires temporelles réside dans les supérieurs légitimes qui diffèrent selon la constitution : « Réserve faite des droits acquis, il n’est pas interdit aux peuples de se donner telle forme politique qui s’adaptera mieux ou à leur génie propre, ou à leurs traditions et à leurs coutumes.

Léon XIII, encyclique Diulurnum, 29 juin 1881. Dans unimonarchie, c’est le roi avec ou sans le parlement ; dans une aristocratie, c’est le sénat, les nobles, les lords ; dans une démocratie, c’est l’assemblée élue par la communauté. A ces trois formes, saint Thomas préfère un régime ex islis commixtum, quod est optimum et secundum hoc sumitur lex, quam majores natu simul cum plebibus sanxerunt. l’-ll 1’, q. xcv, a. 4. Il csi donc plutôt pour ce qu’on peut appeler une république royale. Voir Pègues, La théorie du pouvoir dans saint Thomas, dans Revue thomiste, octobre 1911. Dans la plupart des sociétés modernes, les lois sont proposées par les ministres ou l’assemblée législative, discutées en public et votées, sanctionnées enfin par l’autorité suprême.

L’usurpateur est celui qui se substitue injustement, par la violence ou la ruse, au pouvoir existant de droit par hérédité ou par élection. On peut distinguer quatre moments dans l’attitude à garder à l’égard de ses lois : a) Pendant le trouble qu’occasionne la révolution ou la guerre, l’usurpateur n’a pas le droit de faire des lois, le peuple n’est pas tenu d’obéir même à celles qui sont justes, à moins qu’il n’y ait souscrit pour le temps de l’invasion.

b) Quand l’usurpateur jouit paisiblement du pouvoir avec l’acceptation tacite du peuple, et devient ainsi gouvernement de fait, on doit propter necessitatem obéir à ses lois justes. Léon XIII l’a rappelé après Pie IX et Grégoire XVI. Voir Lettre… à tous les catholiques de France du 16 février 1892 et Lettre aux cardinaux français du 3 mai 1892 : « Le critérium suprême du bien commun et de la tranquillité publique impose l’acceptation de ces nouveaux gouvernements établis en fait, à la place des gouvernements antérieurs qui, en fait, ne sont plus. »

c) Tant que le souverain reste usurpateur, qu’il n’a pas ce que Léon XIII appelle des droits acquis, il n’a de pouvoir qu’en raison de la nécessité et ce pouvoir peut lui être enlevé par des moyens légitimes ; ces moyens peuvent être légitimes sans être constitutionnels, tant que le pouvoir n’est pas agréé par le peuple.

d) Un moment arrive où la nation, dans son ensemble, accepte le nouveau pouvoir ; alors il n’est plus permis de changer la forme du gouvernement qu’en usant de moyens constitutionnels.

Promulgation de la loi civile.

Pour être faite

publici juris et devenir obligatoire, la loi civile doit être officiellement promulguée. Le mode le plus habituel est l’insertion au Journal officiel. En France, d’après un décret du 5 novembre 1870 encore en vigueur : « L T ne loi nouvelle est exécutoire dans chaque arrondissement un jour franc après que le numéro du Journal officiel qui la contient est parvenu au chef-lieu de cet arrondissement. » Voir le mot Promulgation.

Régulièrement, la loi, pour être exécutoire, ne doit pas ête soumise à l’acceptation du peuple, sauf le cas, prévu par certaines constitutions, d’un référendum, etc.

Objet de la loi civile.

La société existe surtout

pour le bien temporel des peuples ; ses lois doivent donc procurer le bien commun : Quod est ad finem. oportel quod sit proportionatum fini. I’-ID, q. en, a. 1. Le bien commun véritable ne peut être réalisé s’il est en opposition avec le bien spirituel : par conséquent, la loi civile ne peut être rédigée indépendamment de la loi ecclésiastique qui procure le bien spirituel, ni traiter seule les questions mixtes : Erii lex, dit saint Isidore, honesta, justa, possibilis. secundum naturam, secundum consuetudinem patries, Une. temporique conveniens, necessaria, utilis, manifesta quoque, ne aliquid per obscuritatem in captionem contineat, nullo privato commodo, sed pro communi utilitalc